Il trapianto
Autres titres: On ne greffe pas que les coeurs
Réal: Steno
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Comédie
Durée: 101mn
Acteurs: Carlo Giuffrè, Renato Rascel, Graziella Granata, Liana Trouchè, Roberto Camardiel, Rafael Alonso, Feodor Chaliapin Jr., Pino Patti, Giovanni Cori, Sandro Dori, Adriana Facchetti, Carmelo Finocchiaro, Alberto Fogliani, Gabriella Giorgelli, Francesco Leone, Malisa Longo, Renzo Marignano, Franca Sciutto, Maria Tasso, Gaetano Tomaselli, Karen Valenti, Richard Watson, Vicente Roca, William Layton, Fernando Bilbao, Gerlando Martelli, Enrique Navarro, Carlos Rossi, Vicente Soler, Fernando Sánchez Polack, Luciano Arrigoni, Gianfranco Barra, Dino Curcio, Consalvo Dell'Arti, Manlio Dalla Pria, Augusto Zucchi...
Résumé: Un nonagénaire milliardaire décide de se faire greffer un pénis afin de satisfaire une libido encore très alerte. Deux donneurs sont sélectionnés: un analphabète vénitien lubrique, un petit ouvrier romain père de quatorze enfants et un ex-richissime baron sicilien Don Juan endetté jusqu'au cou. Celui qui sera choisi recevra en échange un milliard de dollars. Qui sera choisi et comment réagira t-il le grand moment venu?
Essentiellement connu pour ses polars et films d'action Steno de son véritable nom Stefano Vanzina a également réalisé quelque comédies dont celle ci, très peu connue, en 1970 qui traitait d'un sujet alors d'actualité, les transplantations d'organes. C'était en effet l'époque des premières greffes mais celle dont Steno décide de parler ici est un peu particulière, particulièrement délicate et surtout tabou, une transplantation d'organes génitaux, encore plus inattendu sur un nonagénaire milliardaire bien entendu américain. Et pourquoi veut se faire greffer un nouveau pénis à cet âge canonique ? Car la vue de charmantes jeunes filles
qui pourraient être ses filles... ou petites filles... lui donnent des envies qu'il ne peut plus assouvir. Non il ne bave pas lorsqu'il les regardent mais il pleure! Une transplantation s'impose donc.
Un homme d'affaires américain richissime qui fête ses 90 ans décide de subir une greffe d'organes génitaux pour satisfaire sa libido encore très puissante. Il envoie deux scientifiques en quête de donneurs. Ceux ci recevront un chèque d'un milliard de dollars s'ils acceptent. Ils dégotent trois sujets potentiels. Le premier, Dario, est un petit ouvrier romain père de quatorze enfants qui a bien du mal à joindre les deux bouts. Le second est
un baron sicilien criblé de dettes connu pour être un véritable Don Juan. Le troisième est une sorte de Hulk vénitien analphabète et simplet qui a violé sept campeuses suédoises Dans un premier temps Dario et le baron refusent l'offre. Dario est offusqué, le baron se voit mal ne plus jamais faire l'amour à ses incessantes conquêtes. Poussé par l'idée d'offrir une vie décente à sa famille pour l'un, par l'argent qui lui permettrait de payer ses dettes aux mafiosi locaux et éviter la ruine pour l'autre, les deux hommes acceptent finalement la proposition mais non sans mal. Ils se retrouvent dans une clinique de Zurich ou ils vont
devoir subir des tests pour savoir qui sera l'élu. L'analphabète comprend ce qu'on attend de lui et s'enfuit. Restent Dario et le baron qui entrent en compétition. Bon coeur Dario lui propose de se partager le milliard mais certain de gagner le baron refuse l'offre. C'est finalement Dario qui est retenu et va devoir sacrifier sa virilité. Le baron rentre en Sicile et fait croire à tous afin de gagner du temps qu'il a été choisi mais ne recevra le milliard que plus tard. Son mensonge va assez rapidement le perdre. Non seulement il doit vivre une vie de castrat et subir les moqueries de tout le village mais ses créanciers perdent surtout patience. Quant à Dario il vit la grande vie mais il est nostalgique de sa vie d'homme viril.
