Il saprofita
Autres titres: Le profiteur / The profiteer
Real: Sergio Nasca
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Valeria Moriconi, Giancarlo Marinangeli, Al Cliver, Leopoldo Trieste, Pia Morra, Cinzia Bruno, Giancarlo Badessi, Janet Agren, Clara Colosimo, Daniele Dublino, Dada Galotti, Carlo Moni, Rina Franchetti, Barbara Herrera, Nerina Montagnani...
Résumé: Atteint d'aphasie, Ercole doit quitter le séminaire. Il est envoyé auprès de la baronne Bezzi afin de s'occuper de Parsifal, son fils de 14 ans, paralysé des jambes depuis la naissance. La baronne, femme odieuse, gère le domaine d'une main de fer, oblige son vieil époux à la claustration et dirige de manière autoritaire sa famille notamment sa fille Brunhilde que la sexualité démange. Encouragé par son fils, elle ne tarde pas à prendre le jeune séminariste pour amant poussant son mari au suicide. L'enfant entretient une relation quasi exclusive, trouble et ambigüe avec Ercole. Lorsque Ercole doit se rendre en France pour suivre un traitement, il décide d'emmener Parsifal afin de le conduire à Lourdes et espérer un miracle. Ils rencontrent dans le train la jeune et pieuse Theresa qui emmène sa grand-mère mourante au sanctuaire de la Vierge. Ercole est séduit mais Parsifal en tombe également amoureux. L'enfant lui fait des avances mais c'est à Ercole qu'elle fait l'amour sur le lit de mort de la grand-mère défunte. Témoin de leurs ébats nécrophiles, Parsifal s'enfuit. Ercole l'assassine alors sournoisement afin de ne pas être compromis...
Premier film du réalisateur scénariste Sergio Nasca, Il saprofita est un film ambitieux qui puise ses racines dans le cinéma de Marco Bellochio pour son anticléricalisme (Au nom du père), Salvatore Samperi pour la morbidité du sujet et son érotisme prurigineux (Grazie zia) et Marco Ferreri pour son humour noir et acide le tout saupoudré d'un zeste de Pasolini. Autant dire que Il saprofita (un saprophyte est le nom donné aux organismes vivants qui se nourrissent de déchets) avait de qui et de quoi tenir. Le résultat est malheureusement en de ça de ce qu'on aurait pu attendre d'une telle mixitude.
Le saprophyte du titre est Ercole, un jeune séminariste devenu muet suite à un traumatisme. Puisqu'il lui sera désormais impossible de devenir prêtre, il est envoyé en tant que garde-malade chez la baronne Bezzi afin de s'occuper de son fils cloué sur une chaise roulante, Parsifal. Femme odieuse, elle gère d'une main de fer son domaine, réduit à la claustration son vieil époux et dirige fermement sa famille notamment sa fille Bruhilde à la puberté aussi précoce qu'inquiète. La baronne ne tarde pas à séduire le jeune séminaire et devient sa maitresse poussant son époux au suicide. Le jeune séminariste organise alors un voyage à Lourdes financé par la baronne qui caresse l'espoir qu'un miracle guérisse son fils de son infirmité. Durant ce pélérinage, il rencontre Theresa, une jeune fille très pieuse qui conduit sa grand-mère agonisante au sanctuaire de la Vierge. Parsifal, très éveillé pour ses 14 ans, séduit Theresa, devançant ainsi Ercole qui cependant parviendra à la lui dérober et lui faire l'amour près du cadavre de la vieille femme, décédée dans son bain face à la Madonne. Témoin de leurs ébats nécrophiles, Parsifal, fou de jalousie, s'enfuit. La véritable personnalité du jeune séminariste se révèle alors.
Il saprofita s'inscrit en droite ligne dans la mouvance de ce cinéma italien contestataire alors très en vogue qui aimait mettre en exergue toutes les tares et les vices de la bourgeoisie. Malheureusement, Nasca, peut être trop ambitieux et surtout trop novice, s'avère vite incapable de porter sur ses épaules un tel scénario qui ne parvient jamais à aller au bout de ses objectifs. Maladroit, trop superficiel, Il saprofita se contente se survoler son sujet en multipliant les invraisemblances et surtout en oubliant l'essentiel, donner au film une âme. Toute l'ironie, le cynisme, l'acidité et surtout et avant tout la morbidité de cette histoire scabreuse, virulente attaque contre l'Eglise et notre société, s'en trouve considérablement amoindrie voire balayée au profit d'un simple film d'exploitation qui se complait parfois dans les scènes de sexe assez sulfureuses. Les symboles sont parfois grossiers et feront plus souvent sourire que réellement grincer des dents. Voilà qui est regrettable car tout se prêtait ici à la magie, à la force incroyable d'un récit particulièrement sombre et sarcastique, plein de haine, de rage, qui mettait en parallèle le fragile équilibre du pouvoir entre la femme et l'homme, l'ancienne et la nouvelle génération, la bourgeoisie décadente et le prolétariat mais aussi la difficile voire impossible union entre la religiosité populaire et le sexe, la chair, la sensualité.
