Bijou
Autres titres:
Real: Wakefield Poole
Année: 1972
Origine: USA
Genre: X
Durée: 76mn
Acteurs: Bill Harrison, Tom Bradford, Peter Schnekenburger, Michael Green, Robert Lewis, Cable, Bruce Williams, Rocco Passalini...
Résumé: Alors qu'il rentre chez lui, un ouvrier maçon est témoin d'un accident. Une femme a été renversée par une voiture. Il lui dérobe son sac à main et la laisse sur la route. Une fois chez lui, il fouille le sac. Il y trouve un billet d'entrée pour un étrange club appelé Bijou. Après s'être longuement masturbé en pensant à cette femme, il décide de se rendre au club. Il va y vivre une multitude d'expériences homosexuelles inimaginables et découvrir bien des aspects inattendus de sa sexualité...
Avant toute chose, il est intéressant de présenter Wakefield Poole, un des précurseurs du cinéma porn gay américain. Danseur, chanteur, metteur en scène de théâtre et de télévision, photographe, Wakefield découvre son homosexualité très jeune puisqu'il n'est encore qu'un adolescent pré-pubère lorsqu'il tombe amoureux fou d'un marin qui l'emmène au septième ciel.
Peut être est ce de là que sa passion pour mettre en scène de sculpturaux mâles lui vient mais quoiqu'il en soit, c'est au tout début des années 70 qu'il commence à filmer un peu tout et n'importe quoi avec une petite caméra 16mm qu'on lui avait offert. Le succès viendra en 1972 avec Boys in the sand, un film solaire et sensuel, une ode au sexe, à l'hédonisme et à la liberté sexuelle où une succession de mâles luisants dont le fiancé de Wakefield font l'amour sur le sable. Acclamé, Poole devient alors le nouveau réalisateur porn gay à la mode. L'argent engrangé par le triomphe de Boys in the sand permet à Poole de financer son projet suivant, Bible!, une version pornographique des Évangiles puis Bijou qui sort en 1977.
Acclamé par Andy Warhol, Bijou est une oeuvre étrange, fantasmatique aussi sombre que Boys in the sand irradiait. Aux décors ensoleillés de Boys in the sand se substitue ici un univers entièrement noir, vide, une sorte de néant dans lequel le héros, un maçon, va pénétrer pour y vivre toute une série d'expériences sexuelles inimaginables. Cet endroit est appelé Bijou, un mystérieux club nocturne comme hors du temps. Vide n'est pas le mot exact pour définir Bijou puisque le club situé au coeur de Greenwich village est recouvert de tentures de velours noir sur lesquelles apparaissent des enseignes au néon multicolores donnant des ordres (Enlevez vos chaussures, retirer vos vêtements...), d'écrans multiples et de miroirs qui reflètent votre image à l'infini tandis que se faufilent une multitude d'ombres.
Bijou est une sorte de fantasmagorie hypnotisante qui tente d'explorer les méandres tortueux de la sexualité à travers un seul et unique personnage, un maçon qui vient de voler le sac à main d'une femme laissée pour morte après qu'une voiture l'ait renversé. Une fois chez lui, il découvre dans le sac un billet pour Bijou et décide de s'y rendre. Présenté comme hétéro, il pourrait être également bi ou homosexuel mais là n'est point le propos. Fasciné par un tube de rouge à lèvres, bâton phallique qu'il porte à sa bouche, il se masturbe tout en pensant pourtant à cette femme avant de partir pour Bijou.
Dés son entrée il va expérimenter toutes sortes de fantaisies sexuelles, plonger au coeur même des vicissitudes de sa sexualité avec des personnages issus de nulle part qui ne sont que des ombres ou des demi-ombres dont le reflet se répand à l'infini, démultipliant ces orgies viriles auxquelles il prend part.
Bijou est un film impressionnant, une expérience psychédélique où les images se superposent, les flashes percent l'obscurité le temps de quelques brèves secondes, une irruption dans un monde presque surréaliste, un espace presque cosmique où scintilleraient mille étoiles d'argent, une pluie d'or tandis que les corps se cherchent et se trouvent, s'offrent avec délectation et sensualité. Bijou serait presque un film expérimental mais c'est avant tout une éloge des plaisirs et de la philosophie gay, une ode au narcissisme et à la sensualité masculine où l'anonymat des corps permet toutes les fantaisies sexuelles imaginables.
On pourrait presque rapprocher Bijou de Pink narcissus la folie des couleurs en moins. Poole nous expédie au septième ciel, véritable Eden du porno, à travers les nombreuses expériences de ce maçon ouvert à tous les jeux charnels découvrant les infinies possibilités d'une sexualité qu'il ne soupçonnait pas.
Entièrement tourné dans un appartement vide pour six fois le budget de Boys in the sand, Bijou est une petite perle de nacre du cinéma porno gay, certainement le chef d'oeuvre de Poole qui laissait présager de ce qu'aurait pu être l'éventuel avenir de la libération sexuelle. Bijou reste avant toute chose un majestueux poème surréaliste, une fantaisie gay fascinante, étourdissante dénuée de tout dialogue mais rythmée par une trés belle partition musicale rock.
Bill Harrison dont l'impressionnant sexe en fera défaillir plus d'un incarne ce maçon d'autant plus que Poole sait particulièrement bien le mettre en valeur. On avait déjà pu remarquer Bill Harrison dans Gorge profonde. Malheureusement Bill nous a quitté trop tôt à l'âge de seulement 43 ans.