Pep Corominas: le feu dans les veines
Il n'est certainement pas le plus connu des acteurs espagnols du moins en France mais l'amateur d'exploitation ibérique, de films dit quinqui mais aussi ceux qui savent apprécier et reconnaitre la beauté latine n'auront pas oublié ni son visage angélique, ni ce corps svelte de jeune apollon qu'il n'a jamais eu peur de dévoiler en se montrant dans le plus simple appareil. Il n'est pas étonnant qu'il ait été choisi pour incarner Adam dans une adaptation érotique du mythe biblique avant de travailler notamment pour Eloy de La Iglesia, Bigas Luna ou encore José Antonio De La Loma, jouant sans cesse de son ambiguïté sexuelle avant d'officialiser son homosexualité qui en fit une des égéries gay de l'Espagne du début des années 80. Il était impensable que le Maniaco ne s'intéresse pas à cet ange des rues barcelonaises, un de ces jeunes talents au charme insolent qui fit la réputation du cinéma espagnol des années 70 et 80, le sémillant Pep Corominas.
Né à Barcelone Pep Corominas, de son véritable nom Pepon Corominas (à ne pas confondre avec son homonyme, le producteur catalan Pepon Corominas, décédé en 1987, qui lui aussi travailla avec Bigas Lunas et Eloy De La Iglesia) a toujours été attiré par l'univers artistique. C'est ainsi qu'il intègre très jeune une école de théâtre, le célèbre Institut de théâtre de Barcelone dont il sort diplômé. Il débute sa carrière cinématographique en 1978 à tout juste 18 ans. Il est en effet à l'affiche de Serenata a la claror de la lluna, une comédie dramatique signée Carlos Jover, dans lequel il interprète un des fils d'une famille de la haute bourgeoisie espagnole qui s'apprête à célébrer le mariage de leur fille dont le fiancé,
en apparence bien sous tout rapport, cache pourtant une maitresse, une situation qui va déclencher une série d'humiliations sexuelles. Impossible de ne pas déjà y remarquer le jeune Pep qui par la suite va poursuivre lentement mais surement son petit bonhomme de chemin. Après une participation à la série Terra d'Escudella on le retrouve dans un polar brutal réalisé par José Antonio De La Loma, Perros callejeros 2 / Street warriors 2. Second volet d'une trilogie, le film décrit sans détour d'une part la misère et la pauvreté de l'Espagne en cette fin d'années 70, la vie carcérale, les viols et la prostitution dans les prisons d'autre part. Blond, les cheveux longs, Pep incarne un voyou, El Pijo, un des meilleurs amis du héros
(l'ange des films dit quinqui Angel Hernandez), un rôle qui annonce clairement la suite de sa carrière puisque le jeune acteur va par la suite très souvent incarner des voyous dans des pellicules d'exploitation à caractère érotique où il n'aura jamais peur de se déshabiller, jouant régulièrement sur son ambiguïté sexuelle en jouant des personnages tant hétérosexuels que bisexuels.
En 1979 il participe au film de Mario Siciliano, La veuve infidèle, une sexy comédie agrémentée de scènes X dont une avec Pep. Le temps d'une courte séquence Danila Trebbi lui fait une fellation non simulée avant qu'il ne la pénètre. Ce sera la seule et unique scène
porno que tournera Pep durant sa carrière, un véritable plaisir pour tous ses admirateurs qui auront ainsi pu admirer l'objet de tous les désirs. Toujours en quête de visages juvéniles il est remarqué l'année suivante par Eloy de La Iglesia qui lui propose de jouer un des principaux personnages de Navajeros, celui de Johnny, un des quatre délinquants de la bande du héros. C'est pour Pep son premier véritable grand rôle, un rôle à la fois difficile et tragique dans lequel Pep explose littéralement l'écran de par sa beauté angélique aux cotés du tout aussi angélique José Luis Manzano, le protégé du réalisateur malheureusement décédé à 28 ans. Plus rien n'arrête Pep qui enchaine dés lors les films. En 1981 uniquement
vêtu d'un mini pagne qu'il perd fort heureusement régulièrement il est Adam dans la comédie érotique biblique Perversion en el paraiso de Jaime J. Puig avant d'être au générique de Neumonia erotica y pasota de Jaime Bayarri, une comédie érotique fantastique farfelue. Il y apparait le plus souvent en mini slip de bain ou totalement nu lors d'une multitude de scènes de sexe dont celle filmée en accéléré qui clôt le film, sa partenaire arrachant son slip pour notre plus grand bonheur. Toujours dans le même style il est à l'affiche de En busca del polvo perdido de Enrique Guevara, une autre comédie érotique très osée dans laquelle il est cette fois un jeune homme bisexuel, Très distingué avec ses petites lunettes mais toujours
aussi nu lors d'une scène de bain à quatre notamment, qui avec son meilleur et amant tente de désinhiber sa partenaire frigide dans les bras d'un transsexuel. Jamais deux sans trois Pep fait partie de la distribution d'une troisième comédie El fascista, Dona Pura y el follon de la escultura de Joaquin Coll Espona.
