Beatrice Cenci
Autres titres: Le château des amants maudits
Real: Riccardo Freda
Année: 1956
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Micheline Presle, Gino Cervi, Frank Villard, Fausto Tozzi, Mireille Granelli, Antonio De Teffè, Claudine Dupuis, Emilio Petacci...
Résumé: Afin d'échapper à son père, Francesco Cenci, un tyran incestueux et immoral, Beatrice, sa fille avec qui il compte bien coucher, fuit le château familial une nuit d'orage. Elle est recueillie par Olimpio, le nouvel intendant et fils de Cenci issu de son premier mariage. Le jeune homme tombe vite amoureux de Beatrice mais cette liaison met son père en rage. Lorsque Olimpio réalise qui est réellement Francesco, il tente d'arracher Beatrice à ce père indigne. Malheureusement Francesco est assassiné dans de mystérieuses conditions. Beatrice est vite soupçonnée du meurtre, des soupçons que confirment sa belle-mère, une femme machiavélique, et son frère Giacomo. Tous deux entretiennent en fait une relation interdite. Incapable de prouver son innocence, Beatrice est condamnée à mort. Olimpio va tout faire pour qu'elle échappe à la décapitation...
Bien avant Lucio Fulci en 1969 et son magnifique Liens d'amour et de sang, le roman de Francesco Domenico Guerrazzi, Beatrice Cenci avait déjà été adapté plusieurs fois à l'écran par notamment Riccardo Freda en 1956 sous le titre Le château des amants maudits. Des écrits de Guerrazzi Freda n'en a gardé que le fond pour mieux les transformer en une tragédie historique dont les malheureux en sont Beatrice Cenci, fille de Francesco Cenci, un aristocrate tyrannique et incestueux, et son bel amant. La famille Cenci s'était retirée de Rome pour le château de Petrella del Salto après que Francesco ait connu moult déboires avec l'Eglise pour immoralité. Il avait abusé de son fils Giacomo et de sa seconde épouse Lucrezia et désirait désormais Beatrice. La jeune fille avait plusieurs fois tenté de prévenir les autorités des méfaits de son père en vain. C'est ici que commence le film de Freda lorsque Beatrice s'enfuit du château une nuit d'orage. Elle est retrouvée par Olimpio, le nouvel intendant de Francesco et fils de sa première femme. Olimpio tombe rapidement amoureux d Beatrice à la grande fureur de son père. Au moment où le jeune homme découvre les agissements de Francesco, ce dernier meurt mystérieusement assassiné. Lucrezia et Giacomo sont vite soupçonnés d'autant plus qu'ils entretiennent une relation incestueuse. Machiavélique la belle-mère fait accusée Beatrice qui est condamnée à mort. Olimpio va tout mettre en oeuvre pour prouver l'innocence de la jeune fille.
Freda, metteur en scène méconnu et assez inégal, à qui beaucoup vouent un véritable culte reste surtout connu pour quelques films tels que I vampiri / Les vampires et surtout L'horrible secret du Professeur Hitchcock qui demeure encore aujourd'hui une référence. Sans jamais atteindre la grandeur des oeuvres de Mario Bava qui fut plusieurs fois son assistant, les films d'épouvante et historiques de Freda ont cependant un véritable cachet. Le château des amants maudits ne fait pas exception. On est ici face à un tragique et sordide mélodrame sur fond de parricide, de relations interdites et d'inceste même s'il faut ici relativiser le terme sordide. Nous sommes en 1956, l'ensemble est donc d'une sagesse exemplaire, plus suggéré que montré même si Freda s'octroie quelques scènes qui pour l'époque peuvent être considérées comme tout spécialement audacieuses. On appréciera quelques douces tortures, celles que doivent subir Lucrezia et Beatrice afin d'avouer leur culpabilité, et plus particulièrement le final cruel, d'un étonnant pessimisme, qui devrait ravir les adeptes de no happy end, tout feu tout flamme lorsque l'énorme hache du bourreau s'élèvera menaçante dans les airs afin de décapiter la pauvre Beatrice tandis qu'agonise son amant.
On regrettera peut être le coté mélo romantique fort daté qui imprègne toute la première partie du film, la moins intéressante, pour mieux se laisser emporter par la seconde moitié qui se transforme en une sorte d'enquête policière afin de déterminer qui a bien pu assassiner Francesco Cenci en faisant s'effondrer le balcon de sa chambre. Freda multiplie les coupables potentiels tout en orientant fortement les soupçons sur la famille proche de l'odieux aristocrate tout en mettant à jour la relation incestueuse que vivent en secret Lucrezia et son beau-fils imagée par une folle étreinte suivie d'un fougueux baiser. Le cinéaste parvient avec brio à entretenir son intrigue jusqu'aux ultimes minutes qui se muent en une haletante course contre la montre tout en soignant sa mise en scène, somptueuse. La photographie sublime de Pogany met quant à elle en valeur les couleurs chaudes des jolis décors médiévaux plutôt bien reconstitués. Certains trouveront par contre la musique de Mannino assourdissante et extrêmement datée, peu harmonieuse comme on aurait pu attendre beaucoup mieux d'une interprétation sans surprise menée par l'écrasant Gino Cervi, excellent, mais inégalement suivie par Mireille Granelli, actrice grassouillette et insipide à la brève carrière, qui se glisse de façon trop fade dans la peau de Beatrice et Fausto Tozzi, très théâtral dans le rôle de Olimpio. Micheline Presle est quant à elle un peu trop en retrait. On remarquera la présence d'un tout jeune Antonio De Teffé qui interprète Giacomo.
Malgré ses quelques défauts, Le château des amants maudits est une jolie adaptation de Beatrice Cenci à la fois baroque et tragique qu'on prendra plaisir à voir.