La casa delle mele mature
Autres titres: Les assoiffées du sexe / La chair qui brule
Real: Pino Tosini
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 69mn
Acteurs: Marcella Michelangeli, Susanna Levi, Erika Blanc, Lorenzo Terzon, Steven Tedd, Gérard Landry, Gianni Macchia, Victor Poletti, Irio Fantini, Rinaldo Ebasta, Siro Pannini...
Résumé: Judy et Marisa sont amies. Leur santé mentale étant des plus fragiles, toutes deux doivent se faire interner dans un hôpital psychiatrique. Elles entrent dans la clinique du frère de Judy. Marisa supporte mal l'internement et son mari, Fulvio, parvient à la faire sortir. Judy reste désespérément seule, prisonnière de ses souvenirs. Plus préoccupé par ses affaires et le rendement de son établissement son frère refuse qu'elle rentre chez elle. Supportant de plus en plus mal les conditions d'internement, la violence et les maltraitances dont se rend coupable le personnel soignant, l'hystérie des aliénés mentaux, Judy sombre petit à petit dans la folie jusqu'à l'effroyable mais inéluctable tragédie finale...
"Quand ton esprit vacillera face à un brin d'herbe, forniquer te sauvera". C'est par cette énigmatique phrase que s'ouvre ce très curieux film tout aussi énigmatique aujourd'hui quasi invisible, une de ses raretés du cinéma italien des années 70 devenue presque fantomatique au fil du temps puisque l'unique manière de le découvrir est de se procurer la rarissime vidéo hollandaise d'une incroyable médiocrité. Produit par Elo Panaccio, La casa delle mele mature prend pour thème principal la folie, l'univers des vieux hôpitaux psychiatriques, les traitements drastiques qu'on y administre et les maltraitances dont sont victimes les patients. Si le sujet semble clair, le film l'est beaucoup moins et laissera dubitatif quant aux réelles intentions de Tosini dont le discours reste assez confus à l'instar même de l'idéologie qu'il y développe.
Proche d'un certain cinéma d'auteur qui rappellera à certains la nouvelle vague du cinéma allemand de ce début d'années 70, La casa delle mele mature nous plonge au coeur de l'enfer que vont connaitre deux amies en pleine crise existentielle, Judy et Marisa, dont l'état mental nécessite leur internement. De ce point de départ va très vite naitre un film froid et austère, dérangeant, mais cependant fascinant pour le peu qu'on ne soit pas trop sensible à la détresse humaine et l'exploitation dans ce qu'elle a de plus terrifiante et voyeuriste de l'aliénation. C'est sur ce point précis que le discours de Tosini devient confus. Quel a donc été l'objectif précis du réalisateur? La casa delle mele mature est certes une dénonciation féroce des conditions d'internement et des soins prodigués dans les instituts psychiatriques
du début des années 70. En ce sens, le film est un véritable coup de poing qu'assène Tosini au visage de son public tant les scènes à l'intérieur de l'hôpital sont violentes. Le mal être, les crises d'hystérie et de folie, le désespoir tant des deux protagonistes principales que des patients sont d'une effroyable véracité, d'un réalisme à vous glacer les sangs. Tosini pointe du doigt et dénonce l'absence de toute humanité chez le personnel soignant et les conditions bestiales dans lesquelles vivent les malades. Gifles, camisoles, douches forcées et humiliations corporelles, décrassage au balai, sadisme, électro-chocs... sont ainsi au menu noyés sous une déferlante de hurlements impressionnants. Pousser la porte d'un asile c'est signer son arrêt de mort.
D'une noirceur extrême, La casa delle mele mature conduira Judy au suicide lors d'un final dantesque, inoubliable, d'une incroyable férocité. Seule, désespérée, anéantie par tant de violence, de fureur et l'impression de ne plus être qu'un animal, elle s'enfermera dans sa chambre pour y mettre le feu. Après l'enfer de la psychiatrie c'est désormais celui des flammes à travers desquelles elle hurle sa souffrance avant de se jeter dans le vide sous les yeux des patients hystériques.
Si le film de Tosini se voudrait donc une virulente dénonciation des établissements spécialisés, il reste cependant de la pure exploitation, un spectacle sordide pour voyeur malsain sur fond d'idéologie post-soixante-huitarde. C'est peut être là que les intentions du cinéaste demeurent obscures. Il fait en effet tout son possible pour mettre le spectateur mal à l'aise, satisfaire sa soif de perversions et flatter ses instincts les plus vils en tournant non
seulement dans un véritable asile avec son personnel et de véritables malades mais aussi en faisant du film un détonnant cocktail de sexe, drogues et rock'n'roll pour mieux alimenter le coté révolutionnaire du récit. Le discours est un brin ridicule mais tout aussi incisif. Les scènes de débauche et autres drug-parties subversives typiquement post 68 sont d'autant plus jouissives qu'elles sont filmées comme un long trip sous acides. Filtres, couleurs criardes, musiques assourdissantes, images crasses caractérisent le film qui accumule les gros plans sur les parties intimes féminines et les séquences de sexe saphiques et hétérosexuelles à la limite de la pornographie. Ont elles été tournées par Tosini ou sont ce des inserts destinés au marché étranger? Le doute subsiste tant les différences de grain et de couleur sont visibles, les participants quant à eux ne sont jamais montrés ce qui les rend inidentifiables. On gardera en tête également la scène très efficace durant laquelle Judy fait furieusement l'amour avec son amant d'un jour au son d'une musique tribale entêtante rythmée par les convulsions de Marisa qui revit le viol qu'elle a subi lorsqu'elle était enfant.
Entre accusation et exploitation La casa delle mele mature oscille sans cesse, une hésitation renforcée par une narration destructurée pas toujours très précise et une mise en scène un peu molle, principaux défauts de cette curiosité fortement estampillée années 70. Mais si le film fut fortement décrié lors de sa sortie en Italie, ce n'est pour cela. Il fut avant tout traité d'oeuvre sadienne et fasciste pour avoir voulu profiter d'un sujet aussi douloureux et le spectaculariser. Aujourd'hui encore certains le trouveront abject mais les fervents amateurs de cinéma exploitation, les amoureux de procédés chocs et de complaisance qui le recherchent tel un Graal le considéreront comme une de ces gemmes de ce cinéma autre italien, trash et marginal.
Cruel, glacial, désespéré, destructeur, La casa delle mele mature qui par quelques aspects fera penser à Valeria dentro e fuori de Brunello Rondi est dominé par la magistrale performance de Marcella Michelangeli version cheveux courts, extraordinaire dans le rôle de Judy. Pour l'anecdote, Marcella fit une tentative de suicide sur le tournage afin d'attirer dit-on l'attention sur elle, écrasée et jalouse de la présence de la talentueuse Erika Blanc. Elle dut être hospitalisée et soignée dans l'hôpital même où fut tourné le film avec le même personnel. Une situation peu banale qui ajoute à l'aura sordide de l'ensemble. A ses cotés, on retrouve la tout aussi excellente Susanna Levi dans la peau de Marisa, Erika Blanc le temps de trop courtes scènes et Gianni Macchia alors au summum de sa beauté, jeune dandy et époux anxieux de Marisa.
Aussi discutable soit il aux yeux de certains comme peuvent l'être le Mondo ou le nazisploitation, La casa delle mele mature demeure une impressionnante étrangeté d'un autre temps aujourd'hui perdue. Elle devrait ravir tous les passionnés d'un cinéma voyeur et morbide qui ne reculait devant aucun procédé. A ne pas mettre entre toutes les mains si ce ne sont celles du Maniaco et de ses fidèles soldats!