Pink narcissus
Autres titres:
Réal: James Bidgood
Année: 1971
Origine: USA
Genre: Fantastique / Gay
Durée: 71mn
Acteurs: Bobby Kendall, Don Brooks...
Résumé: Jeune prostitué, Bobby vit dans un appartement cossu. Amoureux de son image, il vit pour la beauté de son corps et de sa perfection, passant son temps à se contempler dans des miroirs. Il vit ses fantasmes à travers des personnages à qui il donne vie dans un monde imaginaire...
Longtemps considéré comme perdu, ce film qu'un halo de mystère entoura jusqu'à récemment quant à sa réalisation resurgit il y a quelques années lorsqu'un éditeur décida de le sortir en DVD, prouvant ainsi que Pink narcissus n'était en rien une légende.
Réalisé en 1971 par James Bidgood, photographe gay issu de l'underground new-yorkais, Pink Narcissus est un film étrange, une expérience envoûtante, une sorte de féerie gay surréaliste et indescriptible qui nous entraine dans l'univers d'un magnifique jeune prostitué new-yorkais, Bobby, un jeune homme à la beauté quasi céleste mais narcissique qui tente d'échapper à sa misérable vie à travers ses rêves et fantasmes qui tous prennent vie à l'intérieur de son petit appartement cossu. Obsédé par son image et la perfection de son corps, il se projette dans un monde aux couleurs chatoyantes bercé d'une musique angélique que traversent une multitude de différents personnages, tous imageant le mâle parfait. Ainsi se croisent matadors, sultans, centurions romains et motards en cuir qui tous deviennent la proie de ses désirs quand la réalité n'interfère pas avec le rêve.
Pink narcissus est une suite de tableaux plus beaux et fascinants les uns que les autres, un savant mélange entre le trash et l'onirisme. Psychédélique, arty, flashy, Pink narcissus c'est un peu comme si Pierre et Gilles avaient rencontré Méliès puis embrassé Derek Jarman dans l'ombre de Warhol. C'est un poème érotique en technicolor, lent, aérien, une ode au narcissisme. Tout le film, assez court au demeurant, s'articule autour de l'obsession de Bobby pour son corps. On reste dans la contemplation de la nudité masculine, l'auto-congratulation de son corps, le film masturbatoire par excellence. Le jeune prostitué vit pour sa nudité et sa beauté qu'il ne cesse de regarder dans des miroirs qui lui renvoient ses fantasmes à travers tous ces différent personnages.
On est sans cesse aux limites du surréalisme qui trouvera son apothéose lors du final où sous une pluie torrentielle Bobby se fait caresser puis violer par des fleurs et des lianes qui prennent vie, magnifiques symboles phalliques incarnant la violence des désirs et l'atteinte de l'Eden, un Paradis d'extase.
Dépourvu de tout dialogue, Pink Narcissus est un film à part, d'une rare beauté esthétique où Bidgood déploie toute une imagerie gay qui sublimine la quintessence même de l'homo-érotisation. Bidgood caresse ses jeunes corps de sa caméra, s'attarde sur leurs courbes, leurs globes fessiers et leur imposante virilité sans pourtant jamais la dévoiler entièrement, toujours pudique. On reste dans la suggestion, la force de la pensée et de l'imagination, principe même de l'érotisme. On contemple simplement ici la nudité et la beauté masculine.
L'une des rares séquences qu'on pourrait qualifier de violente est le viol de Bobby dans de vieux urinoirs par des bikers en cuir. On reste dans la puissance de l'imagerie gay, celle traditionnelle des pissotières et du viol, symbole de puissance et de force. C'est là une intrusion de la vie quotidienne du héros dans son monde imaginaire qui transformera ces douloureux instants en ébats passionnés dans une baignoire remplie de mousse. Bidgood avait rencontré Bobby Kendall dans la rue. Frappé par sa beauté, il incarnait à ses yeux la beauté masculine. Eperdument amoureux du jeune garçon, il en fit son modèle avant d'imaginer un film qui tournerait autour de cette beauté qui le fascinait. Ainsi est né Pink narcissus. On aimera ou on s'ennuiera fortement à la vision du film, on y verra la sublimation du corps de l'homme, la beauté de la nudité masculine, une ode au corps et à la virilité ou on y verra qu'un long pensum multicolore et vide. Chacun jugera à sa manière Pink narcissus devenu aujourd'hui une oeuvre culte de l'underground américain et du cinéma gay estampillé années 70.