La moglie giovane
Autres titres: La mort lente / Death will have your eyes
Real: GIovanni D'Eramo
Année: 1975
Origine: Italie / Espagne
Genre: Thriller
Durée: 86mn
Acteurs: Marisa Mell, Helga Liné, Francisco Rabal, Farley Granger, Riccardo Salvino, Mircha Carven, Luciano Pigozzi, Degratias Huerta, Roman Ariznavarreta...
Résumé: Luisa, une jeune provinciale, vient d'arriver à Rome. Seule, elle rencontre assez vite Yvonne, une standardiste, qui devient son amie. Elle introduit Luisa dans le grand monde où elle fait la connaissance du professeur Armando qu'elle épousera. Impuissant, Armando utilise surtout Luisa comme simple faire-valoir. Frustrée, plongée dans une vie faite d'ennui, Luisa prend un amant, Stefano, en sachant très bien que Armando ne la laissera jamais partir. Une nuit, un homme fait irruption chez elle alors qu'elle est seule. Il l'accuse d'avoir tuer son mari. Il va alors exercer sur elle un odieux chantage tant financier que sexuel. Leur affrontement est alors interrompu par l'arrivée surprise de Stefano...
Seule et unique réalisation du scénariste vétéran Giovanni D'Eramo, La moglie giovane malgré un titre qui laisse présager une sexy comédie dans la grande tradition du genre est en réalité un petit thriller noir aujourd'hui oublié mais qui mérite cependant l'attention de l'amateur. D'Eramo illustre une fois de plus avec ce petit film l'éternelle difficulté des rapports entre hommes et femmes sexuellement parlant dans ce milieu hypocrite et dépravé qu'est la haute bourgeoisie. L'intrigue tourne autour du personnage de Luisa, une jeune provinciale qui fraichement débarquée à Rome se retrouve seule, quelque peu désemparée dans la
capitale. Elle fait la connaissance de Yvonne qui devient vite son amie et confidente. Yvonne lui trouve également un emploi à l'hôtel où elle travaille. C'est alors que Luisa fait la connaissance du professeur Armando, un passionné de poèmes lugubres dont elle s'éprend. Malgré son impuissance, Luisa l'épouse, consciente qu'elle n'est pour lui qu'une jolie devanture. Frustrée, Luisa prend un amant, Stefano, un ami de son mari, qu'elle voit en secret. S'il sait pertinemment que son épouse est malheureuse, s'il accepte qu'elle soit de temps à autres une prostituée de luxe, Armando ne lui permettrait cependant jamais de le quitter. Coincée, Luisa ne supporte plus cette situation. Une nuit, un homme pénètre dans sa
résidence. Il aurait vu Luisa jeter un corps à la mer depuis une falaise puis repartir dans sa Rolls. Il commence à faire chanter la jeune femme en lui réclamant de l'argent en échange de son silence. Un huis-clos oppressant débute alors, une longue nuit durant laquelle la vie de Luisa va définitivement sombrer.
La moglie giovane est avant tout construit en un long flash-back. L'ouverture du film nous fait en effet observer une silhouette entrain de se débarrasser d'un corps. On fait alors la connaissance de Luisa, en pleurs, appelant sa meilleure amie, une sorte d'appel au secours déguisé durant lequel la jeune femme lui fait à demi mots ses adieux. Une fois le combiné
raccroché, elle ouvre le gaz et lentement, perd conscience. A partir de là, le film va nous faire vivre les évènements qui ont conduit Luisa au suicide. Si La moglie giovane débute comme un roman-photo bien peu passionnant, le film de Giovanni D'Eramo prend tout son intérêt dés l'entrée en scène du maitre-chanteur, témoin du meurtre qu'a commis Luisa en se débarrassant de son mari. C'est à un long huis-clos auquel on assiste alors, un affrontement entre cette femme désespérée, désillusionnée et cet homme, issu lui aussi de la classe moyenne tout autant en quête de bonheur et de réussite, interrompu par l'arrivée impromptue de l'amant de Luisa. Malgré une mise en scène discrète, La moglie giovane, de facture très
classique, fonctionne néanmoins parfaitement bien grâce notamment à un suspens joliment entretenu et une description plutôt pointue des personnages et de leur personnalité à l'image même de la narration du drame qui conduira Luisa à assassiner son mari. Sans être très originale ni trop complexe, l'intrigue demeure crédible d'un bout à l'autre du métrage, à la fois touchante et terrible, comme l'est cette femme poussée à bout par une vie stérile.
Luisa représente ces femmes issues de la classe moyenne qui en entrant dans les hautes sphères de la société pensent avoir enfin trouvé le bonheur à travers l'argent et la position sociale d'un mari très en vue. Le désenchantement est fort lorsqu'elles découvrent que tout
n'est qu'est apparence et dépravation. Luisa est le reflet de ces femmes, celui de la profonde désillusion, les trois hommes qui vont interférer dans sa vie ne sont jamais que celui de la société. Armando représente le pouvoir, l'attrait de l'argent, la débauche, un homme pour qui les femmes ne sont qu'un faire-valoir, un moyen d'étaler sa normalité. Stefano derrière l'illusion de l'amant parfait n'est jamais qu'un petit bourgeois intéressé tandis que le maitre-chanteur se rapproche de Luisa, un pauvre homme, un profiteur qui cherche par tous les moyens à se faire une place dans la société. Le long discours qu'ils auront au cours de cette nuit sur les souffrances infligées par l'existence qui un jour semble enfin vous tendre les
bras pour mieux vous faire encore et encore souffrir, vous menant à commettre l'irréparable, a quelque chose de touchant, d'émouvant grâce à la justesse de dialogues concis.
La moglie giovane doit également beaucoup à l'interprétation de ses personnages principaux, Marisa Mell en tête. Sans artifice particulier, sans être cette fois d'une ravageuse beauté, Marisa gagne en intensité dans son jeu, à la fois émouvante, touchante et juste, une femme détruite par la vie et les hommes face à Francisco Rabal, excellent, cruel et déterminé mais tout aussi pitoyable. On soulignera la présence de Riccardo Salvino, l'amant, qui donne à l'ensemble une note de gaieté très roman-photo, dont on appréciera aussi un furtif
plan de nu lors d'une scène d'amour avec Marisa. A leurs cotés, on retrouve Farley Granger, plus discret, un brin inquiétant, ainsi que l'Espagnole Helga Liné, la meilleure amie, un peu ridicule cette fois. On reconnaitra dans un rôle de support le vétéran Luciano Pigozzi, le majordome et le bellâtre Mircha Carven, l'inspecteur.
Souligné par une musique Stelvio Cipriani qu'on a connu plus créatif, La mogle giovane, sorti dans les salles françaises sous le titre La mort lente, est un sympathique petit thriller noir méconnu que l'amateur prendra certainement grand plaisir à découvrir pour le peu qu'il cherche bien entendu autre chose que des effusions de sang et un suspens à couper au couteau. Sa rareté aujourd'hui en fait également une jolie pièce de collection pour tout chercheur de Saint-Graal italien estampillé années 70.