Pig
Autres titres:
Real: Nico Bruinsima / Rozz Williams
Année: 1998
Origine: USA
Genre: Horreur / Fantastique
Durée: 23mn
Acteurs: James Hollan, Rozz Williams
Résumé: Un homme affublé d'une tête de porc traverse la vallée de la mort en voiture. Il fait monter à son bord un homme dont le visage est recouvert de bandelettes et l'emmène dans une maison délabrée. Il va infliger à cet inconnu consentant toute une série de tortures sadomasochistes extrêmes jusqu'à ce que bourreau et victime ne fasse plus qu'une seule et même entité...
Ultime travail de Rozz Williams, le leader du fameux groupe Christian death, avant son suicide, Pig réalisé par son ami hollandais Nico Bruinsima pourrait être vu par beaucoup comme un assemblage de scènes sadomasochistes extrêmes sans véritable sens. Si toutefois on pousse un tant soit peu l'analyse c'est pour l'amateur de cinéma transgressif un film aussi onirique que macabre sur le double de soi, cette dualité qui existe en tout être humain. Pig est une allégorie sur le bien et le mal, un indescriptible voyage au coeur de ce que l'âme recèle de plus noir. Pig est avant toute chose la mise en image des obsessions et peurs de Williams, une projection de ses cauchemars les plus profonds. Ainsi fourmillent tout au long de ces 23 petites minutes moult références à sa vie, son groupe, son oeuvre. Autant dire que les adorateurs de Christian death y trouveront bon nombre d'explications et d'allusions qui échapperont au spectateur lambda.
Ce suffocant et paroxysmique court métrage nous entraine dans l'univers d'un homme affublé d'une tête de cochon. On le voit vérifier la mallette qui renferme ses outils: des seringues, des dominos, des instruments chirurgicaux, un livre pour enfant intitulé "Mr Pig and Sonny too" ainsi qu'une bible noire truffée d'incantations, de symboles funestes et de chiffres. Elle contient également le secret des tortures les plus extrêmes. Alors qu'il roule à travers la Vallée de la mort il fait monter à son bord un vagabond au visage recouvert de bandelettes joué par Williams lui même. Consentant, il l'emmène dans une maison délabrée pour lui fera subir toute une série de tortures et d'humiliations sexuelles effroyables.
Truffé de symboles, parfois clairs parfois plus flous, Pig à l'instar d'oeuvres approchantes tant dans le fond que dans la forme telles que l'hérétique Begotten, Subconscious cruelty ou encore Divided into zero demeure un essai expérimental, surréaliste, profondément
dérangeant proche des travaux de Rudolf Schwarzkogler, artiste autodestructeur adepte de l'art corporel fasciné par le sadomasochiste et les instruments chirurgicaux omniprésents tout au long du métrage. Tout au long de sa vie, Williams s'est beaucoup s'en est beaucoup influencé pour créer son univers mais il a également puisé son inspiration chez Richard Kern, artiste maudit obsédé par les cadavres et la mise en image de la Mort, par les mutilations et les atrocités élevées au rang d'oeuvres d'art morbides et repoussantes.
Pig fait d'ailleurs plus ou moins référence à un de ses films les plus connus, l'insoutenable The right side of my brain qui traite en 20 courtes mais inoubliables minutes de la sexualité maladive et morbide d'une femme. L'amateur y verra aussi un clin d'oeil à un autre de ses films, pour le décor cette fois, Death valley 69. Parmi les autres influences de Williams on trouve Ron Athey dont la spécialité était de reproduire sur scène lors de live shows les pires atrocités et déviances sexuelles imaginables. Urologie, scatologie, sadomasochisme, nécrophilie, mise à mort d'animaux... étaient ainsi au programme de ces performances extrêmes.
On trouve enfin comme ultime référence les travaux de Gidget Gein et plus particulièrement un de ses tableaux nommé Why do god allows me to do all these things? Et cette question est justement la ligne directive. Pourquoi Dieu me permet il de faire toutes ces choses?
La notion de bien et de mal est une des principales bases du film. Ni l'un ni l'autre n'ont de visage, ils ne font en fait qu'une seule et même entité qui sommeille au plus profond de nos âmes et ne demande qu'à émerger au moment le plus opportun. C'est pourquoi les deux personnages sont masqués, l'une d'une tête de porc, l'autre recouverte de bandelettes. Lorsque cette entité se réveille elle laisse alors exploser nos instincts les plus bestiaux représentés par cette tête de cochon. Quand le sombre cachot dans lequel est recroquevillé l'Homme s'ouvre ce n'est jamais que l'image même de la porte de notre âme qui laisse s'échapper nos pires pulsions. Chaque être humain a dans ses gènes cette attirance pour la souffrance, le plaisir de souffrir et de voir souffrir, tout deux indissociables.
L'autre grande idée directrice de Pig est le suicide de son égo. Le bourreau, l'homme à la tête de porc, n'est ni plus moins que le double, l'autre Moi de la victime, l'homme aux bandelettes.
