Io... donna
Autres titres: I woman
Real: Alberto Cardone
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Action / Espionnage / Noir / Erotique
Durée: 89mn
Acteurs: Willi Colombini, Nuccia Cardinale, Heidi Fischer, Norma Jordan, David Sain, Angie De Leos...
Résumé: Roy, un photographe-reporter, est entrain de prendre des clichés dans Central Park lorsqu'il surprend deux femmes, une noire et une blanche, entrain de s'embrasser. Un policier les espionne. Lorsque la jeune femme blanche part, le policier somme son amante de le suivre au poste. Elle l'assomme et s'enfuit après avoir jeté un sachet de drogue. Roy a pris des photos de la scène. Le policier l'oblige à lui remettre les clichés mais c'est une pellicule vide qu'il lui remet. Dés lors, Roy est traqué par de mystérieuses femmes qui veulent à tout pris récupérer les photos. Elles le font prisonnier et le droguent. Roy est en fait entre les mains d'une organisation secrète de féministes acharnées qui veulent asservir l'homme et prendre le contrôle de la planète...
Vétéran du western spaghetti Alberto Cardone, disparu dans la plus grande indifférence en 1977, signa en 1971 un des plus étranges films de cette époque, totalement inclassable tant il mélange les genres sans pour autant vouloir prendre une orientation précise. Io... donna et son titre faussement féministe est tout bonnement indéfinissable. Tout commence comme une sorte de James Bond 007 à l'italienne pour rapidement se transformer en polizesco avec une curieuse histoire de drogue et de dealers pour mieux s'orienter vers le psychédélisme, un trip hallucinogène inoubliable, très certainement un des plus fabuleux que le cinéma de
genre nous ait délivré puis mixer par la suite le film d'action, la bande dessinée façon fumetti et l'érotisme. Difficile donc de décrire ce film aujourd'hui complètement oublié, très vite disparu des circuits de distribution et vomi par les très rares critiques qui eurent la chance de pouvoir le visionner à l'époque. Le scénario est quant à lui tout aussi brumeux.
Un reporter-photographe, Roy, est envoyé en reportage à Central Park afin d'y prendre des clichés de couples s'enlaçant, s'embrassant, lors d'une grande parade. Il surprend une jeune noire, Norma, entrain de flirter avec une jolie blonde, amours lesbiennes légères qui le fascinent, lorsqu'un policier se met à les espionner. Lorsque la jolie blonde quitte son
amante, le policier interpelle Norma et lui demande de le suivre au poste. Elle l'assomme et jette un sachet de drogue. Roy a pris des photos de toute la scène. Pris sur le fait par le policier, ce dernier lui demande de lui remettre les négatifs. C'est un rouleau vide qu'il lui donne. Recherché par la police, Roy va dés lors être la cible d'un groupe de redoutables femmes qui veulent elles aussi les négatifs. Elles font partie d'une organisation secrète ultra féministe qui alimente un trafic de drogue mais a surtout pour but d'éliminer les hommes et de dominer un jour le monde afin qu'il n'y ait plus jamais ni guerre ni violence. Roy est capturé mais il parvient à s'échapper des griffes de ses terribles Amazones contemporaines.
Il ignore que ses deux collaboratrices, Nancy et Helen, sont en fait à la tête de cette secte, elle même surveillée par un groupe de gangsters qui voit d'un mauvais oeil leur trafic de stupéfiants. Lorsque Nancy réalise que Helen est homosexuelle et n'a qu'un but, tuer Roy, elle s'insurge d'autant plus qu'elle est amoureuse du journaliste et refuse de devenir une meurtrière. Lorsque Helen lui apprend que Roy est mort, Nancy perd son sang froid et décide de quitter le mouvement à la grande colère de l'implacable Helen. Mais Roy n'est pas mort. Il va déjouer les plans de la machiavélique femme.
Ce modeste petit film joue principalement sur deux thèmes alors très à la mode en tout
début de décennie, d'une part le féminisme poussé ici à l'extrême, d'autre part l'utilisation de substances hallucinogènes. Ce sont les deux grands axes de Io... donna, ceux qu'on retiendra principalement parmi les genres qu'il brasse maladroitement mais toujours avec un non sérieux désarmant. L'ensemble ressemble à une bande dessinée pour adultes, un fumetti dont il adopte très souvent le ton tant dans les scènes d'action, ringardes et peu crédibles (la bagarre dans l'usine, les différentes évasions de Roy...), que l'humour dans lequel il baigne, une impression renforcée par le très maigre budget dont a bénéficié Cardone. L'intrigue est confuse, assez ridicule voire folle, totalement invraisemblable mais
tout à fait plaisante puisque cette histoire de femmes voulant prendre le contrôle de la planète et annihiler tous les mâles fleure bon l'anticipation de marché.
