Clandestinos
Autres titres:
Real: Antonio Hens
Année: 2007
Origine: Espagne
Genre: Drame
Durée: 80mn
Acteurs: Israël Rodriguez, Mehroz Arif, Hugo Catalan, Juanma Lara, Luis Hostalot, Antonio Dechent, Pablo Puyol, Elena Martinez, Inma Cuevas, Pepa Aniorte, Fanny De Castro, Ana Rayo, Juan Luis Galiardo, Manuel Salas, Raul Zajdner, Pablo Puyol...
Résumé: Xabi, Joel et Driss, trois adolescents en attente d'extradition, s'évadent du pénitencier où ils étaient prisonniers. Xabi est un indépendantiste basque convaincu qui n'a qu'une idée en tête, lutter pour la cause basque. Il veut rejoindre Inaki, son mentor et amant, afin de préparer un attentat à Madrid. En compagnie de Driss il part à sa recherche. Il ignore que Inaki, terroriste notoire, prépare de son coté un important coup pour le compte de l'ETA. Xabi devient une menace. Il se voit contraint de le tuer non seulement pour le bien de la cause mais aussi pour dissimuler son homosexualité. Le destin de Xabi est entre les mains de Firmin, un quinquagénaire avec qui l'adolescent à coucher avant de lui voler son arme. Fermin, touché par le passé du garçon, est en effet parti à sa recherche...
L'espagnol Antonio Hens s'était fait connaitre à l'aube des années 2000 avec un court-métrage détonant devenu depuis un classique du court gay, Mauvaises fréquentations, dans lequel un lycéen expert dans la drague en centres commerciaux se fait surprendre par son père entrain d'être allègrement sodomisé par un jeune professeur venu lui donner des cours à domicile. Après avoir ensuite travaillé sur quelques séries télévisées, Hens signe son premier long métrage en 2007, Clandestinos, un film qui mélange terrorisme, patriotisme et sentiments amoureux sur fond de relations interdites.
Xabi, un andalou, et deux autres adolescents, Driss un marocain, et Joel un mexicain, s'évadent de la prison pour mineurs où ils séjournent en attendant d'être expulsés d'Andalousie le jour de leur majorité. Dans le bus qui les amène à Madrid ils font la connaissance de deux filles légères, Marta et Rebecca. Si Joel reste habiter chez Marta, Driss décide d'accompagner Xabi pour l'aider dans sa lutte pour l'indépendance du pays basque. Pour se faire un peu d'argent, Xabi se prostitue dans les halls de centres commerciaux. Il rencontre un sexagénaire, Fermin, qui lui offre le gite et le couvert en échange d'une nuit dans ses bras. Alors qu'il dort Xabi lui dérobe un révolver. Fermin porte plainte en prenant soin de dire à la police qu'il s'agit d'un cambriolage afin de cacher ses tendances pédophiles. Xabi a autrefois connu un révolutionnaire membre de l'ETA, Inaki, qui lui a appris les bases du terrorisme. Il s'est toujours promis d'être lui aussi un jour un révolutionnaire endurci qui lutte pour la liberté du pays basque. Persuadé qu'Inaki avec qui il a vécu une relation très forte l'aidera, il cherche à le rencontrer afin de préparer un attentat à Madrid. Il ignore que l'homme est entrain de mettre au point avec une dangereuse terroriste, Elena, une importante attaque contre la capitale. Devenu une menace, Elena exige qu'Inaki coupe tout lien avec Xabi et le tue. L'homme lui donne rendez-vous. Fermin arrive au moment où il s'apprête à l'abattre. Tombé amoureux de cet adolescent sauvage, touché par son passé qu'il a reconstitué, Fermin n'a cessé de le chercher pour lui éviter non seulement les problèmes mais également de retourner en prison. Tandis que Inaki agonise, Xabi serre fort contre lui Fermin qui deviendra son amant. Orphelin, Xabi, pur espagnol livré à lui même depuis sa tendre adolescence, s'était inventé une cause le jour où, alors qu'il vendait son corps, il avait connu Inaki. Plus qu'un mentor, Inaki allait devenir pour Xabi un père, un amant, à qui il vouera une confiance aveugle. Par amour pour cet homme il a adopté sa cause, renié ses propres origines jusqu'à transformer son prénom, Javi, en Xabi et livré combat pour l'indépendance basque. Trompé, abusé, Xabi s'est fourvoyé dans cette vie de terroriste qui n'était pas la sienne. Après son séjour en prison, à sa majorité, il pourra vivre heureux auprès de Fermin.
