Malia, vergine e di nome Maria
Autres titres: Malia
Real: Sergio Nasca
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 96mn
Acteurs: Turi Ferro, Andréa Ferreol, Cinzia De Carolis, Marino Masè, Alvaro Vitali, Clelia Matania, Renato Pinciroli, Leopoldo Trieste, Enzo Cannavale, Tino Carraro, Jean Louis, Dada Gallotti, Sandro Dori, Tino Carraro, Nicola Di Pinto, Giorgio Iovine, Francesco Dada...
Résumé: Maria a 15 ans. Elle et sa mère vivent dans un petit ghetto aux abords de Turin entourées d'autres miséreux et sous prolétaires exclus. Maria souffre d'épilepsie. C'est la raison pour laquelle elles vivent à l'écart des voisins qui voient en elle la manifestation du Mal. Un jour Maria succombe à une nouvelle crise. Alors que tous la croient morte, elle revient à la vie. Elle était seulement tombée en catalepsie. Si la population crie au miracle et la sanctifie, une autre surprise attend sa mère. Maria est enceinte mais elle est toujours vierge! Elle devient alors une sainte que tous vénèrent, criant au miracle. Sa mère va tirer profit de la situation tandis que la presse s'empare de l'affaire. C'est alors que la tragique et sordide vérité va exploser...
Après un premier film prometteur et audacieux plutôt maladroit réalisé en 1974, Il saprofita / Le profiteur, ancré dans la mouvance du cinéma italien contestataire alors très en vogue, dans lequel le scénariste metteur en scène Sergio Nasca mettait en exergue toutes les tares et les vices de la bourgeoisie à travers le personnage d'un jeune prêtre autiste assassin et totalement débauché, Nasca récidive en 1976 avec un tout aussi scandaleux mais plus réussi Malia, vergine e di nome Maria. Foudroyé par la censure qui le séquestra dés sa sortie sur les écrans italiens pour hérésie et immoralité, Malia, vergine e di nome Maria connut fort heureusement une seconde vie après avoir été rebaptisé tout simplement Malia lors de sa ressortie.
C'est au bas peuple que Nasco s'attaque cette fois, à la classe sous prolétaire turinoise. Il nous immerge au coeur d'un bidon-ville aux abords de Turin pour nous faire partager le quotidien d'immigrés méridionaux, d'exclus, qui vivent dans la plus grande pauvreté et l'ignorance, un quotidien qui baigne dans les superstitions. C'est dans ce milieu où la religion joue un très grand rôle que la petite Maria et sa mère tentent de survivre, condamnées par les villageois à rester loin d'eux pour la simple et bonne raison que l'enfant souffre d'épilepsie, une maladie qui à leurs yeux est une manifestation du Mal. Sa mère, afin de profiter de la situation, organise des séances de rites exorcistes afin d'abuser de la crédulité des gens et gagner un peu d'argent. Elle provoque donc les crises en posant une prise électrique sur la main mouillée de sa fille afin de faire croire qu'elle est en transe.
Un jour Maria succombe malheureusement à cette torture. Elle est mise en bière mais quelle n'est pas la surprise de sa mère lorsqu'une nuit la petite fille, hystérique, vient frapper à sa porte. Maria était tout simplement tombée en catalepsie. Si beaucoup croient au miracle et sanctifient l'enfant, la surprise est encore plus grande lorsque sa mère découvre que Maria, si elle est toujours vierge, est cependant enceinte! Il n'en faut pas plus que l'enfant devienne une sainte que les villageois vont désormais adorer. Si sa mère voit là un excellent moyen de se faire de l'argent en organisant des séances de divination, la presse devenue les nouveaux mages répand la nouvelle, s'empare de l'affaire et fait de celle qu'on appelle désormais la nouvelle Vierge ses choux gras. Jusqu'au jour où la vérité éclate quant aux odieuses circonstances contre nature dans lesquelles Maria a perdu sa virginité.
