Un dramma borghese
Autres titres: Mimi / Mimmi
Réal: Florestano Vancini
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Franco Nero, Lara Wendel, Dalila Di Lazzaro, Carlo Bagno, Felicita Montrone, Silvio Pascorelli...
Résumé: Mimi a 15 ans. Elle vient tout juste de rentrer du collège où elle faisait ses études pour s'occuper de son père Guido qui souffre de rhumatismes paralysants. Tout deux passent leurs journées dans la chambre d'hôtel qu'ils partagent. Ce rapprochement renforce les sentiments amoureux que Mimi éprouve vis à vis de son père. De jour en jour elle devient de plus en plus exclusive. Lorsque son amie Thérèse de huit ans son ainée, une jeune femme séduisante et très libérée, les rejoint tout bascule pour Mimi...
Venu du court métrage, l'ex-assistant de Valerio Zurlini Florestano Vancini réalise son premier film en 1960, l'excellent La lunga notte del '43 scénarisé par Pier Paolo Pasolini. Suite à ce film sujet à de nombreuses polémiques Vancini va se spécialiser dans un cinéma soit enraciné dans le drame historique tendance politique soit inspiré par la littérature et l'intimisme romanesque. Cela ne l'empêche cependant pas de se tourner un temps vers le western (l'excellent Les longs jours de la vengeance) pour très vite revenir vers ses thèmes de prédilection. En 1979 il met en scène un de ses derniers films pour le
grand écran, Un dramma borghese, avant de s'orienter vers la télévision pour laquelle il réalisera plusieurs séries télévisées.
Maria, (Mimina ou Mimi pour les intimes), a 15 ans. Elle vient tout juste de quitter son école de Genève pour prendre soin de son père Guido, un banquier aux ambitions littéraires, qui souffre de rhumatismes paralysants. L'adolescente est elle aussi malade mais ce dont elle dit souffrir est plus psychosomatique que réellement pathologique. Tout deux séjournent au Bechten hotel et passent leur temps enfermés dans la chambre qu'ils partagent. La mère de Mimina est morte lorsqu'elle avait six ans et l'adolescente semble l'avoir aujourd'hui
totalement oubliée. Elle a rejeté tout son amour sur son père qu'elle aime d'un amour quasi incestueux. Cet amour ne cesse de croitre au fil des jours et devient presque une obsession qui la fait beaucoup souffrir, son père ne lui donnant pas ce qu'elle attend. Si elle le voit comme l'amour de sa vie, le désire, lui l'aime simplement comme sa fille et tente de lui faire comprendre sans y arriver. Lorsque Thérèse, son amie de pensionnant de huit ans son ainée, arrive à l'hôtel pour lui rendre visite, elle voit vite en elle une rivale d'autant plus que Guido n'est pas insensible aux charmes de la jeune femme avec qui il entame une romance. La santé de Mimina se dégrade. Malgré ses tentatives de séduire son père ce
dernier résiste. L'adolescente ne supportant pas l'idée que son père puisse en aimer une autre elle commet l'irréparable...
Adapté du roman posthume de Guido Morselli Un dramma borghese fait partie de ces oeuvres qui autrefois firent scandale en Italie en prenant pour thème un sujet souvent traité dans le cinéma italien des années 70, l'inceste, les relations incestueuses ou quasi incestueuses. Un seul et unique décor ou presque si on excepte quelques extérieurs, une chambre d'hôtel qu'occupe un père, un journaliste qui a des ambitions et sa fille de 15 ans (elle en a 18 dans le roman) en plein éveil sexuel qui lui est dévouée corps et âme depuis
qu'il souffre de rhumatismes paralysants. De quoi exacerber les sentiments et le désir qu'elle éprouve un peu plus chaque jour pour cet homme dont elle est amoureuse. Un dramma borghese est donc une sorte de huis-clos où l'on suit la lente descente aux enfers d'une adolescente fragile émotionnellement perdue en proie à des désirs interdits pour un père incapable de gérer une situation qu'il pense passagère ou interprète comme un caprice d'adolescente dont la sexualité naissante la perturberait. Une grande partie du film se concentre sur ce rapport père-fille très particulier et met surtout Mimina en avant (en valeur?). Entre innocence et perversité, l'adolescente ne cesse de se pavaner devant son