Lorsque la vérité éclate le baron est condamné par la mafia à être fusillé. Au moment précis où il s'apprête à tomber sous le feu des armes les deux scientifiques américains viennent le chercher...
Le sujet était d'actualité certes mais plutôt graveleux en ce tout début de décennie où le puritanisme était encore de rigueur. Mais c'est à travers l'humour que Steno le traite ici en évitant toute vulgarité ou obscénité. Il en profite même pour parler de l'importance de la masculinité, de la virilité dans un pays où le machisme était encore de mise. En y regardant de plus près ce pourrait même être le sujet principal du film dont l'ouverture fera rire à moins
qu'elle ne choque les plus vertueux. Un nonagénaire milliardaire n'a qu'un souhait, satisfaire une libido depuis bien longtemps éteinte auprès de (très) jeunes créatures. On ne compte plus le nombre d'aïeuls qui partagent ce rêve dans la comédie italienne mais bien souvent ils meurent très vite. Notre nabab lui a les moyens de se payer une greffe de pénis. Allons y donc gaiement! Qui dit greffe dit donneurs. Steno en dégote trois, un escogriffe analphabète lubrique, un petit ouvrier romain fort fertile et un richissime Don Juan sicilien couvert de dettes. Voilà qui aurait pu diviser le film en trois parties plus ou moins égales mais seul le baron est avantagé puisqu'il occupe une grosse partie du film réduisant ses deux compères
à une simple participation surtout l'analphabète qui au final ne sert à rien. En fait notre Don Juan de baron incarne à lui seul la virilité, cette masculinité si cher à l'esprit sicilien, ce machisme qui fait de l'homme un être fort, dominant, un séducteur invétéré dont la virilité est un élément fondamental à sa vie, elle est toute sa force, sa raison d'être. Enlevons lui la, il perd tout respect de ses pairs, il n'est plus qu'un objet de moquerie et n'a plus qu'à se rabaisser à faire des travaux généralement réservés aux femmes. Si la première partie du film est essentiellement consacrée à la recherche des donneurs elle met déjà en exergue l'importance de la virilité en Italie mais c'est surtout dans la deuxième partie axée sur les
conséquences de l'opération qu'elle prend toute son ampleur en explorant deux classes sociales opposées, le prolétariat avec Dario, la haute bourgeoisie avec le baron. Du coté des petites gens Steno montre l'importance de la famille (Dario est père de quatorze enfants et ne dirait pas bon à un quinzième s'il avait encore ses organes génitaux) au détriment même de l'argent. Une fois milliardaire il s'ennuie et regrette sa vie d'avant. Le baron aime l'argent mais encore plus batifoler. Malheureusement Steno délaisse l'aspect prolétaire et ne semble s'intéresser qu'à la noblesse d'où l'impression d'un film bancal et d'un discours inachevé. Le baron aurait pu être seul en lice que cela n'aurait rien changé au film.
Malgré ce désavantage Il trapianto est une savoureuse comédie peut-être moins comique qu'on pourrait l'imaginer. Steno nous offre plus une petite pellicule douce amère, par instant touchante, où Carlo Giuffré (le baron), excellent comme d'accoutumée, s'en donne à coeur joie et porte quasiment à lui seul tout l'effet comique du film. On ne s'ennuie pas un seul moment et les magnifiques décors siciliens séduisent l'oeil. Quant à la chute du film (et sa légère touche mafieuse) qu'on taira car totalement inattendue elle est particulièrement bien trouvée, plus intelligente qu'on pouvait l'espérer. Une bien jolie manière de clore cette comédie dans laquelle on retrouve aux cotés du truculent Carlo Giuffré Renato Rascel
(Dario) sous exploité mais attachant. Du coté de la gente féminine on appréciera la présence de la pétulante Graziella Granata dans un de ses derniers rôles, Gabriella Giorgi, Liana Trouché et Malisa Longo.
Petit film oublié dans la filmographie de Steno Il trapianto, On ne greffe pas que des coeurs pour sa sortie en France, est une gentille comédie aigre douce pétillante, drôle, pas aussi ridicule qu'elle pourrait en avoir l'air, qui mérite amplement d'être (re)découverte.
Quelques années plus tard, en 1980, Michele Massimo Tarantini s'inspirera de ce film pour L'infirmière a le bistouri facile.