Et Dieu créa les hommes
Autres titres: And god created man
Real: Jean Etienne Siry
Année: 1978
Origine: France
Genre: X
Durée: 80mn
Acteurs: Yvons Saunders, Guy Charrier, Jean-François Dumas, Gabsy, Fréderic Fist, Lucien la Fontaine, Bob Ferrer, François Lebel, François Lecock, Jean Lozère, Ali Saadi, Denis Santos...
Résumé: Lucien n'a plus de nouvelles de Mathias, son petit ami, depuis plusieurs déjà. Il ignore que celui ci est décédé suite à un accident de voiture. Pensant qu'il l'a quitté, il va noyer son chagrin en errant dans les rues de Paris à la recherche d'amants de passage ce qui lui permet également de satisfaire ses désirs sexuels les plus pervers. Après plusieurs rencontres, plusieurs expériences inoubliables, Lucien part au bras d'un dernier inconnu rencontré dans un bar sadomasochiste, encore plus seul et désespéré qu'auparavant...
Troisième et dernier porno que signa Jean Etienne Siry après le fracassant Poing de force et Mâles hard corps, Et Dieu créa les hommes n'est pas une revisitation du célèbre film de Vadim, Et Dieu créa les femmes, mais la mise en images des errances de Lucien, un jeune homme désespéré suite à la disparition de son petit ami.
Voilà quelques jours que Lucien n'a plus de nouvelles de son copain, Mathias. Il ignore encore qu'il est décédé dans un accident de voiture et imagine qu'il l'a définitivement quitté. Afin de noyer son chagrin et connaitre des expériences sexuelles qu'il ne pouvait vivre avec lui, il erre dans Paris à la recherche d'amants d'une nuit ou d'une heure. Sur une trame relativement simple mais tragique Siry construit un film tout aussi fracassant que ses précédents mais pourtant pas dénué d'émotion. C'est l'occasion pour le réalisateur d'imager l'itinéraire de Lucien par le biais de cinq rencontres comme l'avait fait la même année Benoit Archenoul pour le tout aussi bon Benoit voyou.
La première nous entraine dans un cinéma où se joue Dans les griffes du loup garou. Lucien ne tarde pas à être rejoint par un jeune homme qui après l'avoir sucé l'entraine dans les toilettes afin de le sodomiser sous l'oeil d'un voyeur qui profitera d'un glory hole de fortune pour prendre lui aussi son plaisir et en donner à Lucien en lui crachant au visage son plaisir par le biais de cet orifice improvisé mais fort bien venu.
Venu prendre un verre dans un bar de quartier, Lucien rencontre deux camionneurs hétérosexuels à qui il avoue son homosexualité. A la fois intrigués et excités, ils l'invitent à monter dans leur camion pour leur faire découvrir les plaisirs masculins.
De retour chez lui, Lucien, insatiable, appelle un réseau de rencontres pour faire l'amour par téléphone.
C'est dans un sauna qu'il se rend ensuite où il va participer à une véritable orgie masculine qui se terminera par un impressionnant double fist. Il y fait la connaissance d'un garçon adepte des plaisirs sadomasochistes et des soirées cuir qui va l'entrainer dans un bar très spécial où il lui fera subir les ultimes outrages. A l'aube, souillé, déchiré entre bonheur et désespoir mais toujours aussi seul, il repartira au bras d'un inconnu dans les rues de Paris.
Si Et Dieu créa les hommes prend comme point de départ un drame dont le héros ne soupçonne pas, le véritable drame se situe peut être ailleurs. Le film de Siry est en effet une vision assez sombre de la vie homosexuelle en cette fin d'années 70 mais qui aujourd'hui n'a pas vraiment changé. A travers la tragédie que vit Lucien, Siry image en fait la vie au quotidien la solitude au quotidien de l'homosexuel, d'une part sa quête vaine et effrénée d'amour et d'amitié, d'autre part, sa soif de découvrir des plaisirs sexuels toujours plus forts. Les deux sont d'ailleurs peut être liés. En se noyant dans la débauche, en dépassant sans cesse ses limites, l'homosexuel oublie ainsi sa condition et cette solitude, il trompe sa détresser et se perd dans l'illusion, bien à l'abri au coeur de la nuit, son royaume, que ce soit l'obscurité d'une salle de cinéma, de l'arrière d'un camion, d'un sauna, d'une dark room ou d'une boite de nuit, anonyme comme le sont les réseaux téléphoniques pour hommes. En ce sens Et dieu créa les hommes est un film presque tragique, poignant, tourné dans un Paris gris et pluvieux. On se rencontre, on s'aime, on se donne, on s'oublie ou on se perd, on enchaine les amants jusqu'à plus soif.
