Rand rover
Autres titres:
Real: Arduino Sacco
Année: 1978
Origine: Italie
Genre: Road movie / Rape and revenge
Durée: 85mn
Acteurs: Mario Cutini, Franca Gonella, Rino Bolognesi, Nora Aron, Paolo Ceccarelli, Antonio Sapori...
Résumé: Patrizia et Rodolfo sont mariés depuis six ans. Leur couple bat de l'aile. Ils doivent passer le week-end chez la mère de Rodolfo. Bien décidée à pourrir l'existence de son mari qu'elle ne supporte plus Patrizia se laisse draguer par Tony, un petit loubard qui entend bien lui faire l'amour. Tony et sa bande les suivent en voiture. Las de ce petit jeu Rodolfo les sème mais les voyous les retrouvent et les bloquent sur une vois sans issue au milieu des champs...
Le nom de Arduino Sacco parlera surtout aux pornophiles puisqu'il est un des piliers, un des pionniers du cinéma pornographique italien de la première heure réputé pour son coté extrême. Sous ses habituels pseudonymes Dudy Steel et Hard Sac il fut un des quelques réalisateurs qui osèrent mettre en scène des films zoophiles, certains avec Marina Frajese dont un des plus fameux est Morbida... Marina e la sua bestia. Avant son entrée dans l'univers du hardcore Sacco réalisa en 1978 deux films aujourd'hui totalement oubliés, quasiment invisibles, Sensi caldi avec Rita Silva et Rand rover une sorte de road movie à
prétention auteuriale à la limite de l'amateurisme.
Patrizia et Rodolfo sont mariés depuis six ans. Elle ne supporte plus son mari qui l'énerve, l'irrite. Elle lui trouve tous les défauts du monde et n'a même plus envie de lui faire l'amour. Elle en arrive même à le détester. Pour Rodolfo son attitude n'est qu'un caprice auquel il ne fait même pas attention. Ils ont décidé de passer le week-end chez la mère de Rodolfo. Afin de rendre jaloux son mari et le faire pester elle aguiche Tony, un voisin qu'elle connait juste de vue. Tony jure à ses amis, sa petite amie Mama, Bebe le frère de Mama, et Matuzzo qu'il lui fera coûte que coûte l'amour. Le groupe décide de les suivre. Lors d'une pause toilette Tony
la rejoint et lui fait part de son désir. Elle ne dit pas oui elle ne dit pas non mais elle refuse de faire ça dans les toilettes. Elle quitte Tony pour rejoindre son mari. Vexé par cette réaction Tony est plus que jamais décidé à la posséder. Sa petite amie de son coté est en plein doute. Aime t-elle toujours Tony? Sera t-il le père de son enfant? Elle l'aime, elle ne l'aime, se sent attirée par Matuzzo mais aussi par son frère. Elle ne serait pas contre l'idée que son propre frère lui donne un enfant. Finalement la bande réussit à rejoindre le couple et le menace. Las Rodolfo décide d'en finir avec les voyous et les sème. Le groupe les retrouve, les coince dans un chemin sans issue au milieu des champs, les font prisonniers dans une
grange et violent Patrizia sous les yeux de son époux. Dans cette explosion de violence Rodolfo et Patrizia réalisent qu'il s'aiment toujours. L'homme va décimer les quatre lascars mais n'imagine simplement t-il pas tout ça?
Pour ses débuts au cinéma Sacco réalise un film étrange, irracontable, une pellicule singulière tournée sans aucun budget mais si curieuse qu'elle en devient vite fascinante malgré sa pauvreté et ses nombreux défauts. Un carton écrit par Sacco lui même prévient le spectateur que le metteur en scène a voulu faire un film violent sur la non violence, où la violence n'est pas expliquée afin que le public ne puisse s'identifier à ces héros qu'il
immerge dans une autre réalité. Rand rover se présente donc sous la forme d'un de ces drames "petits bourgeois" qui mettent en scène un couple en pleine crise conjugale caractérisé ici par Rodolfo et Patrizia. Au fil du temps le couple s'est engoncé dans une routine ronflante que ne supporte plus l'épouse qui s'ennuie, se sent délaissée, frustrée et surtout elle ne se sent plus aimée. Ils ont oublié le sens du mot amour que la haine a remplacé depuis quelque temps déjà dans le coeur de Patrizia. Rodolfo quant à lui ne se sent pas concerné par cette crise. Il a tout donné à son épouse, de l'argent, une maison, une vie confortable. Il n'a aucun reproche à se faire. Patrizia se sert de Tony, un petit voyou, pour
rendre jaloux son mari, le faire réagir sans vraiment savoir ce qu'elle veut mais surtout s'en réaliser combien ce jeu est dangereux. Elle réfléchit en petite fille, agit comme une gamine. C'est une des bases sur lequel repose Rand rover qui dés l'ouverture met en place une sorte de jeux de contradictions qu'on pourrait nommer le "je dis tu dis non", le jeu des contraires et le jeu du perroquet qui consiste à répéter de manière insolente ce que dit l'autre. En fait aucun des personnages et plus exactement les femmes ne savent réellement ce qu'elles veulent. Elles semblent indécises, perdues dans leurs attentes, leurs rêves. Mama se demande tout au long du film si elle aime Tony, si elle est jalouse qu'il fasse
l'amour à Patrizia, s'il sera le père de son futur enfant. Elle en arrive même à se demander si elle ne pourrait pas sortir avec son ami, caresse même l'idée d'avoir une relation incestueuse avec son propre frère qui pourrait lui faire un enfant. En fait personne n'a un comportement normal, tous sont à leur manière des déviants, du couple qui se déchire aux quatre voyous en tête Bebe, un gnome malingre à la tignasse frisée qui en guise de collier porte deux salamis autour du cou. Si l'ornement peut paraitre insolite voire risible il devient à la fin du film un symbole puissamment phallique avec lequel Bebe sera tué lors d'un simulacre de fellation mortel. Ils sont également le symbole de son homosexualité latente.
