Guardami nuda
Autres titres:
Real: Italo Alfaro
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame érotique
Durée: 87mn
Acteurs: Ugo Pagliai, Dagmar Lassander, Yves Beneyton, Pier Paola Bucchi, Franco Angrisano, Serena Bennato, Vittorio Fanfoni, Lorenzo Piani, Pasquale Caprino...
Résumé: Deux bourgeois, Meg et Carlo partent en week-end au bord de la mer afin de tenter de renouer le dialogue. Ils ne se parlent plus, ne font plus l'amour. Meg est devenue frigide. Le silence s'est installé dans leur couple. Pourtant ils s'aiment toujours. Pierra une jeune autostoppeuse aux moeurs très libres qu'ils ont invité à venir partager leur appartement va ébranler leur quotidien. Une relation triangulaire s'installe rapidement, la tentation est forte. L'arrivée d'un jeune anarchiste va précipiter les choses...
Après des débuts à la télévision Italo Alfaro s'est fait connaitre au cinéma dés 1972 grâce à deux décamérotiques, deux des trois films qu'il tourna pour le grand écran, le divertissant et fort honnête Decameron 3: le piu belle donne del Boccaccio et le médiocre Canterbury proibito. Guardami nuda est sa toute première mise en scène, elle aussi réalisée en 1972.
Meg et Carlo partent en week-end à la mer afin de tenter de se retrouver. Meg est frigide et ne fait plus l'amour à son époux. C'est à peine s'ils se parlent encore. Carlo rêverait de pouvoir de nouveau lui faire l'amour mais elle est insensible à ses tentatives. L'ennui les ronge. Sur
la route ils prennent une jeune autostoppeuse, Pierra, une hippie aux moeurs très libres. Par le plus grand des hasards le couple la retrouve sur la plage non loin de leur camping. Pierra est belle, décomplexée, désinhibée. Meg lui propose de venir habiter chez eux. Très vite une étrange relation prend vie. Carlo n'est pas insensible à ses charmes mais refuse de lui faire l'amour. Meg admire la fille qu'elle est mais elle la jalouse quelque peu également. Pierra réalise vite le malaise qui existe entre ce couple et va tout mettre en oeuvre pour raviver la flamme qui s'est éteinte en eux. Elle allume Carlo mais aussi Meg lors de jeux sournois. Etrangement c'est Carlo qui est le plus jaloux. Il ne peut admettre que sa femme si prude soit
attirée par des rapports saphiques. Meg fait la connaissance d'un jeune hippie mystique naturiste qui va lui inculquer sa philosophie, sa vision de notre société et des carcans qui l'enserrent. Malgré cela Meg semble toujours aussi fermée au sexe, un dégout qui la pousse à fuir, horrifiée, une partouze sur la plage organisée par un groupe de hippies amis de Pierra. Elle décide alors d'aller rendre visite à sa tante. Elle laisse Carlo seul avec Pierra pour la journée. Pierra en profite pour provoquer Carlo afin qu'il lui fasse l'amour. Il refuse toujours et la repousse brutalement. La jeune femme lui avoue alors que c'est Meg qui est à l'origine de ce piège. Elle lui avoue également que sa femme est loin d'être frigide, qu'elle a d'ardents
désirs, que non seulement elle se donne du plaisir seule la nuit en le regardant dormir mais qu'elles ont aussi fait l'amour. En fait Carlo n'a jamais compris sa femme, comme la plupart des hommes il n'a jamais su comment fonctionnait une femme, la cause de tous leurs problèmes. Meg réapparait à cet instant. Son piège a fonctionné.
Pour sa première réalisation cinéma Italo Alfaro s'est intéressé à un genre très prisé dans l'Italie des années 70, le drame érotique bourgeois. On y retrouve le schéma habituel, un couple de bourgeois en pleine crise conjugale qui tente de sauver son mariage en partant en voyage dans un cadre maritime idyllique. Il est bureaucrate, a très envie de sa femme qu'il
admire toujours autant. Au fil du temps elle semble être devenue frigide, semble ne plus le voir ni le désirer et ne répond à ses avances que par le silence. L'arrivée dans leur vie d'une jeune hippie désinhibée va bouleverser leur existence et changer bien des choses. Rien de très neuf donc sous le ciel de la bourgeoisie toujours aussi rongée par l'ennui et la routine. Guardami nuda se veut une critique de plus de la bourgeoisie dans un contexte plutôt avant-gardiste (le film fut tourné en 1971) sur fond de contre culture, de contestation et de discours pseudo intellectuel sur les rapports de couple, la liberté sexuelle. Voilà qui n'a rien d'exceptionnel puisque c'était dans l'air du temps. C'est d'autant moins original que Alfaro a
oublié un élément important: la psychologie ce dont manque cruellement ses personnages. Difficile de s'intéresser à ce couple sans grande saveur, parfaitement stéréotypée dont on ne sait finalement pas grand chose. C'est peut être là le majeur défaut du film. On ne saura jamais les raisons pour lesquelles Carlo et sa femme en sont arrivés là. Alfaro a oublié de nous les situer. Ils ne se parlent plus, ne font plus l'amour, souffrent chacun de leur cotés. On devine qu'ils s'aiment encore chacun à leur façon mais à nous d'imaginer ce qui a bien pu leur arriver. Certes cela crée une certaine curiosité mais parallèlement brise, avorte toute la force du récit. Difficile de ressentir une quelconque émotion pour ces deux êtres à la dérive.
