La battaglia dei Mods
Autres titres: Les dieux sauvages / The battle of the Mods / Siebzehn Jahr, blondes Haar
Réal: Franco Montemurro
Année: 1966
Origine: Italie / Allemagne
Genre: Musical / Drame
Durée: 91mn
Acteurs: Ricky Shayne, Joachim Fuchsberger, Eleonora Brown, Elga Andersen, Rudolf Lenz, Solvi Stubing, Hans Elwenspoek, Jürgen Draeger, Udo Jürgens, Orchidea De Santis, Enzo Cerusico, Loris Bazzocchi, Cristina Gaioni, Donovan, Omero Capanna, Francesca Romana Coluzzi, Giovanna Lenzi...
Résumé: Ricky, un jeune Mod, se produit dans un bar de Liverpool lorsqu'une bande de rockers, les ennemis jurés des Mods, déboule et fait un carnage. Durant la rixe la petite amie de Ricky est tuée. Le jeune chanteur fuit Liverpool pour se rendre à Rome chez son père afin d'éviter les ennuis. Les retrouvailles entre le père et son fils sont assez tendues. Ricky chante dans les clubs de Rome et enchaine les conquêtes. ma maitresse de son père tente elle aussi de le séduire...
Dans les années 50 et 60 la comédie musicale (il musicarello) connut en Italie un franc succès. Virent ainsi le jour de nombreuses historiettes d'amour sur fond de mélodies mielleuses qui firent rêver et chanter la péninsule. Bien plus rares furent les comédies rock'n'roll. En ce sens La battaglia dei Mods fait plus ou moins figure d'exception d'autant plus exceptionnel qu'il met en scène la rivalité entre mods et rockers dans le Liverpool de cette fin d'années 60. Serait-ce le Quadrophenia à l'italienne quelques années avant le
célèbre film de Franc Roddam? Tout le laisserait supposer mais La battaglia dei mods est en fait bien plus curieux.
1966 - Liverpool. Ricky Fuller est un mod. Il joue de la guitare et chante dans les clubs de la ville. Les ennemis jurés des Mods, les rockers, ont juré d'avoir sa peau. Alors qu'il se produit dans un bar les rockers envahissent les lieux. Une rixe éclate durant laquelle Mary la petite amie de Ricky est tuée. Ricky fuit, se réfugie chez un ami à qui il demande de l'argent pour fuir l'Angleterre. Il veut aller retrouver son père à Rome, un riche homme d'affaires à la tête
d'une importante firme. Il s'arrête d'abord à Paris, passe la nuit dans une communauté beatnick puis part pour Gènes avant de finir son voyage à Rome. Les retrouvailles avec son père sont assez froides. Il ne comprend pas les choix de vie de son fils. Ricky chante, fait la connaissance du sympathique Kakao et d'une bande de jeunes marginaux, se fait draguer par Sonia, la très séduisante maitresse de son père et tombe finalement amoureux de sa soeur Martine qui le quitte après avoir surpris Sonia entrain de l'aguicher. Décidé à la récupérer Ricky se produit au Piper club où la jeune fille va régulièrement danser avec ses
amis. Accompagnée d'un bellâtre elle l'ignore mais Ricky finit par la récupérer au moment où elle allait par dépit commettre l'irréparable: faire un strip-tease devant ses amis lors de l'after party. Les deux tourtereaux vont enfin pouvoir s'aimer.
La battaglia dei Mods discrètement sorti en salles chez nous durant l'hiver 1967 sous le titre Les dieux sauvages est une véritable curiosité pour bon nombre de raisons. Le film débute de manière surprenante, une rixe entre Mods et rockers dans un bar plongé dans une brume épaisse d'où surgit à moto une bande de rockers, tels des zombis armés de chaines et de barres de fer. Une ambiance étonnamment british qui l'espace d'une dizaine de
minutes ferait presque oublier qu'il s'agit d'un film italien. Mods et rockers s'affrontent violemment, cassent tout et n'hésitent à fracasser également les jeunes filles. La petite amie de Ricky est poignardée et meurt dans ses bras. Très bien orchestrée et mise en scène cette ouverture brutale étonne et laisse présager du meilleur. Pourtant le changement de ton est radical dés que Ricky fuit Liverpool pour se rendre en Italie. Certes on avait remarqué quelques bizarreries et anachronismes. Les Mods ressemblent à des beatnicks qui chantent du rock et dansent le jerk, les rockers ont quant à eux le look des greasers des années 50. Montemurro s'est semble t-il un peu mélangé les pinceaux mais cela ne le
dérange guère. Nous non plus à vrai dire. Cela fait surtout sourire à l'image du périple de Ricky qui pour aller à Rome en partance de l'Angleterre passe par Paris puis Gènes pour enfin finir dans la ville éternelle. Quel étrange détour inexpliqué. Peu importe cet itinéraire surprenant du moment qu'on ne s'ennuie pas. A Paris Ricky traine le temps d'une nuit au sein d'une communauté de beatnicks, le temps de nous faire admirer les quais de Seine version 1966 et nous faire danser avec ces joyeux marginaux à cheveux longs. Idem à Gènes où Montemurro nous invite à faire le tour des tavernes enfumées et des docks où à chaque coin se tapit le danger. Ricky se fera voler son argent par des voyous des bas fonds.