Le sexe est un des principaux moteurs du film, violent, destructeur mais également salvateur.
Plus qu'un simple road movie qui vire rape and revenge lors du dernier quart d'heure Arduino Sacco a tenté de mettre en scène un nouveau drame bourgeois, thème privilégié du cinéma italien des années 70, de façon originale proche du cinéma d'auteur voire expérimental. Point étonnant dans un sens puisque comme le fait remarquer Franca Gonella lors d'une interview le cinéma de genre étant arrivé à un point de non retour en cette fin d'années 70, cruellement privé d'idée, les réalisateurs tentaient de nouvelles approches en s'essayant notamment au cinéma d'auteur. En ce sens la tentative de Sacco est louable d'autant plus qu'il n'a bénéficié
d'aucun budget. Tourné avec quelques lires avec des comédiens amateurs et les moyens de bord il livre un film aussi curieux que fascinant, indescriptible, irracontable. Dans ce fatras d'idées rien ne semble avoir de sens, elles explosent tout azimut dans cette pellicule délirante mêlant comédie, exploitation et trash absolu dans un univers qui évoque Godard. Problèmes conjugaux, crise existentielle, interrogations et divagations philosophiques sont traités par l'absurde. Cet OVNI pseudo intellectuel atteint par moment des sommets de pure folie dont un des plus remarquables est la longue séquence où les quatre voyous, déchainés, hors contrôle, hilares, s'enivrent de whisky, s'en arrosent le corps tout en
conduisant, une scène qui semble avoir été tournée en totale roue libre, une impression d'improvisation qu'on retrouve d'ailleurs au long du film. Un grand n'importe quoi mais si génial que cette interminable scène en devient comme le reste de la bande absolument fascinante. Dans les années 70 Sam n'existait pas encore!
Tout aussi envoutant est le parti pris du réalisateur pour les redondances, cet effet écho qu'il utilise tout au long du métrage. Certaines scènes se répètent en effet en boucle, comme un cercle sans fin accentuant l'effet de malaise, seuls certains détails changent. Cela est vrai non seulement pour certaines séquences mais également pour les bruits, certains plans
(l'image du couple qui se reflète dans le pare-brise comme si c'était un miroir), les dialogues, les pensées des protagonistes récitées en voix off, qui souvent se répètent aussi comme un écho sans fin, un procédé qui rapidement crée un sentiment d'oppression, d'acharnement et met en exergue le mal de vivre, les angoisses, le malaise des personnages dans un paysage campagnard pourtant solaire. De ce capharnaüm tout amateur soit-il nait quelque chose de vraiment spécial, d'hypnotique qui débouche sur un final apocalyptique, un véritable déchainement de violence qui laisse pantois, d'autant plus déconcertant que ces quinze dernières minutes reviennent sans cesse en boucle tel un long
cauchemar brisant ainsi l'espace-temps. Rêve? Réalité? Transposition des désirs du mari voulant reconquérir sa femme? Ce déferlement de brutalité, de fureur incontrôlable, animale laisse sans voix autant qu'il intrigue d'autant plus qu'il donne sur une porte ouverte. La promesse de ne pas expliquer cette vague de violence est ainsi tenue. Rand rover est complètement irréel. Quoiqu'il en soit cette conclusion vaut à elle seule le visionnage du film tout comme sa bande originale qui aide beaucoup à l'atmosphère générale du film. Signée Marcello Giombini elle mêle allégrement morceaux électroniques, synthétiques lancinants, étranges, parties plus récréatives façon orgue Bontempi et une très belle mélodie "Me"
interprétée par la voix rauque et pleurante de Vittorio Marino qui revient régulièrement tout au long de cette pellicule très personnelle.
En tête d'affiche on retrouve Franca Gonella en tenue hippie (Patrizia), l'éternel bad boy du cinéma de genre italien Mario Cutini dans le rôle de Tony et Rino Bolognesi (Rodolfo) bien plus actif dans le doublage que comme comédien, les trois seuls acteurs professionnels de ce projet, entourés d'inconnus Antonio Sapori derrière les lunettes de soleil de Matuzzo, Nora Aron (Mama) qui raconta les 30 jours que dura le tournage dans un livre intitulé Rand Rover le 30 giornate di un set et la touffe frisée de Paolo Ceccarelli (Bebe) vu précédemment dans Les lycéennes redoublent, un des deux amis de
Rodolfo Bigotti.
Rand rover est une véritable expérience, un film qui malgré tous ses défauts, son amateurisme, reste une curiosité fascinante qu'il est difficile de détester tant elle est unique. Entre comédie marginale, trash, exploitation et cinéma expérimental Arduino Sacco signe un premier film maladroit, naïf mais unique qui bien après que le mot fin soit tombé laissera un gout étrange au spectateur. Tourné durant l'été 1978 mais sorti en Italie un an plus tard Rand rover fait partie de ces films oubliés tant du public que des éditeurs aujourd'hui fort
difficilement visible si ce n'est par le biais de la seule édition vidéo existante, une copie médiocre éditée chez Poker video. Voilà un film à part dans le vaste univers du cinéma de genre, un pur petit bijou pour collectionneurs de raretés d'un autre temps aujourd'hui totalement impensables qui mériterait amplement des oubliettes dans lesquelles il moisit depuis de longues décennies.