Le mani di una donna sola
Autres titres: La mano de una mujer sola
Real: Nello Rossati
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 89mn
Acteurs: Vanni Materassi, Marina Hedman, Bibi Cassinelli, Christiana Borghi, Edoardo Spada, Sergio Antonica...
Résumé: La comtesse Eugenia Fabiani accueille dans son cottage isolé situé près d'un asile psychiatrique un couple. Thomas est un écrivain en manque d'inspiration, sa femme est frigide. Eugenia, femme seule et frustrée, entretient une relation lesbienne aux limites du sadomasochisme avec sa jeune domestique, nymphomane elle aussi sexuellement frustrée. Pour apaiser sa libido elle espionne le couple, aguiche l'écrivain et fait d'un jeune aliéné son jouet sexuel. L'écrivain finit par tromper sa femme avec la servante, l'épouse se laisse aller aux avances de la comtesse jusqu'au soir où cinq aliénés s'évadent de l'asile et envahissent le cottage, décidés à faire justice afin de punir les humiliations subies par ses femmes dépravées...
Auteur d'une quinzaine de films en quelques vingt années Nello Rossati n'est jamais réellement parvenu à sortir de l'ombre malgré quelques intéressants psycho drames qui aujourd'hui mériteraient amplement d'être réévalués, Prostituée le jour épouse la nuit et La gatta in calore notamment qui lancèrent la carrière de Eva Czemerys. Rossati s'est également intéressé à l'érotisme avec entre autres deux sexy comédies plutôt piquantes L'infermiera et La nipote et un sulfureux film à sketches Una donna di notte / Fille de nuit qui
mettait en images les errances d'un écrivain raté qui fantasmait sur sa voisine (Lorraine de Selle) transformée pour l'occasion en super héroïne coquine. Le mani di una donna sola est un mélange des deux genres, un psycho drame sulfureux qui flirte allégrement avec la pornographie soft en tentant de traiter avec maladresse de la fine frontière entre la normalité, ce qu'on dit être normal, et la folie.
La comtesse Eugenia Fabiani vit seule dans son cottage situé au bord de la mer non loin d'un asile psychiatrique. Possessive, elle entretient avec sa jeune servante, Fosca, une relation lesbienne mâtinée de sadomasochisme. Fosca est nymphomane. Elle aime aller
retrouver sur la plage un jeune aliéné habillé d'une camisole qu'elle s'amuse à exciter en s'exhibant à lui pour mieux lui offrir son corps après l'avoir animaliser. Un vieil aveugle lui aussi malade mental devine le jeu auquel Fosca se livre. C'est alors qu'arrive au cottage un couple, un écrivain anglais de romans érotiques en mal d'inspiration, Thomas, et sa jeune épouse Sara. Thomas qui n'a plus écrit une ligne depuis trois ans pense que cette solitude va l'aider à reprendre la plume mais aussi régler la crise que traverse son mariage. Sara fait un blocage sexuel et ne peut atteindre l'orgasme qu'avec un godemiché en ivoire, une situation qui frustre son époux. Même si elle garde un oeil possessif sur Fosca la comtesse
tombe vite amoureuse de Sara qu'elle tente en vain d'initier à l'amour saphique. Un jour Fosca aguiche Thomas et s'offre à lui. Il avoue son infidélité à sa femme qui par vengeance accepte les avances de la comtesse. Furieux Thomas viole Sara pour la punir. L'épouse connait enfin à travers ce viol l'orgasme. Enfin débarrassée de son blocage elle va pouvoir avoir une vie normale avec son époux. Une nuit cinq aliénés s'évadent de l'asile. Alors qu'ils envahissent le cottage d'Eugenia. celle ci tente de retrouver Fosca qui s'est enfuie après que sa patronne l'ait une fois de plus battue. Eugenia la rejoint au sommet du cottage et la pousse malencontreusement. La domestique s'écrase sur la grève et trouve la mort.
