Ragazzo di borgata
Autres titres: Slum boy
Réal: Giulio Paradisi
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Comédie dramatique
Durée: 105mn
Acteurs: Stefano Arquilla, Ennio Panosetti, Rita Tushingham, Nino Bignamini, Brigitte Petronio, Danika La Loggia, Eugene Walter, Giacomo Piperno, Beba Loncar...
Résumé: Ettore, 15 ans, est le fils d'un petit ouvrier romain qui pour arrondir ses fins de mois n'hésite pas à commettre quelques vols. Ettore traine avec ses copains avec qui lui aussi commet pas mal de larcins. Mais les maigres butins qu'ils ramènent le frustrent. Lorsque son père se fait arrêter Ettore quitte le collège et se fait embaucher dans un établissement de luxe où il côtoie toutes sortes de gens. Cet emploi le conforte dans ses idées. Pour réussir dans la vie il faut de l'argent, beaucoup d'argent. Lorsque son père sort de prison il lui demande de s'associer avec lui. Il compte sur son lieu de travail pour dérober de l'argent pour qu'ensemble ils puissent fonder leur propre affaire...
Peu connu du grand public et pour cause, il ne tourna que cinq films en douze ans et ne fit que quelques courtes apparitions en tant qu'acteurs dans une dizaine de films, Giulio Paradisi restera surtout l'homme d'un seul film aux yeux des amateurs d'étrangetés pelliculaires puisqu'on le retrouve aux commandes de Stridulum, une bizarrerie qui mélange délires christiques, science-fiction et complot. Un an auparavant il dirigeait cette comédie dramatique romaine aujourd'hui bien oubliée, Ragazzo di borgata, mais qui avec Stridulum reste sans aucun doute son film le plus intéressant.
Issu d'une famille de pauvres petits prolétaires Ettore Collantuoni, 15 ans, vit dans la périphérie de Rome. Domenico, son père, asphalteur de métier, est à l'occasion un petit voleur maladroit, plus stupide qu'intelligent mais qui possède un coeur en or. Ettore est au collège mais il traine surtout avec sa bande de copains avec qui il commet pas mal de larcins plus ou moins graves afin de se procurer un peu d'argent. Mais la maigreur des butins frustre Ettore qui sort avec Camilla, 17 ans, une vraie petite bourgeoise dévergondée fille d'un médecin réputé. Arrêté par la police suite à un vol Domenico est condamné à plusieurs mois de prison. Ettore quitte alors l'école et se trouve un travail de serveur dans un
hôtel de luxe où il côtoie le grand monde. Tout se passe bien pour le jeune garçon qui abandonne doucement sa vie de délinquant pour une vie plus posée mais il observe beaucoup et sa nouvelle situation le conforte dans ses convictions. Il faut de l'argent pour réussir sa vie. Seule la malhonnêteté paie pour des gens issus de son milieu. Lorsque son père sort de prison Ettore lui fait visiter l'hôtel. Il lui propose un jour de voler l'argent de la caisse. Toujours aussi nigaud il échoue lamentablement. Un jour dans un musée Ettore rencontre son ancien professeur qui le convainc de reprendre l'école. Mais l'adolescent plus tenté par l'argent facile préfère s'associer à son père pour dépouiller les riches. Leur union
semble fonctionner. Ils enchainent les larcins. Cela leur permet même de se faire pas mal d'argent avec lequel ils vont ouvrir leur propre bar. Mais sont ils vraiment heureux?