Certains pourront y voir un coté visionnaire, avant-gardiste, resté malheureusement à l'état embryonnaire, mais particulièrement réjouissant. Et c'est bel et bien là la grande réussite du film qui vaut essentiellement pour sa longue, très longue (quelques 15 minutes) et inoubliable séquence psychédélique, ce cauchemar sans fin sous hallucinogène, un des meilleurs, un des plus puissants jamais filmé, qui n'est pas sans rappeler les inquiétantes visions hallucinatoires de Roma drogata: la polizia non puo intervenire. Après avoir été
drogué, Roy se réveille dans un sinistre château (celui d'Orsini près de Rome merveilleusement mis en valeur) lorsqu'une superbe jeune femme nue surgie de nulle part armée d'un sabre s'avance vers lui afin de le tuer s'il ne rend pas les fameux rouleaux de négatif. Commence alors une longue fuite psychédélique entièrement tournée au ralenti à travers les corridors du château. Où qu'il aille Roy retrouve l'inquiétante diablesse vite rejointe par d'autres femmes uniquement vêtues de voiles diaphanes qui telles des harpies tentent de s'acharner sur lui entre deux mystérieuses chorégraphies. Deux Amazones l'attirent ensuite dans leur lit et commence à lui faire l'amour avant que sa chasseresse ne le retrouve
l'obligeant de nouveau à fuir. Grand angle, zoom, images déformées, musique oppressante, érotisme teinté d'un zeste de sadomasochisme de pacotille, couleurs violentes aux prédominantes ocre, rouge et orangée, Cardone parvient à créer une ambiance à la fois délicieusement sulfureuse, envoutante, étrange mais également effrayante presque suffocante, un trip sous acides qui projette son personnage dans un univers monstrueusement gothique d'où il semble impossible de sortir si ce n'est en mourant entre les bras de femmes aussi cruelles que désirables.
Quant au complot féministe il reste la principale curiosité même s'il n'est que bien peu
développé et complètement farfelu comme justement pouvaient l'être certaines fantaisies science-fictionesques à la James Bond. Cela n'enlève rien à son coté attractif voire par instant jouissif. A la tête de cette machination à échelle mondiale une sorte d'organisation secrète composée de femmes menées par l'implacable Helen, une lesbienne misandre dont le rêve est d'assouvir les hommes afin que les femmes prennent enfin leur revanche et contrôlent la planète. Leur repère est une vieille maison abandonnée surveillée par un gang de trafiquants de drogue façon Al Capone qui n'acceptent pas qu'elles marchent sur leurs plates-bandes, un sous thème qui n'a que peu de rapport avec le film comme bien d'autres d'ailleurs mais qui nourrit simplement son coté feuilletonesque.
Endoctrinées par Helen, ces femmes ne sont cependant pas toutes prêtes à se passer des hommes et du plaisir qu'ils peuvent leur apporter. Parfois faibles, elles se laissent facilement berner par Roy, invétéré séducteur qui joue de son charme de play-boy pour mieux se sortir de situations difficiles. Entre nuisettes transparentes, combinaisons de cuir noir, mini-jupes et cuissardes les tenues, très années 70, font effet et contribuent à donner à l'ensemble un air un brin fantastique que renforce la démarche raide quasi inhumaine des sbires de Helen. Les dialogues sont souvent drôles, joliment relevés par quelques pointes de misogynie délectable. (La seule utilité des femmes est de se mettre au lit et de nous faire l'amour clame
fièrement un des protagonistes avant de demander à Nancy qu'elle lui serve un verre de whisky).
Le point faible du film demeure l'interprétation, plus précisément celle de Wiilli Colombini, également co-scénariste. Bellâtre venu du peplum, Colombini, fade, particulièrement irritant voire insupportable, joue les sous James Bond du pauvre. Mauvais acteur, dénué de charisme, il donne involontairement au film un air de série Z tant et si bien qu'on piétine d'impatience de le voir se faire enfin exterminer par nos Amazones contemporaines. Bien heureusement la distribution féminine relève le niveau. L'androgyne Nuccia Cardinale en
chef de secte implacable et misandre, la blonde et mystérieuse Angie De Leos et l'allemande aux yeux incroyablement bleus Heidi Klum qui nous offre également une très bonne chanson psychédélique, "Basta uomo", forment un trio de charme incontestable.
Injustement oublié, devenu quasiment invisible, Io... donna mérite toute l'attention des amateurs d'oeuvres étranges, atypiques et de trips psychédéliques à ne pas trop prendre au sérieux. Quant aux misogynes, voilà un petit film bien kitsch qu'ils adoreront détester. Io... donna est quoiqu'il en soit un petit budget à découvrir à tout prix avant d'enchainer avec par exemple l'excellent Equinozio ou le gay Sebastiane où cette fois c'est, O chance divine, la femme qui est bannie de l'intrigue au profit de l'homme suprême.