Le tueur psychopathe dont on ne verra que le treillis et les rangers a pour double cet homme menotté et consentant dont on ne apercevra qu'un oeil fixe qui le suit dans ses fantasmes macabres. Le meurtre de la victime est en fait le suicide du bourreau. Il se condamne lui même en torturant, humiliant et assassinant. Le masque du porc n'est que sa propre représentation car il n'est qu'une bête que ses actes répugne.
L'objectif à atteindre est bien sûr la mort. Lorsqu'elle aura enfin usé de sa faux, le bourreau emballera alors sa victime dans une nappe en plastique avant qu'elle ne se réveille pour s'unir à lui lors d'une séquence totalement surréaliste. Leur tête s'envelopperont de bandelettes pour ne plus faire qu'une. Victime et bourreau, c'est ce que nous sommes tous au final. Ce voyage au bout de l'innommable se terminera par la résurrection de l'homme qui
ressuscitera à l'intérieur d'une étrange carcasse se dressant au milieu du désert. Après s'en être extirpé, il se mettra alors en route vers d'autres aventures, une manière d'illustrer le fait que la notion de bien et de mal est éternelle.
Si certains éléments pourront paraitre gratuits, il n'en est pourtant rien. Tout a ici une signification précise suivant les propres codes de Williams et de sa Bible Noire que le bourreau suit à la lettre. Cet ouvrage très justement nommée Why God permits Evil? est en fait un livre qu'avait écrit Williams avant sa mort, une sorte de testament qui ne fut malheureusement jamais publié. Il contenait toute une série de chiffres, de taches étranges, de symboles et autres signes ésotériques, de dessins morbides qui n'étaient que la clé du monde que son auteur avait crée et dans lequel il vivait. L'ouvrage débutait par ces mots: "j'ai arrêté de lutter et j'ai fait ce que Dieu attendait de moi". Cette phrase sert d'ailleurs de point de départ au film. Il faut cesser de lutter contre nos instincts et obéir à ce Dieu qui nous aime sales, meurtriers et laids.
Pig porte aussi l'empreinte blasphématrice de Christian Death et fait de temps à autre référence à certains de leurs spectacles et autres frasques de Williams notamment lorsqu'au cours d'un concert il se fit réellement crucifié sur scène ce qui laissera son corps marqué à vie. Le film fourmille ainsi d'indices et de symboles religieux, de références au groupe que son public saura remettre comme le chiffre 1334, le chiffre fétiche de Williams qu'on retrouve souvent dans sa discographie. On se remémorera le titre Dec. 30 1334 qui débute par cette phrase "By the time you hear this message, I'll be gone", un signe évident de son suicide prochain mis en scène dans Pigs comme une forme de préméditation.
Pig dont le tournage demanda travail un an et demi de travail est une oeuvre suffocante, nauséabonde, une forme d'introspection monstrueuse qui très vite tourne au cauchemar. Tourné en super 8 en noir et blanc, le film de Williams et Bruinsima est aussi cru et lugubre que son décor. L'absence de tout dialogue rend encore plus insupportable ce voyage dans les tréfonds de l'âme humaine durant lequel seule la bande-son composée de bruits sourds,
de sons étranges et maladifs, de cris et de halètements brise le pesant silence, accentuant ainsi le malaise. Celle ci qui par bien des aspects rappelle l'album Premature ejaculation de Williams fut composée par ce dernier puis terminée par Chuck Collinson après sa mort. Les amateurs de sensations fortes et autres atrocités seront quant à eux aux anges puisque Pig leur réserve de nombreuses bon nombre de plaisirs sadomasochistes extrêmes cliniquement détaillées à la limite du supportable. Au menu des tétons percés puis cousus, une sonde est enfoncée dans le pénis de la victime afin d'en extraire le sang, ce même pénis est lié afin que l'homme ne puisse uriner, le mot Pig est inscrit dans la chair de son torse à l'aide d'une lame de rasoir, un entonnoir lui est enfoncé dans la bouche afin de le forcer à ingurgiter ce qui semble être du sang jusqu'à ce qu'il suffoque et s'étrangle... Ce qui devrait en mettre plus d'un bien mal à l'aise est le fait de savoir que toutes ces tortures furent réalisées sans aucun trucage. James Hollan qui interprète la victime était en effet un adepte des plaisirs sadomasochistes extrêmes. Ce fut donc sans peine qu'il se vit infliger toutes ces maltraitances. Ce point précis outre de venir grossir l'aspect particulièrement malsain du film le rapproche dangereusement du snuff movie. Précisons tout de même que seule la mort de la victime fut feinte.
Si comme bien souvent pour ce type d'oeuvre chacun pourra donner sa propre interprétation, Pig demeure quoiqu'il en soit un spectacle certes paroxysmique mais fort intelligent derrière cette déferlante d'images sordides et nauséabondes, un inoubliable voyage au bout de l'horreur humaine dont les plus sensibles auront beaucoup de mal à se remettre. Pour tous les autres ce court métrage particulièrement cérébral devrait combler leurs pulsions les plus perverses.
Rozz Williams se suicidera peu avant la sortie du film qui connut une première aux USA avant d'être banni un peu partout dans le monde.