Un ragazzo come tanti
Autres titres: A boy like many others
Réal: Gianni Minello
Année: 1983
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 94mn
Acteurs: Stefano Maria Mioni, Antonio Graziani, Stefania Lupi, Giorgio Mascia, Edy Biagetti, Pier Giovanni Anchisi, Walter Toschi, Massimo Popolizio, Giorgio Pau, Marcantonio Graffeo, Piergionani Anchisi, Rita Pensa ...
Résumé: Pino, un garçon d'une vingtaine d'années, quitte son village natal. Il débarque seul à Rome. Il doit se débrouiller pour survivre. Son quotidien est fait de diverses rencontres qui toutes vont petit à petit le tirer vers le bas. Une lente descente aux enfers commence pour lui. Larcins, prostitution, drogue... jusqu'au jour où il fait la connaissance d'un étudiant homosexuel qui va lui redonner espoir et lui faire prendre conscience de qui il est...
Ami proche de Giuseppe Ferrara, professeur d'histoire du cinéma, de récitation et de mise en scène, directeur de casting très investi dans le domaine culturel et social le vénitien Gianni Minello n'a réalisé que quatre films en 23 ans de carrière qui se voulaient le reflet de la jeunesse italienne de l'Italie des années 70 puis 80, sa misère, sa souffrance, sa solitude dans un pays rongé par la pauvreté. Drogue, prostitution, petite délinquance, homosexualité, prison pour adolescents tel était le cadre de ses films proche d'un certain cinéma réalité. Réalisé en 1976 son premier film, Nel cerchio, d'une tristesse et d'un pessimisme assez
étonnant, suit un jeune sarde de 17 ans venu à Venise pour y trouver du travail. Suite à un vol il est condamné à passer plusieurs mois dans une prison pour jeunes délinquants. Il y découvre la violence, la corruption et l'homosexualité. Sept ans après ce coup d'essai Un ragazzo come tanti (Un garçon comme tant d'autres) est sa seconde mise en scène.
Pino, un jeune homme d'une vingtaine d'années, quitte son village méridional pour tenter sa chance à Rome. Seul, sans argent, sans ami, sans bagage culturel Pino doit se débrouiller dans cette immense métropole qui lui est inconnue. Dés son arrivée il fait la connaissance d'un jeune immigré napolitain, Gennaro, avec qui il se lie d'amitié. Gennaro vit comme il
peut, dort dans un wagon désaffecté, vit au jour le jour. Pino trouve un petit emploi comme plongeur mais mal payé il s'en va. Pour survivre il se prostitue, un choix que lui a suggéré Gennaro. Il rencontre un artiste peintre d'un certain âge qui le prend sous son aile. L'homme devient son mécène. Cette nouvelle vie lui évite de trainer avec les petits voyous qui ont fait du quartier de la gare leur territoire mais Pino réalise vite que dans cet univers artistique il n'est qu'un objet de plaisir, une petite gouape. Il décide de quitter l'artiste en découvrant qu'il entretient également un jeune et séduisant bourgeois. Il rencontre alors une femme d'une quarantaine d'années, désillusionnée, alcoolique, séduite par la jeunesse de Pino. Leur
solitude les rapproche mais un soir alors que Pino tente de lui faire l'amour elle le repousse et fuit. De nouveau seul Pino fait une nouvelle rencontre, une jeune fille nommée Anna. Elle devient un temps sa petite amie mais il découvre qu'elle entretient une relation quasi incestueuse avec sa mère. Dégouté il quitte son appartement et se met à trainer avec les amis de la jeune fille, une bande de drogués avec qui il fait son premier shoot. Cette expérience le rend malade. Il préfère une fois encore fuir. Il se fait aborder par Claudio un jeune photographe, un étudiant gay qui lui propose de l'héberger. Pino accepte. Si au début il ne le voit que comme quelqu'un qui souhaite profiter de lui petit à petit Pino devient plus
docile et accepte son amitié. Claudio ne lui demande rien en retour. Il se contente de partager avec lui ses passions, il lui enseigne sa philosophie de vie, le transforme. Il prend lentement conscience de qui il est, prend confiance en lui. Il tombe doucement amoureux de Claudio qui lui avoue son amour et lui demande de rester avec lui. Troublé Pino réfléchit mais il décide de s'en aller. Il préfère fuir une fois de plus.
Filmé de façon presque amateur Nel cerchio, dans le cadre d'un certain cinéma réalité suivait le difficile parcours d'un jeune immigré venu du Sud pour tenter sa chance à Venise. C'est l'univers carcéral, la violence et la solitude qu'il rencontrera. Realisé durant l'hiver 1982
Un ragazzo come tanti reprend le même schéma mais avec un peu plus de moyens cette fois. Tourné en 16mm en son direct avec l'aide du directeur de la photographie Silvio Fraschetti (Cent jours à Palerme) le second film de Minello s'intéresse à l'itinéraire d'un jeune garçon guère plus âgé que le héros de Nel cerchio, de son arrivée à Rome après qu'il ait quitté son village natal et une mère avec qui il est plus ou moins en froid à sa rapide descente aux enfers, la prostitution, la drogue, les menus larcins, jusqu'à sa lente résurrection suite à sa rencontre avec un jeune photographe homosexuel. Loin des images cartes postales, comme il l'avait fait pour Venise dans sa première mise en scène, Minello
donne une vision assez sombre d'une Rome hivernale dont il nous fait découvrir la face cachée, celle des immigrés sans domicile fixe, de la pauvreté, de la misère, du quotidien d'une jeunesse marginale pour qui chaque jour est une lutte pour survivre. C'est la Rome des petits boulots mal payés, de la vente et consommation de drogue, de la prostitution, la Rome des désillusions et de la solitude.