Rares sont les tentatives qui mélangent homosexualité et politique, plus rares encore celles qui couplent homosexualité et terrorisme, un sujet hautement délicat d'autant plus en Espagne. On avait certes eu à la fin des années 70 le percutant El diputado du tout aussi percutant Eloy De La Iglesia dont Hens fut un proche, un film dur qui narrait les relations pédophiles d'un député, mais bien peu s'étaient risqués sur ce terrain. Clandestinos aborde le sujet de manière détournée, plus accessible. Le film se présente sous la forme d'un gentil mélodrame qui par instant prend des allures de comédie adolescente, une jolie histoire d'amour interdite qui dissimule des secrets bien plus lourds et surtout dangereux qui éclateront en fin de film et prendront toute leur signification lors du douloureux final. A travers l'histoire de Xabi, un adolescent condamné pour avoir jeté un cocktail molotov sur un policier, Hens traite de nombreux thèmes, tous plus délicats les uns que les autres, la prostitution masculine, les relations intergénérationnelles, les amours coupables entre adultes et mineurs, la recherche de son identité sexuelle, de ses origines, l'omniprésence de la police dans une société médiatisée qui étouffe les jeunes et enfin le terrorisme. Hens tout en montrant sa position sur le nationalisme en Espagne voulait absolument tourner un film sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte, mettre en scène l'histoire d'un adolescent en quête d'identité qui décide de se réinventer, de se donner une nouvelle personnalité, de se créer un personnage. En résulte un film bancal, pas toujours très bien écrit qui part un peu tout azimut tant il veut brasser de sujets à la fois tout en mélangeant les genres. Difficile donc de vraiment s'attacher à Clandestinos du fait qu'on a un peu de mal à le classifier. Comédie, drame, mélodrame, thriller, film social, Hens saute du coq à l'âne et fait perdre pas mal de sa crédibilité au film. La mise en scène, imparfaite, par moment maladroite, n'aide guère le spectateur à entrer dans l'univers glauque de Xabi. Pas évident de s'attacher à ses adolescents, à leurs problèmes, leurs choix, leurs quêtes, leurs drames. Aussi louables que soient les intentions du cinéaste, il manque au film ce petit quelque chose qui le rendrait touchant, cette force, cette montée dramatique qui marquerait les esprits, frapperait droit au coeur.
Malgré ses défauts et son manque de vraisemblance, Clandestinos est loin d'être un film raté. Bien au contraire. Il donne tout de même à réfléchir d'une part sur ces faits de société d'autre part sur la fameuse question de savoir si on peut être gay et faire de la politique, plus avant être homosexuel et terroriste. Une question particulièrement brulante aujourd'hui. Si la réponse est évidente pour certains mouvements radicaux notamment islamistes elle l'est beaucoup moins en Europe. Beaucoup doivent en effet cacher leur homosexualité pour être reconnus au sein d'une organisation revendicatrice/terroriste sous peine de rejet, pire de représailles. Clandestinos met ce point en avant à travers les personnages de Xabi et Inaki et c'est peut être là une des grandes qualités du film.
Dans un premier temps il s'attache à montrer les raisons qui ont poussé l'adolescent sur la voie du terrorisme, les raisons pour lesquelles il lutte à corps perdu pour l'indépendance basque tout en mettant en exergue les causes qui conduisent beaucoup de jeunes souvent faibles à se marginaliser et s'enrôler dans des organisations: le besoin de reconnaissance, le besoin d'être aimé, de se trouver une raison de vivre et de se sentir vivre quitte à y perdre la vie. Leur faiblesse est très souvent une porte ouverte pour leurs maitres à penser, leurs recruteurs, car très facilement endoctrinables. Dans un second temps, Hens traite de l'homosexualité et de la difficulté voire l'impossibilité d'être gay dans ces milieux extrêmes. Inaki a du cacher toute sa vie son orientation sexuelle, sacrifier son amour pour l'adolescent prostitué jusqu'à prendre la décision de le tuer lorsqu'il devra choisir entre l'amour de sa patrie et celui du garçon. Si leur relation semble floue une bonne partie du métrage, tout s'éclaircira lors du poignant final lorsque Hens aura terminé d'assembler les pièces du puzzle de leur vie, un moyen pour lui d'aborder les autres thèmes, souvent tabous, notamment les amours intergénérationnelles, point de départ des déboires de Xabi.