père, le plus souvent légèrement vêtue, en nuisette quasi transparente ou à demi nue, de trouver des excuses pour dormir dans son lit à ses cotés ou de lui dire je t'aime en l'enlaçant et l'embrassant, de le mettre dans des situations embarrassantes. Vancini ose même quelques moments plus scabreux notamment lorsqu'au début du film Mimina, sans gêne, prend sa température anale devant son père ou lorsque, à demi endormie, elle se masturbe à coté de lui tout en poussant de légers soupirs, un instant d'autant plus troublant que le père enregistre la scène sur un magnétophone pour s'en servir plus tard dans le roman qu'il prépare. C'est là que peut-être le bât blesse. Plus démonstratif qu'explicatif le film manque
sincèrement de psychologie. On a bien du mal à comprendre cet homme qui ne semble jamais se poser de questions sur les agissements plus qu'inhabituels de sa fille, ne tente quasiment jamais de comprendre pourquoi elle agit ainsi, Il donne l'impression tout simplement de ne rien voir. Volontairement pour éviter d'affronter une réalité qui le dépasserait, involontairement car il est franchement stupide. Outre l'absence d'un véritable contexte psychologique cette incertitude dans son attitude empêche sincèrement d'adhérer à ce sulfureux récit, de la prendre tragiquement au sérieux. Il n'est pas très difficile de deviner comment cette histoire d'inceste se terminera surtout lorsque débarque la meilleure
amie de Mimina avec laquelle l'homme va entamer une relation amoureuse plus par dépit que par amour. Il pense qu'en agissant ainsi sa fille se raisonnera, changera de comportement envers lui et le verra enfin comme un père et non comme un amant, que cet amour incestueux redevienne un amour paternel. L'adolescente voit surtout son père lui échapper au profit d'une femme très séduisante, sexuellement très libérée. Ses absences de plus en plus fréquentes la font sombrer tout naturellement dans une lente dépression, une névrose qui se transforme vite en folie, accentuée par le fait qu'elle sait qu'ils couchent ensemble. Si au début du film la maladie de Mimi était surtout psychosomatique, un moyen
plus ou moins inconscient pour rester avec son père, elle se révèle finalement totalement perturbée, instable, dangereusement dépressive, une profonde névrose dont la seule issue pour l'adolescente sera le suicide. Si le roman laissait planer l'ombre d'un doute sur l'issue du geste fatal de la gamine le film est quant à lui bien plus catégorique.
En fait tout l'intérêt du film de Vancini repose sur son interprétation et surtout sur la présence de la jeune Lara Wendel qui trois ans plus tôt, à tout juste 12 ans, faisait partie du sulfureux trio du tout aussi sulfureux La maladolescenza. L'ex-lolita du cinéma italien tient de nouveau toutes ses promesses et déambule le plus souvent simplement habillée d'une nuisette
transparente, en petite culotte ou jarretelles, au mieux en robe de chambre négligemment entrouverte, troublante et aguicheuse, à la fois innocente et perverse. Elle ose même quelques scènes seins nus, offrant son corps nubile à la caméra de Vancini qui sait mettre la gamine en valeur. On ne lui en demande pas plus. En outre elle s'avère plutôt bonne actrice et tient sur ses épaules d'adolescente une bonne partie du film. Le fait qu'elle soit doublée par Emanuela Rossi apporte un plus non négligeable à sa récitation. Dalila Di Lazzaro (Thérèse) est le second atout féminin du film, toujours aussi belle mais elle n'a aucune scène de nu cette fois. A leurs cotés on retrouve Franco Nero qu'on aurait aimé plus
convaincant. Certes il est toujours aussi bon acteur mais il ne semble tout simplement pas à sa place dans ce rôle de père dépassé.
Sélectionné au festival de Venise et de Montréal en 1979 Un dramma borghese, bercé par une très jolie partition musicale de Riz Ortolani, aurait pu être une histoire particulièrement audacieuse se déroulant dans un climat aussi morbide que maladif mais Vancini n'a pas vraiment réussi à retranscrire toute la morbidité du récit ni à créer une réelle atmosphère trouble, claustrophobe. L'émotion, trop peu présente, empêche simplement d'être touché par cette tragédie incestueuse. Reste un intéressant drame bourgeois (un de plus) sans réelle surprise, très correctement filmé et photographié, qui dérangera les plus vertueux mais plaira aux amateurs d'érotisme malsain et de teensploitation.