Diario di una schizofrenica
Autres titres: Journal d'une schizophrène / Diary of a schyzophrenic girl / Diario de una esquizofrénica
Real: Nelo Risi
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 105mn
Acteurs: Ghislaine D'Orsay, Margarita Lozano, Umberto Raho, Marija Tocinoski, Giuseppe Liuzzi, Gabriella Mulachie, Manlio Busoni, Sara Ridolfi...
Résumé: Anna, 17 ans, souffre de schizophrénie. Elle est internée en hôpital psychiatrique mais son état semble régresser. Avec l'accord de ses parents elle est transférer dans un établissement spécialisé en Suisse où elle va être suivie par une psychothérapeute Mme Blanche. Celle ci fait face à un cas extrême de la maladie. Elle va mettre en oeuvre une nouvelle forme de thérapie, suivre les progrès de Anna mais aussi sa régression soudaine...
Réalisateur méconnu, frère de Dino Risi, Nelo Risi n'a jamais réellement pu trouver sa place dans l'horizon cinématographique italien, la plupart de ses films ayant aujourd'hui disparu, oubliés de tous malgré leur originalité. Est ce justement cette originalité, leur hermétisme qui condamnèrent leur auteur à l'oubli? Redécouvrir la courte filmographie de Nelo Risi, sept films (si on excepte ses nombreux documentaires) étalés sur quasi trente années, est donc un bien même si ses oeuvres sont aujourd'hui visibles uniquement par le biais de copies antiques ou via leurs rarissimes passages télévisés sur les chaines italiennes d'antan.
Diario di una schizofrenica est son second film tiré du roman de Marguerite Sechehaye, un film quasi documentaire sur l'étude du cas de schizophrénie extrême d'une adolescente de 17 ans Anna. Elle est suivie par Madame Blanche, une psychothérapeute qui avec l'accord de ses parents, décide de l'emmener dans un établissement spécialisé en Suisse afin d'étudier son cas et comprendre les raisons de sa maladie qui combine beaucoup d'autres pathologie dont l'autisme. Blanche qui s'est prise d'affection pour sa patiente n'a encore jamais vu un tel cas. Elle note toutes les réactions de la jeune fille, toutes les expérimentations qu'elle tente sur elle ainsi que les progrès et régressions de Anna dans un
carnet. Au fil du temps l'état de Anna se détériore de plus en plus. Elle entame une surprenante régression jusqu'à redevenir un bébé dans un corps d'adulte, un corps dont elle n'a même plus conscience. Blanche va alors découvrir que la schizophrénie de Anna est liée à sa mère. Elle a refusé de donner le sein à sa fille née prématurément causant chez le bébé des troubles psychologiques profonds. Elle doit donc "renaitre" et refaire tout le parcours normal d'un bébé. Pour se faire Blanche va se substituer à sa mère, faire en sorte de la mettre au monde, créer un véritable lien maternel et faire avec elle le chemin qui lui a tant fait défaut. Une première dans l'histoire de la médecine et des maladies mentales. Après un long parcours Anna en sortira guérie.
Diario di una schizofrenica est un film auquel Risi tenait beaucoup, dans lequel il s'était beaucoup investi. Plus qu'un simple film c'est avant tout une sorte de documentaire, un exercice dans lequel le réalisateur était spécialiste, sur un cas de schizophrénie complexe dont souffre une jeune fille. On suit donc au jour le jour, étape par étape, les différents stades de sa maladie, ses infimes progrès, ses rechutes puis sa totale régression jusqu'à sa miraculeuse guérison. Le film peut se scinder en deux parties, la première s'intéresse plus spécialement à Anna, l'auto observation de la malade par elle même, la façon dont elle perçoit sa maladie, la seconde est centrée sur sa régression, les pratiques thérapeutiques de Mme Blanche pour la guérir.
Pour dire que Il diario di una schizofrenica est une oeuvre bien à part à des années lumière des films d'exploitation italiens d'alors. Aucun voyeurisme aucun sensationnalisme Nelo Risi signe une pellicule intimiste introspective, psychanalytique truffée de symboles, de signes, ceux qui caractérisent la vie de Anna que doit déchiffrer sa thérapeute. Le monde dans lequel vit la jeune fille que son inconscient a fait régresser vers une forme animale profonde ignore le langage. Son univers comme celui des malades mentaux en général est telle une peuplade primitive qui ignore le langage. Il faut alors pénétrer ce monde pour en décrypter les signes afin de se comprendre. Telle est la comparaison que fait Mme Blanche qui une
fois les clés de l'inconscient de Anna en main va devoir se substituer à la véritable mère de la jeune fille pour qu'elle revive sa naissance, fasse peau / vie neuve pour enfin sortir de cet état régressif extrême. La thérapie durera dix huit mois durant lesquels Blanche mettra en avant le rôle déterminant de la mère dans le développement de l'enfant avec pour base pouvoir déterminer ce qu'est l'attitude d'une bonne mère et d'une mauvaise mère.
Resté inédit en Italie mais brièvement distribué en 1969 aux USA où il obtint un petit succès d'estime Diario di una schizofrenica est un film bien à part, difficile d'accès, auquel beaucoup auront du mal à s'attacher hormis peut être ceux qui se passionnent pour les
maladies mentales, la psychanalyse pure et prendront le film comme un documentaire médical éducatif. Ils pourront lui trouver un coté attachant parfois poignant de par sa sincérité à montrer avec réalisme la maladie et le malade face à ses souffrances psychiques. Les autres le trouveront plus fastidieux, plus fatigant voire peut être même ennuyeux de par son coté aseptisé, trop didactique et cérébral. Si chacun se fera son avis et le jugera selon ses propres critères tous seront d'accord par contre à saluer la performance de la jeune française Ghislaine D'Orsay dont ce fut la seule prestation à l'écran avant de s'évaporer dans le néant. Elle est tout simplement parfaite dans le rôle de Anna aux cotés de l'espagnole
Margarita Lozano qui endosse de manière étonnamment professionnelle la peau de Mme Blanche. Plus curieux est le choix de Umberto Raho qui joue le père de Anna.
Nelo Risi reste un réalisateur en marge de ses pères, un auteur singulier qui avec cette adaptation n'a pas eu peur de plonger au coeur de l'âme et de ses ténébreuses méandres à travers une oeuvre tout aussi singulière, aussi dense qu'obscure, austère, livide, qui se résume par cette citation fort bien adaptée de Freud qui la clôture: "Ces malades se sont détournés de la réalité extérieure et c’est pourquoi ils en savent plus que nous sur cette réalité intérieure, et ils peuvent nous révéler des choses qui, sans leur aide, seraient restées impénétrables."
Nelo Risi reviendra au cinéma deux ans plus tard avec le très étrange Ondata di calore suivi de Una stagione all'inferno et La colonna infame.