Terrifiée par son geste la comtesse se calfeutre chez elle ignorant que les cinq aliénés qu'elle a l'intention d'accuser du meurtre l'y attendent tapis dans la nuit. Sous la direction du vieil aveugle ils la maitrisent et lui lient les mains. L'un d'entre eux sort une hache et les lui tranche. Les secours arrivent et ramènent les évadés à l'asile. Le couple quitte le cottage, heureux.
Dans le très large univers du cinéma de genre italien Le mani di una donna sola fait très sûrement partie des films les plus obscurs qui aient été tournés du moins à cette période où l'audace et la témérité des réalisateurs commençaient à s'éteindre. Autant dire que Le mani di una donna sola est une oeuvre vraiment particulière qui tente de renouer avec
l'atmosphère macabre, putride des psychodrames des années 70 comme seule l'Italie sut alors en fabriquer. Particulière ne signifie pas pourtant réussite. Si le titre fait évidemment référence à la masturbation, unique compagne de la comtesse, femme seule et frustrée qui n'a d'autres plaisirs sexuels que ceux que lui procurent ses mains, Rossati brasse bien d'autres thèmes qu'il tente d'aborder de manière bien gauche et surtout superficielle. Hormis la solitude et la frustration qu'elle engendre on y retrouve le thème de l'écrivain en manque d'inspiration, celui du couple en pleine crise conjugale suite à un blocage sexuel, le sadomasochisme, le lesbianisme et celui de la folie non seulement pris en tant que
pathologie mais également dans son sens plus philosophique à savoir qu'est ce qui est normal et ne l'est pas, qui du fou ou de l'être dit normal est le plus fou voire le plus dangereux. Très intéressant ainsi présenté mais malheureusement Rossati n'est pas à la hauteur de l'ambition du projet.
Le film se présente sous une série de scènes érotiques qui s'enchainent sans grande imagination, peu excitantes mais tout spécialement sulfureuses voire pour certains dérangeantes notamment celles entre la servante et le jeune aliéné transformé par la jeune femme en un pauvre animal qu'elle soulage de façon aussi humiliante que sadique mais la
plupart du temps gratuitement. Cette gratuité couplée à la superficialité du scénario est d'ailleurs un des défauts majeurs du film qui semble avoir du mal à trouver son chemin. Les personnages sont tous des stéréotypes, des esquisses auxquelles il est impossible de s'attacher. On a ainsi une comtesse esseulée sadique, une servante nymphomane tout aussi sadique, un écrivain alcoolique désespéré, un couple en pleine crise suite à la frigidité de l'épouse autour desquels orbitent un docteur inutile qu'on entraperçoit le temps de quelques répliques et cinq aliénés mentaux. Chacun souffre de différents maux, s'adonne à certaines déviances. Pourquoi? Comment? Rossati semble ne pas s'en
préoccuper. Ce sont visiblement de simples prétextes pour donner au film tout son sens exploitatif. Car derrière cette façade de drame psychologique Le mani di una donna sola est avant tout un film d'exploitation, de la sexploitation insensée qui vire au film d'horreur pur et simple lors de l'ultime bobine. Si les questions s'accumulent bon nombre de scènes prêtent aussi à sourire à l'instar de dialogues pseudo philosophiques primaires souvent absurdes. Voilà qui est bien dommage car toute la force de l'histoire s'effondre peu aidé par un budget qu'on devine inexistant et des acteurs de second plan peu convaincants.
Difficile donc de prendre au sérieux cette ode au plaisir solitaire féminin dont le coeur est la
solitude, présente du début à la fin sous bien des forme dont la masturbation bien évidemment. Tous en souffrent et développent à travers elle divers symptômes. La comtesse devient possessive avec sa domestique d'où son sadisme, la domestique tout aussi frustrée s'adonne au voyeurisme et se transforme en putain, l'écrivain sombre dans l'alcool, l'épouse frigide, autre forme de solitude cette fois sexuelle, se laisse tenter par le lesbianisme et les malades mentaux sont quant à eux seuls dans leur monde. Le lieu de l'action reflète cette solitude pesante: un cottage isolé situé sur une plage déserte quelque part sur les bords de l'Adriatique, un paysage gris, triste, battu par le vent.
