Bernard Seray: le roi des voyous
Les amateurs de cinéma espagnol des années 70 et 80 ont très certainement été sensibles aux charmes de ce bel éphèbe blond qui fut une des figures incontournables du cinéma quinqui aux cotés notamment de Angel Hernandez. S'il apparut également au générique de quelques Bis italiens il se spécialisa toutefois dans ce qu'on appelle les films de classe "S", autrement dit ces pellicules salaces souvent osées dans lesquelles il nous offrit d'insolentes scènes de nu avant de disparaitre à l'aube des années 90.
Le Maniaco vous propose aujourd'hui de découvrir qui se cachait derrière le charme androgyne du séduisant Bernard Seray.
De son véritable nom Bernard Seray Movellan, Bernard Seray est né à Barcelone le 27 novembre 1956. Rien au départ ne prédestinait le jeune Bernard a devenir acteur. C'est simplement un concours de circonstances qui le fit plonger dans l'univers du 7ème art. Bernard a débuté sa carrière artistique à la fin des années 70 en étant mannequin. A tout juste 20 ans il pose et défile de l'Espagne au Japon en passant par Paris et devient assez rapidement une figure phare du mannequinat ibérique. C'est en 1977 à l'occasion de l'élection de Miss Barcelone pour laquelle il était membre du jury qu'il fait la connaissance
du réalisateur Ignacio F. Iquino qui faisait lui aussi partie des jurés. A cette époque Ignacio cherchait de jeunes acteurs pour le film qu'il préparait Los violadores del amanecer. Bernard qui à cette époque selon ses dires avait une très haute opinion de lui même fut approché par Iquino et la productrice du film mais Bernard, vexé, refusa purement et simplement l'offre car ils ne lui proposaient pas le premier rôle. Il revint cependant sur sa décision quelques jours plus tard et obtint le rôle de Rafi, un des quatre violeurs du titre. Le tournage ne fut pas évident pour Bernard qui avait de nombreuses scènes de nu intégral, un exercice auquel il n'était pas du tout habitué, et qui devait également jouer aux cotés de
l'actrice Alicia Orozco alors enceinte de huit mois et tout aussi nue. Après ce premier exercice Bernard va devenir un temps une figure du cinéma quinqui, ce cinéma typiquement ibérique consacré à la délinquance juvénile et au mal être de la jeunesse espagnole. Il se retrouve ainsi l'année suivante au générique de la séquelle de Perros Callejeros puis de Los ultimos golpes de "El Torrete", tous deux signés José Antonio De La Loma. Pour ces deux nouveaux films inspirés de la vie de vrais délinquants (El Vaquilla pour le premier) Bernard va rencontrer de vrais voyous, discuter avec eux, afin de se glisser au mieux dans la peau des personnages qu'il incarne. En trois pellicules le jeune acteur devient une icône du
quinqui aux cotés du petit prince du genre Angel Fernandez avec qui il n'était pas très proche dans la vie. Bernard avoue garder le souvenir d'un garçon taciturne avec qui il n'avait guère de points communs car il ne se droguait pas contrairement à Angel (il mourra à 31 ans d'une overdose). Après ces trois quinqui qu'il affectionne encore beaucoup aujourd'hui car ils étaient le reflet de toute une époque et le témoignage également d'une très grande liberté cinématographique Bernard va se spécialiser dans une autre catégorie de films, l'érotisme, avec notamment ceux classés S, ces bandes salaces qui très souvent flirtaient avec la pornographie sans pour autant jamais franchir le pas. Il tourne ainsi sous la houlette de
Mario Siciliano une coproduction hispano-italienne La veuve infidèle dans laquelle il joue un fils homosexuel travesti violé par un de ses amis, un rôle ambigu qui de par son look androgyne lui va à merveille. Il est la même année à l'affiche de Emmanuelle y Carol, l'occasion pour Bernard de travailler de nouveau avec Ignacio F. Iquino. Nu sous son tablier de cuisine Bernard fait prendre conscience à Antonio Mayans de sa bisexualité. En 1981 il a un des principaux rôles masculins, celui d'un voyou qui avec son comparse kidnappe et viole un couple, leur fille et une amie, dans une coproduction franco-suisse espagnole Jarretelles roses sur bas noirs de Gérard Loubreau avant d'apparaitre plus brièvement dans trois autres sexploitation: Violacion inconfesable de Miguel Iglesias auprès de
Nadiuska, Al sur del Eden de Ismaël Gonzales pour qui il tourne aussi Gamiani inspiré d'un roman qui traitait des amours tourmentées de George Sand et Chopin. Si en son temps le livre fut séquestré par le général Franco le tournage du film fut quant à lui assez mouvementé se souvient Bernard puisque la police intervint afin de l'arrêter. Cette série de sexploitation est une occasion rêvée pour les admirateurs de Bernard de le contempler nu dans de corps à corps fiévreux avec certaines des plus grandes stars et starlettes de l'érotisme ibérique de l'époque tels que Berta Cabré qui devint une de ses plus grandes amies, Raquel Evans sur laquelle il ne tarit pas d'éloges et avec qui il habita quelques années,
Eva Lyberten, Carla Dey...
