Poing de force
Autres titres: Hand balling
Real: Jean Etienne Siry
Année: 1976
Origine: France
Genre: Documentaire
Durée: 20mn
Acteurs: Jean Etienne Siry
Résumé: Un homme défiguré dissimulé derrière une cagoule de cuir noir nous invite chez lui afin de nous faire assister à une séance de sadomasochisme extrême. Un de ses clients l'attend dans la chambre crasseuse. Après une mise en bouche plutôt traditionnelle, un rapport de soumission classique, il subira un fist fucking qui se transforme rapidement en un impensable double fist...
Sorti jadis dans la fabuleuse et aujourd'hui rarissime collection Videomo, frappé d'interdiction par la censure qui dut soudainement avoir le coeur au bord des lèvres, Poing de force a depuis longtemps atteint son statut d'oeuvre culte auprès de toute une foule d'amateurs de films aussi glauques que malsains qui dépassent et de loin les limites de l'impensable. Poing de force n'a ni volé son statut ni sa funeste réputation encore moins son titre puisqu'il s'agit là d'un véritable coup de poing qui devrait en estomaquer plus d'un.
Appartenant à une série de courts métrages gay, Poing de force réalisé par le publiciste cinéaste Jean Etienne Siry à qui on doit outre deux autres films gay choc, Et dieu créa les hommes qui reprend là encore une impressionnante séquence de double fist et le foudroyant Mâles hard corps l'étrange Un escargot dans la tête__, n'est jamais qu'un pseudo documentaire tourné comme un véritable documentaire sur la relation très intime de deux hommes qui veulent se connaitre au plus profond de leur intimité au cours d'un rapport sadomasochiste poussé à l'extrême, à savoir un fist fucking qui se transforme lentement en un sidérant et indescriptible double fist.
Poing de force montre tout simplement une des nombreuses passes d'un call boy pas réellement comme les autres. S'il se dissimule derrière une cagoule de cuir noir c'est qu'il a eu le visage brûlé au troisième degré lors d'un accident de moto nous explique t-il lors de l'introduction du film. Après plusieurs interventions dont la dernière fut une catastrophe, il porte désormais une cagoule de cuir lorsqu'il drague et rencontre ses amants de passages, fort nombreux nous apprend t-il notamment en Allemagne et en Hollande, tous adeptes de cuir et de sadomasochisme. Le cuir a cette fascination sur l'homme qui prend ici toute sa terrifiante signification. Un de ses clients a accepté d'être filmé durant leur rapport, le film peut commencer.
Une cuisine exigüe, sombre, une chambre miteuse, un matelas crasse tel est le décor austère du quotidien de cet homme masqué, tel est le décor baigné d'une lumière glauque de Poing de force, un effet poisse et oppressant renforcé par la voix off monocorde du commentateur et une musique lancinante, inquiétante qui nous plonge de prime abord dans une horreur moite, graisseuse.
Anonymes, les deux hommes commencent à se donner l'un à l'autre dans un rapport classique de soumission. Fellation, analingus et fétichisme (léchage de bottes) ouvre les réjouissances avant qu'ils n'enchainent sur une sodomie à l'huile de vidange, la tête du client plongée dans un bidet d'eau crasseuse. Suivra une surprenante séance de punition à la ceinture, le dos strié de larges marques sanglantes. Voilà pour les hors d'oeuvre, il n'y a plus qu'à passer au plat de résistance, la séquence phare du film, celle dont beaucoup se détourneront, pris de nausée, une séquence totalement inédite et jamais égalée dans ce
type de films. Enduits de kilos de graisse industrielle chacun se prépare à ce qui sera pour eux le summum de l'extase, un fist fucking que le réalisateur filme dans le moindre détail, d'une précision quasi anatomique, insistant sur les gros plans du poing qui introduit l'anus du client, le visite, le dilate de plus en plus jusqu'à ce que l'homme au masque de cuir enfonce ses deux poings puis ses avant bras dans l'intimité de son amant, entamant un hallucinant et interminable va-et-vient d'une sidérante facilité. Surréaliste, foudroyant, c'est là un voyage au plus profond d'un être, une violation intestinale durant laquelle, subrepticement, on semble sortir les organes boursouflés de cette cavité ignominieusement évasée. L'incroyable se terminera au bout de quelques cinq minutes par une sodomie traditionnelle et une éjaculation faciale sur la cagoule de cuir brillant. Cette aussi incroyable qu'inouïe expérience ne pouvait se terminer ainsi. Le réalisateur nous assène l'ultime choc en nous révélant le monstrueux visage de l'homme lorsque lentement il enlève sa cagoule. Même si on devine la supercherie, le maquillage de grand brulé n'étant guère convaincant, l'effet fonctionne parfaitement.
La question est alors de savoir qu'est ce qui est le plus insupportable, l'acte en lui même dans ce qu'il a de plus viscéralement abject ou regarder cet homme à visage découvert après l'acte à moins que la véritable question soit de se demander qu'est ce qui est ici le plus monstrueux justement si toutefois il y a d'une part quelque chose de monstrueux à se donner à quelqu'un qualifié de monstre et d'autre part dans les pratiques sexuelles quelque qu'elles soient.
Proche d'un certain cinéma expérimental minimaliste, Poing de force est un film captivant, hypnotique à l'atmosphère crasse, suffocante dont l'objectif principal n'est pas de montrer un impressionnant fist dans ce qu'il a de plus clinique mais tout simplement de mettre en images le repoussement des limites de tout un chacun, une des bases du sadomasochisme.
Aussi paroxystique soit il, Poing de force n'est pourtant pas un film violent. Si les sentiments passent au second plan comme dans toute relation homosexuelle d'une heure ou d'un jour où les deux parties ne se souviendront ni l'une ni de l'autre une fois qu'elles se seront quittées, il existe pourtant entre ces deux anonymes une certaine tendresse. Jamais réellement violent même dans ce qu'il a de plus brutal, il transparait une esquisse de romance éphémère entre ces deux hommes, un certain respect y compris dans les moments les plus cruels qui les emmèneront à la jouissance extrême. Après avoir éjaculé sur la cagoule de son dominateur, le client l'enduira de son sperme en lui caressant gentiment la tête, un geste qu'on peut interpréter comme un remerciement. En ce sens, Poing de force est un film beau, une preuve comme quoi aussi profonde que soit l'horreur, quelque chose de beau s'y cache le plus souvent.
Si le sadomasochisme n'est qu'une des nombreuses faces de l'homosexualité masculine, certains se demanderont quel est l'intérêt de filmer dans le détail un tel acte.
Complaisance, voyeurisme, désir de profondément choquer, satisfaire la soif de perversion du spectateur certes mais peut être est ce tout bêtement pour démontrer que quelque soit la violence des pratiques sexuelles l'important est le respect de l'autre, le plaisir pris dans l'acte et la jouissance finale.
Aussi monstrueux soit il, Poing de force est un film parfaitement humain. Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, il ne laissera en tout cas personne indifférent.