La polizia incrimina la legge assolve
Autres titres: Le témoin à abattre / High crime / The Marseilles connection / La policia detiene la ley juzga
Real: Enzo G. Castellari
Année: 1973
Origine: Italie
Genre: Polizesco
Durée: 98mn
Acteurs: Franco Nero, James Whitmore, Delia Boccardo, Fernando Rey, Silvano Tranquilli, Luigi Diberti, Duilio Del Prete, Ely Galleani, Stefania G. Castellari, Nello Pazzafini, Bruno Corazzari, Massimo Vanni, Paolo Giusti, Lorenzo Piani, Paul Costello, Joaquin Solis, Enzo Castellari, Daniel Martin, Mickey Knox, Zoe Incrocci...
Résumé: A Gênes le commissaire Belli fatigué par l'impuissance de la police face à la violence décide de prendre les choses en main. Deux boss mafieux se font la guerre, Cafiero, dont le règne s'achève, et Griva qui représente la nouvelle génération de mafiosi qui contrôlent le marché de la drogue. Lorsque le chef de la police gênoise ouvre enfin un dossier pour tenter de démanteler ce marché il est assassiné. Contre vents et marées il va se battre contre le réseau qu'il traque jusqu'à Marseille. Pour le punir l'Organisation passe à tabac sa fiancée et tue sa petite fille...
Après une incursion dans l'univers du giallo en 1971 (Gli occhi freddi della paura) Enzo G. Castellari met en scène le premier des quatre polizeschi qu'il tournera entre 1973 et 1977. Si son entrée dans le monde du thriller fut plutôt mitigée son entrée dans le polar à l'italienne fut quant à elle une réussite. La polizia incrimina la legge assolve devenu pour sa sortie française en 1975 Le témoin à abattre malgré un scénario simpliste est un polar musclé qui ouvre brillamment cette quadrilogie et annonce toute la future vague de polizeschi brut de décoffrage qui s'apprêtait à déferler sur l'Italie.
Avant toute chose comment l'idée du film est-elle née? Tout simplement du succès l'année précédente de La polizia ringrazia / Societé anti crime de Steno, une oeuvre de politique fiction qui fit un joli score au box office italien, et de Bullit de Peter Yates sorti en 1968. Face à ses deux énormes succès le scénariste Maurizio Amati eut l'idée de faire une sorte de Bullit à l'italienne qu'il demanda à Castellari de mettre en scène en y intégrant des éléments empruntés à French connection et The getaway. Pour l'histoire il s'inspira d'un tragique fait divers survenu en mars 1972, l'assassinat à son domicile d'un commissaire de police calabrais pour avoir mis son nez dans la guerre que se livraient deux gangs mafieux rivaux.
A Gênes le règne de Cafiero, vieux boss de la mafia, touche à sa fin. De nouveaux dirigeants venus de la haute finance ont pris en main le marché de la drogue. Le commissaire Belli est impuissant face à ses nouveaux gangs qui font régner la peur en ville. Son chef hésite à ouvrir un dossier mais le jour où il le fait il est abattu. Son assassin s'empare du dossier. Belli part pour Marseille où Cafiero, malade, se fait soigner. Ce dernier le met en garde. L'Organisation est puissante et ne laissera personne lui mettre des bâtons dans les roues. Belli est déterminé. Son entêtement lui coutera cher. Un des boss de l'Organisation, Griva, passe à tabac sa fiancée et tue sa petite fille. Rongé par la haine Belli tend un piège à Griva.
Une partie de l'Organisation est arrêtée mais ses chefs sont toujours là. De retour à Gênes Belli pourrait payer de sa vie le fait d'avoir voulu démanteler le gang.
