Maniaco Deprebis

Très librement inspiré du roman de Alberto Moravia, Delitto al circolo del tennis, coproduction italo-yougoslave fait partie de ces météorites, ces petites oeuvres aujourd'hui quasiment oubliées du cinéma contestataire juvénile italien de la fin des années 60 même s'il tire assez vite vers le thriller érotique. L'aspect contestataire disparait en fait assez rapidement pour laisser place à un curieux mélodrame sur fond de décors pop, arty et de musique psychédélique envoutante, principaux atouts de cet étrange pellicule signée Franco Rossetti à qui on doit quelques petites perles du cinéma érotico-trash dont le plus connu reste le sadien Il mondo porno di due sorelle / Emanuelle et Johanna.

Le point de départ du film est le complot qu'organisent trois jeunes étudiants révolutionnaires en guerre contre le système capitalisme qu'ils veulent détruire en atteignant ses principaux dirigeants. L'un d'eux n'est autre qu'un professeur universitaire, le père de l'une des étudiantes, Benedetta. Elle pousse sa meilleure amie, fille d'un proche de son père, à entretenir une relation amoureuse avec dernier afin de le faire chanter par le biais de clichés compromettants. Malheureusement Benedetta meurt de façon inopinée dans les bras du professeur. Il va alors chercher un peu d'aide et de réconfort auprès d'un de ses élèves, enseignant de tennis à ses heures, sans savoir qu'il fait partie du complot. Une fois encore rien ne va se passer comme prévu jusqu'au final tout bonnement morbide, un brin psychanalytique mais particulièrement superbe, tout empreint d'émotion.

Si l'aspect politique semble être la motivation première des trois étudiants, jeunes révoltés qui souhaitent voir exploser le Système, plus le film avance plus on constate que bien d'autres raisons viennent se greffer à leurs agissements et à la mise en place de leur complot machiavélique dont personne ne sortira indemne. C'est peut être là que le bât blesse car Rossetti ne semble pas voir les épaules assez fortes pour soutenir un tel scénario et très vite il se perd dans son histoire et donne l'impression de ne plus savoir quelle direction prendre. De là nait un certain sentiment d'ennui, d'indifférence puisque le spectateur ne sent jamais réellement concerné comme il ne parvient guère à s'attacher aux différents protagonistes et leurs malheurs. D'une intrigue à la base plutôt ambitieuse Rossetti n'en garde qu'un superficiel.

D'où vient alors l'intérêt de Delitto al circolo del tennis, cette fascination qu'il exerce sur le spectateur? Tout d'abord et avant tout du magnifique travail de Vittorio Storaro sur la photographie, superbe qui met en valeur les très beaux décors pop, colorés de toute la première partie et les somptueux extérieurs boisés, verdoyants de la seconde, très surement tournés entre Pise et Livourne, qui donnent au film ce coté flower power en parfait accord avec son époque . La tout aussi sublime partition musicale très pop psychédélique est un véritable enchantement, captivante, accentuant le coté fortement estampillé fin années 60. Signée Phil Chilton et Peter L. Smith, elle devrait non seulement transcender les amoureux de rock psychédélique parfumé au patchouli mais également faire le bonheur de tous les mélomanes. Elle est un piliers majeurs du film qui sans elle s'écroulerait assez vite.

Une des qualités de Delitto al circolo del tennis est cette atmosphère déliquescente que Rossetti réussit par instant à instaurer notamment lors de l'émouvant final. On ressent parfois, un peu trop rarement malheureusement, la souffrance de ces quatre personnages, leur désespoir et la lente déchéance du professeur, en adéquation avec la lenteur du film, qui s'éteint inexorablement pris au piège de ses bourreaux dont le visage angélique contraste avec la détermination de leurs actes. En ce sens, la conclusion est de toute beauté et particulièrement emplie d'émotion, tout en retenue, entre repentis et pseudo-analyse psychanalytique, un revirement inattendu où la haine et les convictions laissent désormais place à la rédemption, à l'amour. On regrettera alors que non seulement que tout reste une fois de plus un peu trop superficiel mais qu'une telle force émotive n'ait pas été plus présente tout au long du métrage.

On retiendra également quelques très jolies scènes notamment celle où Benedetta fait l'amour au professeur et celle de la vitre qui clôt le film, si prenante et symbolique.
L'interprétation est des plus correcte et fort juste. Chris Avram, investi par son rôle, est souvent touchant. La blonde hongroise Anna Gael et Angela Mc Donald, artiste peintre de métier revue par la suite dans Spermula, sont aussi belles que séduisantes aux cotés du charme ténébreux de Roberto Bisacco qu'on avait déjà pu voir dans Romeo et Juliette de Zefirelli puis Torso avant qu'il n'oriente définitivement sa carrière vers la télévision. à l'instar de sa partenaire Anna Gael.

Malgré ses défauts, son coté maladroit et trop superficiel, Delitto al circolo del tennis, trop méconnu du grand public, mérite l'attention du spectateur ne serait ce que pour sa beauté esthétique et sa bande-son mais aussi pour la rareté du film aujourd'hui devenu quasiment invisible si ce n'est à travers une antique vidéo italienne. Delitto al circolo del tennis, véritable petite curiosité pour amateurs de films rares, possède un charme certain et s'apparente à des oeuvres aussi étranges que par exemple Madeleine anatomia di un incubo, une référence et non des moindres.