Si Malia, vergine e di nome Maria n'est qu'une épineuse revisitation de l'Evangile, le film de Nasca est avant tout une virulente attaque contre l'Eglise catholique, la religion, qui ne se prive pas de répandre parmi le bas peuple ignorance et crédulité tout en maintenant fermement les superstitions les plus dangereuses afin d'en tirer profit. Nasca met en évidence de façon fort corrosive toute l'ambiguïté de cette Eglise qui prêche le bien et entretient le mal. L'ignorance est une véritable plaie pour l'Homme et les institutions, avides, cupides, souvent inhumaines ont de tout temps toujours su en tirer profit, ne reculant devant aucun moyen, aussi vil soit il. Ainsi utilisées, traditions, rites, superstitions, mystifications deviennent alors terriblement dangereuses, particulièrement nuisibles à l'homme. Les classes les plus défavorisées, cibles privilégiées, sont volontairement maintenues dans cette inculture qui débouche le plus souvent vers l'absurde lorsqu'elle ne détruit pas tout simplement les plus faibles dont fait partie Maria, une enfant malade exploitée qui faute à un miracle qui n'en est pas un devient un objet de culte, un être exceptionnel, béni, qu'on rejettera et lapidera lorsque la terrible lumière sera enfin faite. La vierge devient alors putain y compris aux yeux de sa propre mère.
Le film de Nasca est une comédie noire et acide qui égratigne, écorche, ronge les valeurs religieuses. Même si elle est tout empreinte d'un humour féroce, cette analyse drastique est souvent cruelle, ponctuée de scènes choc qui montrent bien la violence dont peut faire preuve une classe sociale plongée dans l'ignorance et bêtise. Souvent pénibles sont les séquences où la mère de Maria provoque ses convulsions et celle où, impitoyables, les villageois lapideront l'enfant alors qu'elle perd son bébé. Quant à la manière dont elle fut mise enceinte, elle est tout aussi sordide si ce n'est morbide, victime d'un bedeau simplet et muet qui sur son supposé lit de mort la viola en faisant bien attention de ne pas briser son hymen. Téméraire, Nasco ira jusqu'à montrer les parties génitales découvertes de la supposée Madonne ainsi préparée à subir les coups de reins maladroits du sacristain sur sa couche funéraire. Sans en avoir la puissance, la séquence pourra rappeler l'aspect fortement nécrophile du final de Il saprofita durant lequel le prêtre fait l'amour à sa conquête aux cotés du cadavre de la grande-mère de cette dernière.
Tout cynique soit il, une des grandes forces du film est avant tout cette atmosphère sous prolétaire, miséreuse qu'a très bien su récréer Nasca dans ce petit ghetto turinois tant par la variété des personnages parfois felliniens que la diversité des dialectes utilisés qui par instant rappelle Affreux sales et méchants de Ettore Scola avec lequel Malia partage quelques jolis points communs même s'il en a ni la férocité ni la noirceur. On saluera l'interprétation d'une éloquente brochette d'acteurs dont Turi Ferro en tête dans la défroque d'un prêtre humain, lucide et perspicace. Andrea Ferréol est une putain qui s'est achetée une conduite tandis que Alvaro Vitali dans un des rares rôles dramatiques de sa carrière est tout bonnement excellent. S'il apporte cette touche d'humour qui lui est propre, sa présence au générique dans la peau du bedeau idiot nous rappelle qu'il travailla jadis pour Fellini. Est ce
donc ici un hasard? On appréciera également beaucoup les prestations de Marino Masé, léonin, et Leopoldo Trieste. Quant à Maria elle est interprétée par l'ex-enfant star du lacrima-movie à l'italienne, l'insupportable Cinzia De Carolis qui a volé à Laura Ingalls son style. Ce sera là le dernier rôle de Cinzia alors âgée de 15 ans avant qu'elle ne se dévergonde, fatiguée d'être considérée comme une éternelle enfant. Après être apparue nue encore mineure dans quelques magazines de charmes italiens, elle se commettra dans Libidine dont les scènes zoophiles qu'elle interprète avec son boa favori resteront dans les annales de l'exploitation.
Insolite et audacieux, absurde voire grotesque à force de forcer le trait Malia, vergine e di nome Maria est une satire cruelle et parfaitement hérétique, une dénonciation des bas agissements d'une Eglise hypocrite et dangereuse qui démontre une fois de plus toute la permissivité du cinéma italien d'alors qui ne se refusait rien et ne reculait devant aucune limite pour provoquer tollés et scandales. Cette vision moderne corrosive et subversive de la Sainte Vierge fait définitivement partie de ce cinéma italien interdit qui nous est si cher.