Le témoin à abattre tient une place importante dans l'histoire du polizesco puisqu'il s'agit d'un des tout premiers si ce n'est le premier à avoir été tourné donnant ainsi naissance à tout un courant du polar à l'italienne qui allait connaitre un succès énorme jusqu'à la fin des années 70, époque qui sonna lentement le glas du genre. Sorti un an environ après le film de Enzo Castellari allait faire naitre un nouveau type de flic, le policier justicier qui fait sa propre loi nonobstant les règles et la hiérarchie. Emergeait ainsi une nouvelle figure policière
essentiellement incarnée par Maurizio Merli et Luc Merenda mais également Fabio Testi, Leonardo Mann... dans les futurs films de Umberto Lenzi et Stelvio Massi, deux des principaux maitres du genre. Le témoin à abattre est donc une oeuvre fondamentale quant à l'avènement du genre et de son développement au fil du temps. Castellari en jetait ici les bases. On a un donc un commissaire de police, le commissaire Belli, qui las de combattre au quotidien la délinquance, la violence urbaine d'une Italie au bord du gouffre, de petits voyous sans foi ni loi qui ne jurent que par la violence, de faire face aux incessantes guerres de gangs mafieux, fatigué par l'impuissance de la police, décide de faire lui même justice
lorsqu'ils tuent sa fiancée et sa petite fille, un combat qu'il mènera seul, totalement dévasté, rongé par la colère et le désespoir. Voilà un schéma qui sera repris maintes fois par la suite. S'il n'est guère original gardons cependant en tête qu'il fut un des premiers à l'inaugurer et fit donc sensation à sa sortie d'où le succès remporté par le film non seulement en Italie mais à travers le monde.
Si l'intrigue est classique la mise en scène brillante de Castellari balaie cependant les petites faiblesses du scénario. L'ouverture du film, la capture du Libanais, en résume à elle seule la puissance. On suit Belli incarné par un Franco Nero résigné, parfait dans son rôle,
poursuivant le mafieux dans les rues de Gênes jusqu'aux docks avant une spectaculaire course-poursuite en voitures dont une ambulance qui multiplie les cascades, une première scène d'action menée tambour battant, parfaitement maitrisée par le metteur en scène, brillamment exécutée par l'équipe de cascadeurs de Rémy Julienne. Le ton est donné. Le témoin à abattre va par la suite enchainer ce type de scènes, alternant poursuites, règlements de comptes entre les bandes rivales de deux puissants boss, celle de Cafiero et celle de Griva, meurtres sanglants agrémentés d'une touche gore non déplaisantes, effets pyrotechniques... l'ensemble réalisé avec soin par un Castellari qui déploie ici tout son art et
nous gratifie de ses indispensables ralentis qui firent sa réputation. On en finit plus de mourir jusqu'au final tragique filmé comme un western urbain où le réalisateur ose une séquence aujourd'hui impensable: la mort particulièrement graphique d'Anita la petite fille de Belli, projetée puis écrasée sous les roues de la Fiat des hommes de Griva, son corps réduit en charpie sous l'objectif voyeur de la caméra. Un pur régal qui en réjouira plus d'un! Il est d'ailleurs amusant de noter que Anita est jouée par la propre fille de Castellari, Stefania, qui dans le troisième polar de son père, Big racket, sera cette fois violée et tuée. Le célèbre réalisateur aimait visiblement lui réserver des sorts peu enviables.
L'interprétation est excellente, Franco Nero en tête. Déterminé il n'en est pas moins humain, sensible, plus touchant et expressif surtout que Maurizo Merli et sa légendaire impassabilité, des qualités que Castellari met en avant lors des moments intimes qu'il passe avec sa fille et sa fiancée, lors des flashes-back, autant d'intermèdes parfois mélodramatiques qui apportent une touche de douceur dans cette déferlante de violence. Il est entouré d'une pléiade d'acteurs internationaux de haut niveau: Silvano Tranquilli (Griva), Duilio Del Prete (son fils), James Whitmore (le chef de la police), Fernando Rey (Cafiero), Daniel Martin (le tuer de Cafiero spécialisé dans la castration), Massimo Vanni, Bruno
Corazzari, Nello Pazzifini.... la douce Delia Boccardo est la fiancée de Belli. Mentionnons la présence de Ely Galleani en putain qui nous offre une légère touche d'érotisme le temps d'un plan seins nus.
Emmené par la solide partition musicale des frères De Angelis Le témoin à abattre outre le fait d'être à l'origine de toute une vague de polizeschi est un des meilleurs si ce n'est le meilleur des quatre polars de Castellari (une place qu'il dispute pour certains avec Big racket). Voilà une pellicule habile, rondement menée et puissamment efficace, un polizesco
indispensable pour tout amateur du genre, un bel exemple pour ceux qui aimerait le découvrir.
Il est simplement regrettable que le Bluray et le DVD récemment sortis chez nous soient une version cut du film soit une dizaine de minutes en moins et qu'aucune piste française ne soit présente. Encore plus désespérant le Bluray ne contient qu'une piste anglaise, le DVD qu'une piste italienne. On marche sur la tête. L'amateur n'aura pas attendu cette édition pour se repaitre de ce polar en se rabattant sur les discs italiens et sur la version française intégrale facilement trouvable sur la toile.