Par delà le bonheur d'un instant, réel ou illusoire selon les parties concernées, le sexe est aussi crasse à l'image de ce que le film décrit. Siry en appuie l'aspect parfois sordide mais il n'est jamais qu'un certain reflet du milieu. Pas de bougies ici ni de diners romantiques, d'étreintes passionnées, de baisers fougueux excepté lors d'un superbe flash back quasi onirique où Lucien revit ses ébats fiévreux avec Mathias qui se clôtureront par une éjaculation buccale filmée dans un somptueux ralenti, mais du sexe cru, violent, brut. Se détachent essentiellement trois scènes qui ont donné au film sa réputation, trois moments inoubliables qui devraient en mettre mal à l'aise certains mais en ravir beaucoup d'autres: inouïe, l'insertion complète d'un combiné téléphonique dans l'anus lors d'une séquence de sodomie en solo alors que Lucien fait l'amour par téléphone avant de l'éjecter, un incroyable double fist après que les deux hommes aient retiré des entrailles du troisième une énorme chaine en métal, deux séquences qui après Poing de force témoignent de l'obsession du réalisateur pour les fist hallucinants et les insertions d'objets aussi incongrus qu'inconcevables. La troisième est la scène qui clôt le film, celle de la boite où Lucien s'est fait inviter par un inconnu adepte des plans sadomasochistes. Après de bestiales étreintes où crachats et fessée ne sont pas exclus, Lucien se fera uriner dessus lors d'une magnifique séquence de douche dorée masculine avant que l'inconnu tel une ombre fantomatique ne disparaisse dans la nuit, laissant Lucien trempé de pisse reprendre ses esprits. A cela, on ajoutera une sodomie improvisée au beurre venu d'un sandwich au salami et, ne reculant devant rien, Siry filme l'éjection dans les toilettes du sperme resté dans les entrailles d'un Lucien heureux accompagnée de moult bruits obscènes.
La nuit s'achève, un nouvelle aube se lève sur la vie de Lucien comblé par ses pérégrinations nocturnes mais pourtant toujours aussi seul et désillusionné, désespéré. C'est avec un jeune homme qui l'a invité chez lui qu'il quitte la boite alors que l'image se fige sur le trottoir où s'amoncellent les poubelles, un bien triste symbole, et que défile sur l'écran ce texte: "Je traine le jour et puis la nuit, enfant de l'ombre et de personne, les rues, les bars sont mes abris, au tout venant je m'abandonne... Je cherche l'amour et l'amitié, au petit matin le coeur en détresse, las du bitume et des pavés, dans un lit j'oublie ma tristesse, Mon Dieu pourquoi m'as tu fait homme, Mon Dieu, pourquoi as tu crée les hommes?"
On appréciera également ce petit voyage au coeur de la capitale où Siry fait revivre aux nostalgiques toute une époque, celle du Paris des années 70, ses rues, ses avenues, ses bars, ses toilettes et ses cinémas (le Paramount-opera, le Colorado). L'amateur s'amusera d'ailleurs à relever les affiches des films alors joués que Siry filme avec plaisir semble t-il: Tentacules, Barry Lindon, Dans les griffes du loup garou, Carrie, Danger planétaire...
Bénéficiant d'une agréable partition musicale tantôt oppressante, tantôt ludique et d'une interprétation plutôt convaincante dont celle du très profond Yvon Saunders (Lucien) et de toute une brochette de jeunes acteurs amateurs malgré l'ajout parfois de certains dialogues post synchronisés parfois douteux, Et Dieu créa les hommes est un de ces porno gay inégalables comme seules les années 70 ont su nous donner, un film devenu aujourd'hui culte pour beaucoup et difficilement visionnable. Sombre, glauque, dramatique mais chaud bouillant, Et Dieu créa les hommes est une véritable petite gemme du cinéma porno gay dans la grande tradition des oeuvres de Norbert Terry et Jacques Scandelari.
Si Siry donne une image de l'homosexualité assez brutale, elle n'en ait qu'une des nombreuses faces et c'est certainement celle que nous préférons. Dieu créa les hommes en effet pour notre plus grand bonheur!