Avant tout Ragazzo di borgata est un hommage à Rome, pas celle des cartes postales, mais celle des banlieues, de la périphérie, la Rome prolétaire avec toute sa philosophie, son esprit, sa misère mais aussi sa force de vie. Dés la séquence d'ouverture on pense indéniablement à Pasolini dont on sentirait presque la présence derrière la caméra. On y retrouve en effet l'univers du Maitre à travers cette jeunesse désillusionnée, pauvre, ces visages tristes, durs mais qui s'éclairent tels des soleils dés qu'ils sourient, à travers les
vols à l'arrachée et les viols qu'ils commettent, à travers les images de ces banlieues miséreuses où errent le jeune protagoniste, Ettore, un adolescent de 15 ans que là encore n'aurait pas renié Pasolini tant son interprète, Stefano Arquilla, rassemble à un de ses acteurs fétiche Franco Merli. On quitte cependant assez vite l'univers pasolinien pour se diriger vers la comédie douce amère à la Dino Risi ou à la Ettore Scola. Plus qu'une tragédie métropolitaine Un ragazzo di borgata est surtout une comédie aigre douce pleine d'humour qui propose une vision sincère du prolétariat romain de ce milieu d'années 70. Après cette ouverture sur les chapeaux de roues, une mort brutale d'une jeune loubard en
moto et un viol collectif assez stupéfiant par sa brutalité inattendue on suit essentiellement les mésaventures d'Ettore devenu un petit serveur apprécié de tous dans un hôtel de luxe car l'adolescent n'est jamais à l'abri d'incidents, d'imprévus ou de petits accidents lorsqu'il ne fantasme pas sur une superbe créature (jouée par Beba Loncar) qui loge dans une des chambres de l'établissement. Ce sont tous ces petits aléas qui font le charme du film qui n'oublie cependant jamais de montrer la vie au quotidien de ces romains amassés à la périphérie de la Ville Eternelle, leurs problèmes, leur misère, les bons comme les mauvais moments mais également leur chaleur, leur humanité qu'ils savent conserver quelques
soient les épreuves qu'ils traversent, tout cela vu à travers les yeux d'Ettore.
Tout aussi sincères et vrais sont les protagonistes, professionnels ou simples acteurs amateurs choisis dans la rue comme aimait le faire Pasolini afin d'accentuer l'aspect vérité du film. Le personnage du père interprété par Ennio Panosetti, vu auparavant dans Histoires scélérates de Sergio Citti justement, est particulièrement drôle et attachant, parfaitement interprété. Il forme un parfait duo avec le jeune et fort charmant Stefano Arquilla qui a l'âge de son rôle, un jeune acteur dont on se rappellera la moue mais surtout son sourire lorsque son visage s'éclaire. Pour son tout premier rôle à l'écran (on le reverra par la suite dans
quelques films avant qu'il ne se tourne vers l'écriture de scénario) son jeu est d'une étonnante justesse. Aux cotés de Ennio il porte le film sur ses frêles épaules, une difficile mission qu'il remplit parfaitement. La petite touche de scandale revient quant à elle à Brigitte Petronio, tout juste 16 ans, dont c'était la première apparition au grand écran. Malgré son jeune âge Brigitte dans la peau de Camilla n'hésite pas à se montrer déjà dévêtue nous offrant de jolis nus nubiles en compagnie d'Ettore dont un en pleine rue lorsqu'elle soulève sa jupe et baisse sa culotte pour montrer son sexe à Ettore qui le lui avait si gentiment demandé.
Dernier atout du film et non des moindres ses dialogues souvent savoureux, acerbes et toujours très justes qu'on doit justement à Sergio Citti, ou la petite touche pasolinienne supplémentaire.
Que pourrait on donc reprocher au film? Il n'est évidemment pas exempt d'imperfections. Après un départ fulgurant le rythme ralentit ce qui peut nuire à l'attention que porte le spectateur au quotidien d'Ettore d'autant plus que la narration n'est pas très nerveuse, les mésaventures de l'adolescent pas forcément palpitantes. Certains pourront donc trouver l'ensemble plutôt ennuyeux. N'est pas Pasolini qui veut non plus. L'émotion n'est pas peut-
être pas suffisamment au rendez-vous. Il manque au film de Giulio Paradisi ce qui faisait justement toute la force de ceux du Maitre, une véritable âme, cette profonde poésie de la rue.
Qu'à cela ne tienne! Ragazzo di borgata est en l'état un joli petit film, une tragédie romaine urbaine, belle et sincère, qu'on prendra un certain plaisir à découvrir d'autant plus que le film est aujourd'hui une petite rareté difficilement visionnable puisqu'il n'existe à ce jour qu'une vieille vidéo italienne. Giulio Paradisi signe une oeuvre simple, sans prétention, qui se veut tout bêtement le reflet du monde prolétaire d'alors. Au coté amer, très amer de bon nombre de ce type de pellicules celle ci se veut plus joyeuse, moins sombre. Pourquoi pas! Chacun sa façon de montrer les choses, de dépeindre une portion de vie.