Alfaro préfère jouer sur les non dits, les situations équivoques, troubles. A quel jeu joue donc la jeune auto stoppeuse? Quelle est sa véritable relation avec Meg? Que veut elle de Carlo? Quel rôle joue t-elle vraiment dans leur relation? Soyons justes, ces questions maintiennent l'intérêt du récit, le rendent bizarre comme l'est cette étrange relation triangulaire mais aussi les personnages qui gravitent autour d'eux dont un jeune et séduisant anarchiste, un énigmatique hippie surtout de nulle part mais qui va jouer un rôle clé en dévoilant sa philosophie sur notre société. Il est à l'origine d'une des scènes les plus curieuses du film, une des plus fascinantes aussi, celle du théâtre des mannequins parlants symbolisant
chacune des idéologies que les protagonistes vont détruire une à une après le long discours psychanalytique du jeune anarchiste sur le rapport entre la logique des choses et la vie. Il y a chez Alfaro l'envie de faire du Bergman et du Godard dont il reprend certains tics cinématographiques. Tout se joue dans les regards, les visages, les non dits, la gestuelle, les voix off, le tout rythmé par le tic tac d'une horloge, sans pour autant y parvenir vraiment. Mais l'effort est louable et jamais vain. Cela crée une certaine atmosphère.
Au crédit du film également tout un lot de scènes superbes parfois hypnotiques. Outre celle des mannequins comment ne pas être captivé, envouté par la longue danse qu'effectue
Pierra sur une musique hindoue obsédante aux tonalités psychédéliques, ne pas être troublé par la partouze nocturne qu'organise sur la plage une bande de hippies chevelus après une partie de Colin-Maillard très spécial, ne pas être troublé par la scène où Meg, rongée par ses frustrations, se lève, se déshabille sans pouvoir regarder son corps dans le miroir (d'où le titre du film) et se met à se masturber en regardant son époux dormir. Ajoutons à cela une ambiance très années 70, de superbes décors et une bande-son magnifique propre à faire fondre les amoureux de cette époque, l'insouciance et la liberté d'esprit qui habite cette bobine et la présence de Pier Paola Bucchi, tout simplement extraordinaire dans
le rôle de Pierra, à la fois aguicheuse, frivole, indécente, coquine, si mystérieuse et surtout tellement jolie. Actrice fétiche de Alfaro il vole largement la vedette au couple phare formé par Dagmar Lassander et Ugo Pagliai. Certes Dagmar est toujours aussi belle et se déshabille volontiers pour le plus grand bonheur de ses admirateurs, un autre plus pour le film, mais elle ne parait pas très concernée par cette histoire. On l'a connue plus investie et nous laisse au final un petit arrière-gout de déception dans sa prestation. Pour l'anecdote Dagmar était enceinte de cinq mois lors du tournage d'où l'utilisation d'une doublure lors des scènes de nu. Le point faible du film est Ugo Pagliai toujours aussi stoïque. Pagliai, beau gosse issu du
roman-photo, star de la télévision et de la chanson italienne, eut son heure de gloire au cinéma basée essentiellement sur son statut de sex-symbol viril. Habitué à ce type de films (on le reverra dans La fille à la peau de lune puis dans le giallo La dame rouge tua 7 fois) il traverse cette intrigue de façon trop morne et mono expressive pour convaincre. On pourra être surpris par contre de trouver au générique le français Yves Beneyton dans la peau du jeune anarchiste naturiste, tellement séduisant ici, un rôle qui lui permet de se dévoiler dans le plus simple appareil. De quoi nous étourdir.
Film introspectif sur le mariage, les relations de couple, sur la façon dont les règles établies,
qu'elles soient religieuses, sociales ou éducatives, peuvent les influencer en bien ou en mal Guardami nuda se veut psychologique (psychanalytique?) et existentiel. S'il rate quelque peu son but faute à une interprétation trop plate, sans grande personnalité, le premier film de Alfaro, en totale adéquation avec son époque, n'en est pas moins intéressant. Il n'est pas c'est certain la meilleure oeuvre de ce type, on a vu mille fois mieux, mais l'étrangeté de certaines scènes, son coté par moment hypnotique, son abondance de nudité, son discours parfois délirant très seventies, la particularité de son final solaire plutôt rare pour le genre (on aimera ou non) et l'interprétation alerte d'une Pier Paola Buchi plus que convaincue en font
une pellicule qui mérite toute l'attention de l'amateur. Et comment ne pas sourire puis réfléchir sur la morale du film finalement très dans l'air de son temps: il n'y a pas de femme frigide il n'y a que des hommes paresseux et maladroits. De quoi ravir les féministes et faire grimacer les petits machos que nous sommes... et préferer les hommes!