C'est d'autant plus regrettable que les protagonistes principaux étaient tous plus odieux et pervers les uns que les autres. Marqués par le matriarcat les personnages masculins sont tous à leur façon frappés d'une forme d'impuissance: le séminariste est atteint d'aphasie, Parsifal est paralytique, l'époux est suicidaire. Les femmes sont elles détestables: la baronne est une putain bourgeoise égoïste et sans coeur, Brunhilde est une adolescente dévergondée, Theresa une jeune fille sournoise qui sous ses airs angéliques est une véritable débauchée qui se dissimule derrière l'image d'une sainte. Nasca tisse entre eux tous des liens souvent troubles voire pervers. Atteint d'eurasie, il s'oublie dés qu'il ressent une émotion forte, Parsifal, du haut de ses 14 ans, est un adolescent en plein éveil sexuel qui de sa chaise roulante aimerait gérer domaine auprès de sa mère qu'il encourage en
silence à tromper son père avec le séminariste devenu son ami intime lorsque intime signifie parfois plus qu'une simple relation amicale. Sexuellement frustré, l'enfant s'amuse à faire l'amour à une photo grandeur nature de sa voisine qu'il photographie en cachette, se masturbe en épiant les ébats extra-conjugaux de sa mère tout en développant une relation homosexuelle ambigüe avec le séminariste (la scène du bain à trois est des plus malsaine) pour mieux lui voler et s'accaparer Theresa lors du voyage à Lourdes. L'homosexualité comme la pédophilie teintent régulièrement le récit à travers des flashes-back où Ercole se revoit au séminaire entouré de collègues qui la nuit avaient des relations interdites entre eux, encouragés par des prêtres qui tenaient des propos à double-sens.
Le séminariste s'avère quant à lui n'être qu'un parasite saprophyte, haïssable, répugnant, arriviste. Il profite des situations dont il est à l'origine, saute sur toutes les opportunités et joue de son aphasie qu'on pourra penser feinte lors des ultimes minutes, d'une noirceur extrême. Il n'hésitera pas à tuer l'enfant pour éviter qu'il dévoile ce dont il a été témoin et pourrait ainsi briser son ascension. Il recouvre comme par hasard sa voix devant le corps de Parsifal, criant au miracle, prélude à une haute carrière ecclésiastique construite sur le mensonge et le sang. Le religion endoctrine, pousse au machiavélisme, le séminariste est en quelque sorte l'Ange de la Mort, la personnification du pouvoir personnel, Parsifal et sa soeur en sont les équivalents intégrés cette fois à la famille et à la bourgeoisie. Est ce étonnant que Nasca créent entre eux des relations souvent trioliques tant destructrices que masochistes? Parsifal et ses parents, Parsifal-Ercole-sa mère, Parsifal-sa mère-sa soeur, Ercole-Parsifal, sa soeur, Teresa-Ercole-Parsifal
Malheureusement tout ne reste qu'à l'état d'ébauche créant un sentiment non pas d'ennui mais de frustration malgré une peinture sociale d'époque assez juste. On retiendra surtout de Il saprofita quelques scènes particulièrement marquantes qui relève de la pure exploitation: les crises d'incontinence de Parsifal, les ébats de Ercole et de la baronne, la scène du bain à trois où l'adolescent prend plaisir à se faire laver par sa mère et le séminariste, le prêtre qui se masturbe discrètement sous sa chaire en donnant un cours de catéchisme... Mais c'est essentiellement le final qui marquera les esprits tant il est inattendu et effroyablement hérétique, lorsque la pieuse Theresa et Ercole font l'amour sur le cadavre de la grand mère chauve allongée sur son lit de mort, des ébats nécrophiles surprenants qui brisent de manière explosive et blasphématoire
L'interprétation manque elle aussi de force. C'est un tout jeune et encore imberbe Al Cliver qui se glisse dans la peau du séminariste. Totalement inexpressif, il ne donne aucun relief à son personnage jusqu'à le rendre totalement inexistant. Etre atteint d'aphasie ne signifie pas être d'une sidérante transparence d'autant plus lorsqu'on porte en partie sur soi le film. Al Cliver n'a jamais été un grand acteur, il le prouve une fois de plus. Suite à ce rôle, il fut cependant nominé meilleure révélation de l'année 1974 et reçut le Ruban d'argent, l'équivalent des Oscars en Italie. Beaucoup plus convaincants sont Valeria Moriconi et surtout le petit Giancarlo Marinangeli, cruel, déterminé, machiavélique, vicieux, qu'on aura le plaisir de retrouver dans Moeurs cachées de la bourgeoisie, le lacrima-movie L'albero dalle foglie rosa et enfin adulte, nu et toujours plus affriolant dans Cicciolina amore mio avant qu'il n'abandonne le métier pour suivre les traces de son célèbre frère, le chanteur-compositeur-musicien Marco Marinangeli. Quant à Janet Agren , version brunette, aussi sensuelle soit elle, elle n'est guère crédible dans le rôle de cette jeune fille sainte, dévouée à Dieu, qui se laissera aller au péché de chair tendance nécrophile.
En oubliant de donner une véritable âme à son film, d'éluder toute la noirceur de l'histoire, son cynisme, sa virulence, Nasca échoue dans sa tentative. Il saprofita ne restera qu'une énième exemple de ce cinéma sacrilège qui mettait en avant tous les vices et toutes les tares d'une bourgeoisie décadente loin d'être estomaquent si ce n'est au travers de quelques trop rares séquences. Il saprofita mérite cependant l'attention de l'amateur qui le prendra comme un gentil divertissement particulièrement hérétique. Nasca récidivera l'année suivante avec le curieux et tout aussi blasphématoire Malia, vergine e di nome Maria, l'histoire d'une adolescente pré-pubère cataleptique qui se retrouve enceinte alors qu'elle est encore vierge.