La discesa di Acla a Floristella
Autres titres: Acla's descent into Floristella
Real: Aurelio Grimaldi
Année: 1992
Origine: Italie
Genre: Dramatique
Durée: 84mn
Acteurs: Francesco Cusimano, Tony Sperandeo, Luigi Maria Burruano, Lucia Sardo, Giovanni Alamia, Benedetto Raneli, Giuseppe Cusimano, Rita Barbanera, Salvatore Scianna, Ignazio Donato, Luciano Venturino, Giuseppe Donnano, Giuseppe Calcagno, Luigi Capizzi, Andrea Cursale...
Résumé: Acla vient d'avoir 11 ans. Il a atteint l'âge d'accompagner son père dans les mines de soufre de Floristella afin de gagner de l'argent. Comme tout autre enfant, il a été vendu à son patron qui a désormais tous les droits sur lui. Acla découvre l'enfer de la mine et celui de la vie des mineurs qui vivent cinq jours sur sept, quasiment nus, dans une dangereuse promiscuité sexuelle. Si les maltraitances et punitions particulièrement dures sont légions, il en va de même pour les abus sexuels. L'homosexualité, condamnée par une Eglise hypocrite, est monnaie courante au fond de la mine et les enfants sont des proies faciles. Ils acceptent cette réalité dans la plus totale indifférence. Enfant rebelle, Acla refuse ces traitements. Las d'être battu et puni, il s'enfuit pour vivre une utopie: rejoindre sa soeur en Australie et avoir enfin une vie heureuse...
Ecrivain et scénariste à la base on doit entre autre à Aurelio Grimaldi Le buttane / The whores mais surtout les bouleversants Mery per sempre et sa suite Ragazzi fuori portés à l'écran par Marco Risi qui traitait de façon particulièrement réaliste d'une part du quotidien tragique d'un groupe d'adolescents dans les prisons pour mineurs de Naples, d'autre part de l'homosexualité dans le sud d'une Italie machiste et rétrograde. Véritables coups de poing qui aujourd'hui n'ont rien perdu de leur virulence et de leur force dramatique, Mery per sempre et Ragazzi fuori dont nous avions consacré un long dossier à ses jeunes acteurs restent à ce jour emblématiques d'un certain cinéma italien réaliste.
La discesa di Acla a Floristella, première réalisation de Grimaldi tirée d'un de ses romans, traite d'un sujet tout aussi délicat, le dur labeur et l'exploitation des enfants dans les mines de soufre au début du siècle sur fond d'homosexualité et de pédophilie, un thème difficile que Aurelio Grimaldi met en scène sans détour entre peinture sociale réaliste d'une époque pas si lointaine et un certain voyeurisme qui pourrait en faire grimacer certains.
Acla a 11 ans. Il a atteint l'âge d'accompagner son père à la mine de soufre de Floristella où travaillent chaque jour du lundi au vendredi tous les hommes d'un petit village du sud de l'Italie. Comme tout autre enfant, il est virtuellement vendu à un des chefs de la mine qui désormais à tous les droits sur lui. Acla doit obéir et travailler dur pour extraire et porter le minerai dans des conditions souvent inhumaines. Sexuellement frustrés, privés de leur épouse durant la semaine, les mineurs s'ils ont régulièrement des rapports sexuels entre eux s'offrent également les enfants dont ils abusent. Le caractère rebelle, Acla ne compte pas se laisser faire ni même se laisser dompter, maltraiter ou battre à mort s'il faute. Las de cet enfer, il s'enfuit afin d'aller en Australie pour y rejoindre sa soeur qui s'y est installée. Obsédé par cette utopie, son retour à la dure réalité sera extrêmement brutal.
La discesa di Acla a Floristella est une foudroyante vision de l'Italie des années 30, celle d'une époque où le travail des enfants n'était pas encore interdit par la loi, celle de la pauvreté, de la souffrance, de la misère et de la violence qui était le quotidien du bas peuple dans le sud du pays. Tourné sur les terres apocalyptiques de Sicile, non pas celles de Zolfo qui avaient servi de décor à La preda avec Franco Gasparri et Zeudi Araya, mais celles de Floristella où est extrait le minerai de soufre, le film de Grimaldi dénonce les conditions de travail exemptes de toute dignité humaine que devaient subir ces hommes et surtout ces enfants, à la limite de l'esclavage, dans une dangereuse promiscuité sexuelle. Grimaldi a
parfaitement su reconstituer non seulement cet enfer où l'homme n'est plus qu'un animal mais également de la vie de ces familles illettrées subsistant dans des ruines de pierres qui forment ces micro villages perdus dans les campagnes arides. Le prêtre, hypocrite, semble être le seul lien qui les lie à une certaine civilisation un brin moderne. Acla fait partie de ces enfants dont les frères et soeurs sont souvent nés d'abus sexuels et qui dés 12 ans sont envoyés à la mine afin de ramener de l'argent à leur famille. Ils y subissent viols et maltraitances dans l'indifférence générale des parents et des autorités qui ferment les yeux puisqu'ils sont ce qui fait vivre le pays. Mis en scène avec beaucoup de sensibilité, La discesa di Acla est le révoltant tableau vivant d'une mentalité d'un autre temps, une bouleversante et authentique peinture sublimée par une magnifique photographie qui privilégie les tons jaunes et sépia donnant à l'ensemble un coté totalement surréaliste, onirique, par instant dantesque notamment lors de la descente au fond des mines, véritable antichambre des Enfers, appuyée par une partition musicale morbide composée essentiellement d'airs de néo-opéra lancinants qui rappellent ceux de Klaus Nomi.