On arrive enfin à Rome (en stop) où Ricky retrouve son père. La battaglia dei Mods n'a strictement plus rien à voir avec l'affrontement Mods / rockers. Oubliée depuis longtemps l'ouverture violente. On retrouve dés le périple de Ricky le ton léger des comédies musicales.
Le film va alors voir se succéder une série d'historiettes d'amour sur fond de contestation juvénile. Le père de Ricky a une séduisante maitresse qui rêve de mettre son fils dans son lit, Ricky change de petite amie comme il change de slip (normal après chaque nouvelle conquête) car toutes les filles sont folles de lui, il repousse la maitresse de son père et tombe finalement amoureux de sa jeune soeur, la douce Martine. De Quadrophenia mâtiné
de Grease on est passé à un beau voyage touristique pour finir sur Love story version psychédélique, le tout rythmé par les chansons de Ricky qui composent l'intégralité de la bande originale. Le final est intéressant puisque tourné en grande partie au célèbre Piper Club, la légendaire discothèque romaine, symbole de la musique beatnick et yéyé. Ce fut un des rares films qui obtint l'autorisation de filmer à l'intérieur du club ce qui fait aujourd'hui de ce long passage où la jeunesse branchée danse des jerks endiablés un moment culte du cinéma italien. Il se terminera par une after-party dans le salon d'un ami de Martine où la
jeune fille et une de ses copines font un strip-tease devant un parterre de jeunes en plein trip.
Malgré ces anachronismes rigolos, malgré le mélange des genres, malgré la simplicité de l'intrigue La battaglia dei Mods est une petite pellicule franchement séduisante, fort sympathique et divertissante qui se laisse visionner avec un plaisir certain d'autant plus si on est un amoureux invétéré de la fin des années 60 avec ses looks multicolores, son psychédélisme naissant, ses cheveux longs, coupe au bol façon Beatles, choucroutes et perruques, sa rébellion et sa marginalité, son visuel délirant (cette bouche géante devant
laquelle se trémoussent les jeunes au Piper). Autre atout et non des moindres, la bande son intégralement composée par Ricky Shayne est excellente et donne envie de bouger. L'interprétation est à la hauteur et réserve quelques surprises comme la présence du chanteur Donovan, d'une toute jeune Orchidea De Santis, version brune et coupe garçonne, les tout aussi jeunes Solvi Stubing et Cristina Gaioni, de la beauté radieuse de Elga Andersen et de brune Eleonora Brown qui entame un langoureux strip-tease interrompu par Ricky au moment où elle allait enlever son soutien-gorge. Petit con!
Et il y a donc Ricky Shayne, l'idole des 60s et 70s d'origine libano-égyptienne à la beauté
stupéfiante qui hypnotisa toute une génération de jeunes filles qui rêvaient de perdre leur honneur dans ses bras et de garçons qui auraient tout donné pour lui ressembler. Si Ricky n'a jamais vraiment percé en France il fut une star en Italie et en Allemagne où durant des années il enchaina les tubes. En petites bottines, jeans moulant, chemise ouverte au nombril sur un torse velu, les cheveux longs, les yeux émeraude et la mine boudeuse, Ricky irradie l'écran dans le film de Montemurro. On a d'yeux que pour lui d'autant plus qu'il s'avère plutôt bon acteur même s'il ne fait que jouer son propre rôle. L'année précédente on avait pu le voir dans les musicarelli Altissima pressione puis Una ragazzo tutto d'oro, de
simples petites apparitions, avant d'être au générique de quelques séries télévisées toujours et encore dans son propre rôle. La battaglia dei mods restera le seul film dans lequel il tient le rôle principal.
Si aujourd'hui on se souvient surtout de Franco Montemurro pour ses films de capes et d'épée avec ses deux versions de Zorro, Zorro au service de la reine et Zorro marquis de Navarre, ses Dieux sauvages sont tout à fait honorables. Voilà un musicarello d'excellente facture, un joli exemple du genre qui rarement traita du mouvement rock. Cela le rend d'autant plus intéressant qu'il dépeint assez bien une certaine jeunesse d'alors malgré quelques anachronismes. Quant aux fans de Ricky ils seront aux anges.
Montemurro reviendra à la réalisation trois ans plus tard en 1969 pour un ultime film, un polar au titre fort trompeur, Un corps chaud pour l'enfer.