C'est à cette époque, en 1983, que Pep officialise son homosexualité et pose nu pour des revues spécialisées pour hommes. Sensuel, langoureux, fébrile, terriblement beau, il y enflamme la gente masculine en tenue d'Adam, exhibant fièrement son intimité. Celui qui a le feu dans les veines comme le décrit la presse spécialisée devient en Espagne une des égéries gay de ce début d'années 80. Cela ne l'empêche pas de continuer son parcours cinématographique. Après les trois comédies qu'il enchaina en 1982 Pep change de registre et retrouve un de ses rôles de prédilection, celui de délinquant. Il est un des jeunes mafiosi qui prennent en otages un groupe de politiciens dans un hôtel de Barcelone dans le polar érotique Porno: situacion limit de Manuel Esteba. Si le film comporte des scènes hardcore Pep n'y participe pas cette fois malheureusement. En 1984 il tourne pas moins de trois films, la comédie coquine Los locos, locos carrozas de Francesc Herrera, un film familial signé de et avec Paul Naschy Mi amigo el vagabundo dans lequel il est le punk qui avec sa bande
s'attaque au vagabond du titre et un film d'aventures tourné en Algérie, Sahara de Antonio Cabal.
De 1984 à 1987 Pep abandonne le grand écran pour la petite lucarne et joue dans différentes séries télévisées dont Le privé. Il revient au cinéma en 1987 avec En penumbra aux cotés de Miguel Bosé, un drame sombre et étrange où la nudité masculine est là encore bien présente. 1988 sera une année importante pour Pep puisqu'il tourne un de ses meilleurs films, un de ses plus forts également, à des années lumières des bandes d'exploitation auquel il avait jusqu'alors souvent participé, El aire de un crimen, l'ultime film
du réalisateur Antonio Isasi-Asmendi. Situé dans un petit village de l'Espagne franquiste des années 50 El aire de un crimen est l'histoire d'un crime étrange qu'un jeune officier militaire, commandant d'un fort, va devoir résoudre en attendant l'arrivée du juge. Pep, le cheveu gominé, interprète El rubio, un garçon peu fréquentable et antipathique, un des suspects du fameux meurtre du titre, dont l'exécution particulièrement violente reste un des grands moments de ce drame poignant. Ce sera un des derniers véritables rôles de Pep qu'on reverra en 1990 dans Les vies de Loulou de Bigas Luna, un film érotique très audacieux qui narre la descente aux enfers d'une femme dans les milieux clandestins souvent très
dangereux du sexe et du vice. Pep n'y fait qu'une apparition très brève, celle d'un des deux homosexuels de l'hôtel où se trouve Lulu (Francesca Neri). Par la suite l'acteur se fera de plus en plus rare. Il tourne encore un peu pour la télévision notamment trois épisodes de la série Le jeune Picasso en 1993. Il fait son ultime apparition, un court rôle en 1998 dans Mal de amores de Carles Balagué. Pep quitte alors le monde du 7ème art pour se consacrer essentiellement aux arts plastiques, sa passion. Toujours aussi séduisant la soixantaine passée, Pep vit à Barcelone où il a fondé sa propre maison d'Arts plastiques, Artista plastico.