Dans les années 80 Bernard va avoir également l'opportunité de tourner en Italie pour quelques coproductions avec l'Espagne, diversifiant ainsi encore un peu plus sa carrière même si son statut d'acteur "quinqui"et surtout les films érotiques dont il fut protagoniste fut parfois un frein. Les producteurs hésitaient à l'embaucher. Pour éviter que le public fasse le parallèle Bernard prit parfois un pseudonyme ou tourna sous son vrai nom. Nonobstant ces problèmes Bernard décrocha un rôle dans Virus cannibale de Bruno Mattei, celui du jeune assistant du professeur Barrett, et dans La diablesse de Enzo G. Castellari dont il ne garde
pas un souvenir extraordinaire, une expérience désagréable même s'il n'a que trois courtes séquences, tant le tournage fut houleux. En 1986 Lucio Fulci qui préparait son nouveau métrage, Le miel du diable, l'appelle et souhaite faire sa connaissance après avoir vu des photos de lui datant du tournage de La veuve infidèle. Il souhaite lui offrir le rôle de Nicky, le producteur de la maison de disques, un personnage qu'il accepte de jouer. Toujours dans le registre horrifique Bernard est à l'affiche de El invernadero, le premier long métrage de Santiago Lapeira, aux cotés de l'icône espagnole Ovidi Montllor. A la fin des années 80 on le voit encore dans une comédie dramatique Ultimas tardes con Teresa de Gonzalo Herralde.
Il retrouve Lapeira le temps d'un petit rôle dans la comédie Escrito en el cielo. Il tourne son ultime film en 1989, Un ombra en el jardi, un thriller signé Antonio Chavarrias.
Après une petite vingtaine de films étalé sur dix années Bernard décide alors de mettre un terme définitif à sa carrière d'acteur, non pas à cause de la crise que connaissait le cinéma de genre mais tout simplement par amour. Bernard venait en effet d'entamer une relation sentimentale très sérieuse. Il quitte Barcelone pour Madrid où durant deux ans il foule les scènes de théâtre mais la vie de saltimbanque va lentement l'épuiser. Il arrête le théâtre et retourne vivre à Barcelone afin de pouvoir profiter de la mer qui lui a tant manqué. A son
retour Antonio De La Loma voulait que Bernard apparaisse dans son nouveau film, Tres dias de libertad, pour y jouer un voyou, renouant ainsi avec un genre qui jadis l'avait rendu célèbre. Bernard refusa et décida de rompre définitivement avec le milieu artistique.
Bernard démarre alors une toute nouvelle vie. Il étudie la médecine alternative, ouvre un cabinet d'acupuncture et durant huit ans prodiguera des soins à sa clientèle. Bernard ne renie en rien sa trajectoire artistique dont il est fier. Il accepte volontiers les interviews et participe même de temps à autres à quelques festivals. Il est ainsi apparu il y a quelques années à Sitges. Il fut aussi récemment invité à une projection de Los violadores del Amanecer, plutôt heureux d'être entré dans le dictionnaire regroupant les icônes du cinéma quinqui.