Si les maltraitances que subissent les enfants, roués de coups par les patrons ou leurs pères, en révolteront plus d'un, c'est très certainement ce climat de pédophilie latente qui risque de mettre mal à l'aise les plus sensibles. Uniquement vêtu d'un cache-sexe afin de ne pas mourir de chaleur, les mineurs, hommes et enfants, vivent cinq jours sur sept dans la promiscuité sexuelle la plus totale, dormant les uns sur les autres à même le sol. Le désir comme les frustrations n'en sont que plus accrus, l'acte sodomite et le sexe oral sont par conséquent monnaie courante. Ce sont les plus faibles donc les enfants qui en sont les premières victimes. "La semaine nous avons les enfants, le week-end et aux vacances nous avons nos femmes". Cette phrase clamée par un des patrons résume à elle seule tout le film. Mais qu'est ce qui est ici le plus abominable? L'acte en lui même où l'indifférence et l'hypocrisie des familles, des autorités et de l'Eglise qui ferment les yeux ou se retranchent derrière des discours nauséeux dans lesquels on cite Dieu, se réfère à Sodome et Gomorrhe pour se donner bonne conscience.
D'un coté le curé pointe du doigt l'homosexualité qui règne dans les mines, condamne les relations sexuelles entre hommes qui fera s'abattre la colère de Dieu sur eux endormant ses ouailles crédules laissées dans l'ignorance sous de féroces discours. D'un autre coté, il arrache dans les cris et les pleurs les enfants à leur famille pour les placer dans des internats loin des villages. On pense par instant à l'ouverture de Salo et les 120 journées de sodome et ses rafles comme on pensera au final du film de Pasolini lorsque deux jeunes mineurs s'enlacent et se mettent à danser au son d'un vieux disque, une minute de sérénité et d'humanité interdite au milieu de l'Enfer pour des hommes qui ne sont plus que des animaux.
Certains pourront reprocher à Grimaldi cette insistance à filmer la nudité des enfants, une certaine complaisance voire un voyeurisme malsain notamment face aux séquences où les gamins urinent ou défèquent devant l'objectif, observent leurs parents faire l'amour mais cette complaisance peut se justifier par le fait justement qu'ils ne sont que des bêtes et considérés comme telles. Les plus puritains quant à eux n'y verront qu'une basse excuse à des fins une fois de plus exploitatives accompagnées de dialogues parfois crus. "Tu aimes tellement ça que tu as la bouche qui sent encore le sperme."
Plus encore que dans le diptyque Mery per sempre / Ragazzi fuori et La donna lupo, un des rares films gay italiens des années 90, La discesa di Acla a Floristella est tout empreint d'une subtile imagerie gay qui passe outre une certaine érotisation de l'enfant par la vision de ces corps de mâles nus ruisselant qui travaillent à la sueur de leur front, nouveaux esclaves romains dans un monde dit moderne mais également par des jeux de regards et des dialogues parfois très masculins.
En partie récité en dialecte sicilien afin d'en accentuer encore plus son réalisme La discesa di Acla bénéficie en outre d'une interprétation tout en justesse d'une bien jolie brochette d'acteurs, le petit Francesco Cusimano en tête, brièvement repéré auparavant dans Demonia
de Lucio Fulci, très à l'aise semble t-il dans le rôle fort difficile de Acla. Son frère dans la vie, Giuseppe, interprète son frère à l'écran. A leurs cotés, l'excellent Tony Sperando est un patron aussi autoritaire qu'intransigeant à l'image du père joué par Luigi Maria Burruano.
Très certainement un des meilleurs films de Grimaldi, La discesa di Acla a Floristella est le témoignage brut d'un passé honteux et cruel que beaucoup auraient préféré oublier, une oeuvre néo-réaliste incisive d'une infinie tristesse parfaitement réussie dans sa terrible reconstitution aussi belle que fulgurante. Elle devrait sans aucun doute laisser quelques bleus au coeur aux plus émotifs. A moins que ce ne soit tout simplement qu'une vision de l'Enfer.