Strictly forbidden
Autres titres: Le musée
Real: Jack Deveau
Année: 1974
Origine: France/ USA
Genre: X / Fantastique
Durée: 74mn
Acteurs: Thomas Jeffries, Jack Deveau, Hugh Allen, Big Bill Eld, Gene Kelton, Daniel Novan, Alain Queret, Jean Etienne Siry, Daniel Mesplet, Bill Young, Jean-Pierre Vierle...
Résumé: Un jeune étudiant en arts visite Paris. Il rencontre Monsieur, un homme étrange qui l'invite à boire un café. Il lui recommande vivement de visiter le musée Ormont. Le jeune homme s'y rend et décide de s'y faire enfermer pour la nuit. Il pénètre dans une pièce sombre dont l'accès est strictement interdit au public. A l'intérieur s'y dressent des statues qui très vite prennent vie. L'étudiant va vivre au gré de leurs fantasmes sexuels de torrides expériences aussi sensuelles que douloureuses. Au petit jour, un nouvel étudiant pénètre dans cette pièce du musée. Une nouvelle statue, figée dans la souffrance, s'y dresse désormais...
Directeur de la Hand in hand films qui produisit Strictly forbidden, Jack Deveau fut également durant les années 70 un prolifique metteur en scène qui dirigea notamment quelques fleurons du cinéma porno gay. Réalisé en 1974 mais tardivement sorti en France en 1977 sous le titre Le musée, Strictly forbidden est une oeuvre aussi étrange que par instant envoutante. Elle fait partie de ce courant hardcore qui en ces époques bénies savait mélanger avec bonheur la pornographie à d'autres genres cinématographiques, en l'occurrence ici le fantastique. Deveau en reprend un des grands thèmes, celui de statues qui par le biais de quelques phénomènes magiques prennent vie dans un petit musée parisien dans lequel s'est laissé sciemment enfermer un étudiant en arts. Sur cette trame toujours fascinante, Deveau accouche d'un film inégal mais sur bien des points troublant.
Proche d'oeuvres telles que Bijou, Le musée n'en a malheureusement pas l'impact. Si on passera sous silence les quelques incohérences du scénario dont la plus grosse est sans doute la raison pour laquelle l'étudiant se laisse enfermer dans le musée, il manque au film cette aura surréaliste qui faisait la force de Bijou, vertigineuse plongée au coeur d'un univers de sensualité et de sexualité masculine exacerbées où toute notion d'espace-temps semblait avoir disparu. Il manque avant tout à cette nouvelle fantasmagorie sexuelle une certaine force imaginative. Filmées sans grande originalité, parfois mal cadrées, alternant bizarrement la couleur et le noir et blanc, les scènes de sexe plutôt répétitives reposent essentiellement sur un enchainement de fellations, sodomies et analingus souvent crasses ce qui tranche étonnamment avec le coté onirique de l'ensemble. Cependant, ce mariage entre le beau et le sale fonctionne, joli reflet d'une sexualité masculine multi facettes. Ainsi Deveau aime filmer la fusion de la salive et du sperme, bouillon organique luisant qui recouvre les corps et les phallus des statues de chair. On sera cependant sensible à la grande sensualité des scènes de baisers et des jeux de langue entre l'étudiant et l'éphèbe qui lui sert de guide.
Malgré ses quelques défauts et la simplicité des séquences pornographiques dont une avec un godemiché géant, Le musée capture cependant assez vite l'attention du spectateur. Rythmé par une envoutante voire oppressante partition musicale synthétique, lancinante, où se mêlent par instant cris, souffles et soupirs, râles, insultes murmurées, bruits de succions et tapotements des testicules contre les fessiers, Le musée étonnera lors de certains plans (les miroirs antiques où se reflètent les corps, la scène du bain dans le coquillage...) et fascinera notamment lors des scènes où les statues prennent vie. Lentement leur corps de pierre se gorge de sang, se strie de veines avant qu'elles n'avancent lentement vers l'étudiant en sortant de l'ombre sous la forme de jeunes éphèbes ou d'Apollon grecs, leur verge gorgée de désir.
Ainsi notre étudiant pourra lors de cette nuit fantastique connaitre les 1001 plaisirs du sexe masculin, donner vie à ses fantasmes les plus secrets, être l'objet de ces créatures fabuleuses qui finalement auront raison de son âme lors d'une douloureuse conclusion, un des grands moments du film. Pris d'assaut par les quatre Apollon qui s'apprêtent à lui faire connaitre les ultimes outrages, l'étudiant se débat, cherche à fuir leur emprise avant que son corps ne se transforme en pierre imbibée de sang, le visage crispé en un rictus de douleur, l'expression de la souffrance figée pour l'éternité. Au petit matin, un nouvel étudiant pénétrera dans le musée dans lequel se dresse désormais une nouvelle statue au visage marqué par la douleur. Comme attiré, il entre à son tour dans la pièce interdite.
Outre l'aspect fantastique, l'amateur ne pourra que succomber au charme du Paris des années 70, ses avenues, ses rues, ses boulevards, ses cinémas, ses monuments et musées que visite l'étudiant au gré de ses errances touristiques. On remarquera avec humour qu'il passe devant une salle, le Hollywood boulevard, où joue Le gaucher homo, un des premiers films que réalisa... Jack Deveau! On notera également que certains plans furent tournés au Musée Rodin.
Proche d'un certain cinéma expérimental, Le musée s'il n'a pas la puissance onirique et surréaliste de Bijou encore moins la poésie d'un Pink narcissus, une poésie, un onirisme auquel un tel sujet pouvait facilement prétendre, il n'en demeure pas moins un film par bien des aspects envoutant, un parfait mariage entre la pornographie et le fantastique comme seules les années 70 surent en faire. Le film de Deveau mérite tout l'intérêt de l'amateur d'oeuvres étranges d'autant plus s'il est particulièrement sensible aux charmes virils. Aux cotés de Jack Deveau qui interprète Monsieur, on pourra se laisser aller à la beauté juvénile
du héros, l'inconnu Thomas Jeffries, entouré de quatre bellâtres dont un jeune hippie, un superbe et gracile guide et un puissant barbu à la beauté hellénique. On notera également la présence de Jean-Etienne Siry, inoubliable réalisateur de Poing de Force et Et Dieu créa les hommes.
Tourné entièrement à Paris, il existe deux versions du film, la version originale de 1974 et la version française qui fut brièvement projetée à Paris trois ans plus tard de façon plus ou moins clandestine sous le titre Le musée. Cette version non autorisée semble avoir aujourd'hui disparu.