La partida
Autres titres: Le match ultime / Le dernier match / The last match
Real: Antonio Hens
Année: 2013
Origine: Espagne / Cuba
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Reiner Diaz, Milton Garcia, Toni Canto, Luis Alberto Garcia, Jennifer Rodriguez, Beatriz Mendes, Saray Vargas, Carlos Enrique Almirante, Blanca Rosa Blanco, José Luis Midalgo, Sergio Buitrago, Ernesto Del canal...
Résumé: Passionné de football, Reiner un jeune homme tout juste sorti de l'adolescence mais déjà marié et père de famille, survit à La Havane en se prostituant régulièrement. Cela lui permet aussi de s'offrir quelques cadeaux dont des vêtements de marque qu'il achète à un receleur, le beau-père de Yosvani, un de ses copains tout aussi jeune que lui. Un soir, ivres, les deux garçons font l'amour. Une relation amoureuse nait entre eux qu'ils vont devoir cacher à leur entourage. Peu à peu Yosvani ne supporte plus de voir Reiner se prostituer ni la relation qu'il entretient avec un touriste quinquagénaire qu'il souhaiterait épouser pour échapper à cette vie de misère. Problèmes de coeur, problèmes d'argent, problèmes familiaux, au fil du temps l'amour des deux garçons s'effrite...
Particulièrement riche et intense, froidement réaliste, le cinéma gay sud-américain, qu'il nous vienne du Chili (le magnifique Glue), d'Argentine (le violent Plata quemada) voire du Mexique (le tragique Sin destino) ou d'autres pays, est toujours un grand moment de plaisir, une certitude de n'être que très rarement déçu. C'est de Cuba en collaboration avec l'Espagne que nous arrive La partida, un drame amoureux sur fond de misère captivant, cruel, à l'image de la vie de ces jeunes qui survivent dans l'espoir de quitter un jour Cuba et connaitre enfin le bonheur.
Reiner et Yosvani, deux jeunes hommes à peine sortis de l'adolescence, vivent dans les bas quartiers de La Havane. Reiner est déjà marié et père d'une petite fille, Yosvani dépend de son beau-père, receleur et paternel de sa petite amie. Passionné de football, Reiner se prostitue pour pouvoir entretenir sa famille et se payer des vêtements de marque qu'il achète au beau-père de Yosvani. Outre leur misère, les deux garçons ont un autre point commun: leur attrait pour les hommes. Même s'il se prostitue, Reiner nie être homosexuel et cache son attirance pour Yos qui de son coté semble lui aussi être attiré par son ami. Un soir en boite après avoir pris de l'ectasy ils franchissent le cap et font violemment l'amour dans une
ruelle. Dés lors, ils vont vivre une romance aussi forte que tumultueuse. Ils doivent cacher leur liaison à leur femme respective mais surtout au beau-père de Yos, homophobe. Au fil du temps, Yos devient jaloux et supporte mal que Rei se prostitue et voit régulièrement un touriste espagnol quinquagénaire, Juan, avec lequel il envisagerait même de partir pour l'épouser afin de sortir sa famille de la misère. Si leur amour est toujours aussi fort leur relation se dégrade, Rei se fait moins présent. Yos est au plus mal, ne pouvant vivre sans lui. Lorsque son beau-père découvre leur amour, il le chasse au moment où Rei voit la chance lui sourire. Il est admis dans une école de football afin d'intégrer l'équipe nationale.
Désespérément seul, Yos erre dans les rues de La Havane, se prostitue pour survivre puis finalement vole tout l'argent de son beau-père afin de pouvoir partir vivre avec Rei. Malheureusement Rei, plus réaliste, refuse. Seule la mort pourra mettre un terme à cet amour immodéré.
Déjà responsable du très beau et difficile Clandestinos, l'espagnol Antonio Hens nous offre une nouvelle fois un film riche, fort et émouvant, une vision hyper réaliste de la vie de ces jeunes cubains plongés dans la misère qui n'ont que la prostitution, le vol et les magouilles pour survivre mais doivent aussi cacher leur homosexualité dans un pays où elle est encore
très mal acceptée. Si le titre fait référence au football, un jeu auquel s'accroche cette jeunesse, il fait également référence à ces autres activités, beaucoup plus dangereuses, auxquelles Reiner se livre pour faire vivre sa famille qui dépend entièrement de lui, satisfaire son penchant pour le jeu et se payer ce dont il a envie, plus particulièrement des vêtements de marque qu'il achète à bon prix à un receleur. Reiner est l'exemple même de cette jeunesse cubaine livrée à elle même qui les soirs hante Malecon, le front de mer de La Havane où se retrouvent tous les jeunes cubains afin de vendre leur corps aux touristes et se faire ainsi de l'argent. La plupart ne sont pas homosexuels mais ils vivent du sexe, y prennent
plus ou moins de plaisir. La prostitution masculine est passée dans les moeurs, acceptée par les familles qui poussent leurs enfants à s'y livrer mais bien cyniquement refusent que leur progéniture soit gay.