Si la solitude peut engendrer certaines formes de folie quelle signification peut on cependant donner à ce terme? Rossati tente d'y répondre sommairement mais il échoue dans sa tentative. Sadomasochisme, homosexualité, voyeurisme, plaisir à se faire violer... ces pratiques font elles de l'homme un anormal? Non sous-entend le cinéaste qui essaie de le prouver comme il peut comme il essaie de démontrer que le plus sadique donc dangereux n'est peut être pas l'aliéné en camisole, innocent à sa façon, mais celui dit normal car conscient de ses actes. En ce sens le vieil aveugle se dresse en une sorte de justicier devinant bien ce qui se passe autour de lui. C'est lui qui conduira ses compagnons
au cottage pour punir le mal que représentent Fosca et la comtesse dont les mains seront tranchées, ses mais qui servent à se donner du plaisir, ce même plaisir que Fosca donnait au jeune fou en l'avilissant. On pourra aussi voir dans ce geste une punition divine puisque l'acte masturbatoire est interdit par l'Eglise. Là encore toutes ces idées restent au simple stade d'embryon.
Fort heureusement Rossati se rattrape sur l'atmosphère putride dans laquelle baigne le film d'un bout à l'autre du métrage. Outre ses situations scandaleuses Le mani di una donna sola se distingue par ce climat de totale décadence, maladif, malsain, souvent dérangeant
et son érotisme morbide à la limite de la pornographie. La présence des malades mentaux rend à chacune de leur apparition ce climat encore plus inquiétant teinté d'un certain lyrisme macabre. leur déambulation proche du zombi, leur escapade sur la plage déserte sur laquelle ils jouent, le vieil aveugle édenté qui joue de l'harmonica, au delà de la fascination, accroit ce sentiment de malaise jusqu'au final sanglant qui frise le slasher avant une conclusion malheureusement aussi frustrante que décevante.
Si cette atmosphère maladive sauve le film de l'échec, Le mani di una donna sola demeure avant tout un parfait exemple d'un cinéma aujourd'hui complètement impensable,
inimaginable. Il serait impossible de traiter de tels sujets d'une telle manière qu'on condamnerait illico presto au nom d'une morale et d'une décence bien hypocrite. Comment oserait-on animaliser des malades mentaux pour en faire des jouets sexuels en flirtant de surcroit avec la pornographie?
Bercé par une composition musicale superbe et tellement décalée, quasi religieuse, signée Mimi Uva Le mani di una donna sola est une curiosité morbide d'un autre âge, une démence interdite illuminée par la présence d'une Marina Frajese à l'aube de devenir une des diva du X transalpin (elle n'avait jusqu'alors joué que quelques scènes hardcore pour
notamment Amours interdites d'une religieuse et quelques inserts destinés à hardiser certains films érotiques pour le marché étranger dont Emanuelle in America). Piètre comédienne elle irradie par contre l'écran de sa beauté et prouve son aisance à jouer des scènes osées. A ses cotés Christiana Borghi, désinhibée, insolente, interprète Fosca. Il est préférable d'oublier l'ingrate Bibi Cassinelli et la moustache grisonnante de l'insipide et peu séduisant acteur de télévision Vanni Materassi. Les anonymes Edoardo Spada et Sergio Antonica excellent quant à eux dans la peau des deux aliénés.
Difficilement visible aujourd'hui, il n'existe qu'une seule et unique édition vidéo recadrée, au générique tronqué, sortie en Italie au début des années 2000, Le mani di una donna sola est un petit plaisir obscur (sexuel ou non, solitaire ou pas) pour tout ceux qui aiment une forme de cinéma d'exploitation qui tente de se fondre dans un certain cinéma d'auteur.
Si Rossati n'est jamais vraiment parvenu à se faire reconnaitre aux yeux du public il serait peut être temps de réestimer son oeuvre et redécouvrir une filmographie loin d'être inintéressante.