C'est sous deux angles que le cinéaste choisit d'en parler, deux angles qui finiront par s'entrecouper lors du tragique dénouement. Il y a d'une part la relation trouble entre Xabi et Fermin, quinquagénaire respectable et respecté dont il profite avant de le voler et s'enfuir, le temps pour l'homme de se prendre d'amitié pour l'adolescent puis de lentement en tomber amoureux en découvrant son passé. D'autre part il y a Inaki, son premier amour, son mentor, son amant et père de substitution rencontré sur un lieu de prostitution, un amour qui le mènera à la mort. C'est Fermin qui contre toute attente le sauvera d'une fin inéluctable au péril de sa propre vie et c'est avec lui que le jeune garçon fera sa vie, enfin libéré d'une vie qui n'était pas la sienne. Et si Hens abat les interdits il souligne cependant bien le fait que pour être tranquille, il faut vivre dans le mensonge. Si Inaki a du cacher toute sa vie sa sexualité Fermin, notable madrilène en apparence bien sous tout rapport, doit mentir pour mieux dissimuler ses penchants pour les jeunes garçons et les prostitués qui hantent les centres commerciaux de la capitale.
Si certains trouveront la fin un peu trop romantique, si d'autres jugeront agaçante la présence des deux filles avec lesquelles Driss et Joel sortent, Hens fera sans l'ombre d'un doute l'unanimité avec ses jeunes acteurs, Israel Rodriguez en tête dans la peau de Xabi. Même s'il a passé l'âge du rôle, Israel dont on avait déjà pu contempler l'insolente beauté dans quelques courts métrages gay dont Mauvaises fréquentations est la grande découverte de Clandestinos. Habitué aux séries télévisées (le fameux Un dos tres, Un paso adelante, Yo soy bea) il explose littéralement l'écran. Il sera bien difficile de ne pas succomber à son corps filiforme, son physique de petit ange des rues, d'autant plus si on est grand amateur de beautés latinos. Et c'est avec extase qu'on pourra enfin l'admirer nu, découvrir combien Mère nature l'a généreusement doté, lors de quelques plans trop courts, jamais vulgaires. A ses cotés on reconnaitra le ténébreux Hugo Catalan, très sage ici, mais qui explosera littéralement quelques années plus tard dans des classiques du film gay dont Cuatro lunas, Velociraptor et surtout le très beau Yo soy la felicidad de este mundo le dernier film en date de Julian Hernandez. On se régalera également des corps nus et torses impeccables de tous ces jeunes mâles superbement filmés par un Hens inspiré notamment lors des scènes de douche au pénitencier.
Clandestinos n'est pas une oeuvre parfaite. Elle a les défauts d'un premier film et souffre des trop nombreux thèmes abordés en si peu de temps. Hens a peut être voulu être trop gourmand mais il a au moins le mérite d'avoir soulevé d'importantes questions trop souvent passées sous silence faute au diktat d'une société qui refuse encore de reconnaitre dans de trop nombreux cas l'homosexualité. Tour à tour drôle, touchant, dur, audacieux dans sa conclusion qui ose montrer le triomphe de l'amour entre un adolescent et un homme d'âge mûr, Clandestinos est un nouvel exemple de ce cinéma gay ibérique toujours aussi riche et intelligent si ce n'est fascinant, toujours aussi téméraire sur les questions auxquelles il s'attaque. Hens ne reviendra au cinéma qu'en 2013 avec l'excellent et poignant La partida.
Le film fut sujet à controverse lors de sa sortie en Espagne de par les thèmes qu'il évoquait mais également par la mauvaise publicité d'une revue qui montrait un terroriste faire une fellation à un garde civil sous la menace d'une arme. Clandestinos a depuis reçu de nombreux prix lors de ces passages en festival notamment le festival gay d'Andalousie ainsi que celui de Madrid. Israel Rodriguez a quant à lui été récompensé pour sa performance par le prix du meilleur acteur.