La partida raconte avec beaucoup de tact et d'émotion ce quotidien à travers ses deux héros. Le film se transforme vite en une sorte de documentaire poignant, parfois révoltant mais toujours très juste, sur La Havane tout en développant parallèlement une histoire d'amour entre les deux protagonistes, déchirés entre la confusion des sentiments, leur quête d'identité sexuelle et la jalousie qui peu à peu les ronge.
Le film aurait pu très vite tourner au
mélodrame ce que le cinéaste a fort bien su éviter pour mieux justement se concentrer sur la définition de ses jeunes héros, la profondeur de leurs sentiments, de leur amour contrarié par un contexte qui lentement les détruit. Seul le final, les ultimes et dramatiques scènes qui clôturent le film, échappent à cette règle, un choix voulu par Hens afin de bien montrer que la vie cubaine est loin d'être un feu de joie. Ce no happy end un peu facile est donc pour lui une fin logique en totale adéquation avec ce qu'il voulait exprimer.,
Parfait mélange entre le documentaire social et le film de coming of age, La partida tente de montrer la difficulté d'être gay dans un pays où l'homosexualité n'est encore que peu tolérée.
Ils se cachent derrière une hétérosexualité factice aussi fragile que la vie de ces jeunes est précaire, jouent sur les apparences mais la force de l'amour est plus fort et peut faire exploser à tout instant ce mur trop mince derrière lequel ils se sont dissimulés et venir briser bien des espoirs. Un combat au quotidien qui s'ajoute à celui qu'ils livrent contre la pauvreté et les pressions familiales constantes.
La partida est un film d'une homo-sensualité à fleur de peau extraordinaire. Ses deux interprètes principaux particulièrement charismatiques, Milton Garcia, dix-sept ans lors du tournage, vu auparavant dans Habanastation, et l'incandescent Reinier Diaz, dix huit ans,
repéré l'année précédente dans le brutal court-métrage de l'espagnol Sebastian Milo, Camionero, ont la beauté latino des anges des rues. Si les deux jeunes comédiens, étudiants à l'école de théâtre de Cuba, avaient d'ailleurs déjà été partenaire dans une série télévisée cubaine assez populaire, Loud noise, La partida était leur premier grand rôle au cinéma.
Hens a recours à toute une imagerie homo-érotique puissamment évocatrice. Il filme de façon ardente leur corps gracile parfaitement dessiné qu'ils exposent avec désinvolture, multiplie les plans de leur torse nu ruisselant de sueur et de leur chute de rein gourmande
que caresse la ceinture de leur boxer moulant, les étreintes sont passionnées, violentes mais toujours très sensuelles, viriles, jamais vulgaires. Hens use de beaucoup de pudeur même lors des scènes les plus brulantes ou osées, notamment une belle scène de douche et une séance d'ablution lorsque Reiner se lave le sexe, impudique, dans l'eau des toilettes après avoir fait l'amour à Juan, dissimulant bien malheureusement pour le spectateur tout étourdi le sexe de ses garçons malgré une affriolante accumulation de nus dorsaux et quelques nus frontaux éblouissants. La partida est un spectacle sexuellement envoutant,
exaltant, aussi fiévreux que ce bord de plage où tous ces jeunes latinos viennent vendre leur charme et leur fraicheur aux passants les plus offrants auxquels se mêlent quelques travestis et autres folles défraichies. Le film de Hens sent la misère, celle qu'imprègne l'odeur du sexe et de la sueur, envoute comme peut envouter la chaleur des nuits cubaines. La partida est un film aussi beau qu'érotiquement foudroyant.
Présenté au Festival du film européen de Séville, soutenu par l'Ecole d'arts de Cuba, gros succès tant public que critique dans les nombreux pays où il fut distribué y compris Cuba, La partida / Le dernier match hautement mené par la justesse du jeu de Reiner et Milton, cette
alchimie quasi électrique qui existe entre eux, est un drame d'aujourd'hui poignant, sexuel, énergiquement mis en scène par un cinéaste concerné qui avoue lui même être passionné par l'adolescence, ses turpitudes, ses illusions, ses premières amours toujours douloureuses et si authentiques, étape transitoire et contradictoire particulièrement difficile durant laquelle on devient un homme. Il va sans dire qu'une fois de plus le film de Antonio Hens prouve toute la force et l'authenticité d'un cinéma gay sud américain toujours aussi sexuellement fantasmatique.
De quoi rêver s'acheter un aller sans retour pour La Havane...