La solitude est un des thèmes de prédilection du cinéaste. Elle était omniprésente dans Nel cerchio jusqu'à devenir oppressante. Pino souffre de la même solitude. Seul dans l'immensité de la capitale, seul au milieu de la foule, seul face à son destin, seul face à ses choix et lorsqu'on lui tend la main c'est pour se retrouver de nouveau seul.
Un ragazzo come tanti c'est avant tout l'histoire de rencontres, d'opportunités, de choix plus souvent mauvais que bons qui obligent Pino à toujours fuir, à constamment se retrouver au point de départ. A peine débarqué de la gare Pino fait la connaissance d'un immigré napolitain, un sans abri avec qui il se lie d'amitié. Dans un premier temps il va l'aider mais finira par l'entrainer dans de mauvais coups. C'est ensuite la rencontre avec un vieil écrivain gay qui le prend sous son aile mais dont il devient le giton. C'est la découverte de la prostitution masculine, celle de n'être qu'un objet de désir pour des gens fortunés. Lorsqu'il
s'accroche à une alcoolique désabusée c'est pour finalement se voir repoussé et lorsqu'il tombe enfin amoureux c'est pour découvrir le monde des junkies. A travers ces rencontres hasardeuses Minello veut surtout nous confronter à la diversité de la ville Eternelle, il nous immerge au coeur même de tout ce qu'elle renferme aussi scabreux, sordide, que cela puisse être.
Là où Un ragazzo come tanti devient intéressant c'est qu'il s'agit d'un des rares film gay italien, l'homosexualité masculine, sujet encore tabou, n'ayant pratiquement jamais été traitée à l'écran du moins dans les années 70 et 80 sauf à de très rares exceptions. Minello
avait traité le sujet vu sous l'angle carcéral dans Nel cerchio. Cette fois il traite de diverses facettes de l'homosexualité: la prostitution génératrice de dégout mais source de revenus, les michetons ou ceux qui vivent aux crochets de vieux mécènes dans les milieux bourgeois et l'homosexualité synonyme d'amour, tendre et sincère. Peu importe l'orientation sexuelle de son jeune protagoniste, Minello ne s'y attache jamais. L'essentiel est qu'il trouve enfin la paix, se stabilise. Et c'est un étudiant gay qui va lui apporter ce dont il avait besoin, dompter le petit chat rendu sauvage par la vie, lui redonner espoir, lui donner l'amour, sans rien demander en retour. En ce sens Un ragazzo come tanti est un film osé. Malgré cet amour
Pino va une fois de plus vouloir fuir. Par besoin dira t-il à son amant. Continuer sa route. Mais partira t-il? Le film n'apporte aucune réponse: Minello préfère une fin ouverte, peut-être frustrante, laissant le choix au spectateur.
Si la mise en scène est plus professionnelle, plus travaillée, moins amateur Un ragazzo come tanti se veut cependant tout comme son prédécesseur un film réalité, un documentaire sur la jeunesse italienne dans la grisaille de ce début d'années 80 à travers les errances et les choix de Pino. C'est une page de vie attachante, par moment émouvante. Lent dans sa construction le film laisse le temps au spectateur d'apprendre à connaitre
Pino, de l'apprécier. Malgré les sujets abordés Minello reste néanmoins discret. Il n'y a ni voyeurisme, ni sensationnalisme. Le film reste très pudique y compris dans ses scènes de sexe homosexuel même si Minello nous offre un plan inattendu tellement exaltant sur les parties intimes de son jeune héros, non pas gratuit mais plus contemplatif, lorsque le vieil artiste admire le corps nu de son nouvel objet de désir.
Comme dans Nel cerchio on retrouve ici le coté amateur de l'interprétation même si cette fois le cinéaste a mélangé acteurs professionnels et acteurs non professionnels, un choix qui apporte à l'ensemble une sincérité certaine. On saluera la jolie prestation du jeune et fort
séduisant Stefano Maria Mioni. Repéré par Minello c'était là son tout premier rôle à l'écran. Très à l'aise dans le difficile rôle de Pino il lui apporte son naturel, sa spontanéité et sa beauté de petit ange des rues paumé. Qui pourrait résister à son charme? Par la suite Stefano continuera sa carrière essentiellement à la télévision se contentant de jouer les figurants au cinéma mais c'est dans le domaine des cascades qu'il se fera surtout un nom.
Malgré ses défauts Un ragazzo come tanti est un film touchant dont on ne peut nier le coté authentique. Tout comme pour Nel cerchio son auteur ne cherche pas à analyser il se contente de montrer, de témoigner. Voilà une oeuvre sincère, explicite mais jamais
excessive. L'histoire d'un garçon comme tant d'autres qui quarante ans plus tard semble toujours être d'actualité. Minello reviendra à la réalisation l'année suivante avec I ragazzi della periferia sud, un exercice cette fois plus mitigé, plus exploitatif, et surtout moins convaincant dû à un coté un peu trop télévisuel.
Tout comme son premier film Un ragazzo come tanti fait partie de ces pellicules aujourd'hui perdues, quasiment invisibles. Le seul moyen de la visionner est de réussir à se procurer la vieille et rarissime vidéo CVR dont on déploiera malheureusement la qualité notamment lors des scènes de nuit. Voilà qui fait de ce trèfle à quatre feuilles un véritable Graal pour collectionneurs endurcis.