Land of storms
Autres titres: La contrée des orages / Viharsarok / Sturmland
Real: Adam Csaszi
Année: 2014
Origine: Hongrie
Genre: Drame
Durée: 117mn
Acteurs: András Sütö, Ádám Varga, Sebastian Urzendowsky, Enikö Börcsök, Layos Otto Horväth, Owe Lauer, Kristof Horvath, Gabor Szabo, Szalbocs Fabian, Zita Teby, Zsolt Nyari, Szolt Horvath...
Résumé: Pour faire plaisir à son père, un jeune hongrois qui assume mal son homosexualité, Szabolcs, s'est expatrié en Allemagne pour jouer dans une équipe de foot locale. Peu doué pour ce sport il est la cible de son entraineur. Lorsque son équipe perd un match par sa faute il retourne en Hongrie et décide de retaper la vieille maison de son grand-père pour faire le point sur sa vie. Il fait la connaissance de Aron, un jeune hétérosexuel qui de suite l'attire. Il lui propose de le payer pour l'aider à retaper la bâtisse décrépie. Les deux garçons finissent par tomber amoureux mais ils doivent garder le secret dans ce pays où l'homosexualité est encore très mal acceptée. L'arrivée de Bernard, un ami gay de Szalbocs, ne va que compliquer leur relation...
Venu du court métrage et du documentaire le jeune réalisateur hongrois Adam Csaszi signe en 2014 son premier long métrage inspiré pour son final d'un fait divers réel, Viharsarok / La contrée des orages, une oeuvre à la fois belle et tragique sur la quête de son identité sexuelle dans un pays où l'homosexualité est encore très mal vue.
Szabolcs et Bernard sont les meilleurs amis du monde. Tous deux sont gay mais ne se l'avouent pas. Ils font partie de la même équipe de foot locale. Szabolcs qui n'assume pas son homosexualité s'est expatrié en Allemagne. Il a choisi de faire du foot uniquement pour
faire plaisir à son père. Le garçon ne se sent pas dans son milieu trop souvent humilié par son entraineur pour son incapacité à bien jouer. Lorsqu’une violente dispute éclate entre Szabolcs et Bernard après une défaite de leur équipe de foot Szabolcs décide de retourner en Hongrie, son pays d’origine, afin de se retrouver et faire le point sur sa vie. A peine arrivé il rencontre Aron, un séduisant garçon qui tentait de lui voler son vélomoteur. Aron est hétérosexuel, il a une petite amie. Szabolcs lui demande de l'aider à réparer la vieille maison de son grand-père dans laquelle il souhaite désormais vivre, un travail pour lequel il le paiera. De jour en jour Szabolcs se rapproche de Aron. Une nuit alors qu'ils sont ivres
Szabolcs profite que Aron soit endormi pour le masturber. Contre toute attente Aron réagit bien. Les deux garçons deviennent amants. Mais ils doivent garder ce secret pour que personne ne se doute de leur relation dans un pays où l'homosexualité est très mal perçue. Malheureusement leur relation est découverte. Ron est harcelé, humilié par ses camarades. Il doit aussi quitter sa petite amie. Contre vents et marées Aron décide de rester avec Szalbolcs qui de son coté doit faire face à la colère de son père qui a découvert son secret. Un soir de détresse Szalbocs appelle Bernard qui ne tarde à le rejoindre en Hongrie. Szabolcs se retrouve alors au centre d’un triangle amoureux, déchiré entre ces deux hommes.
Bernard ne supportera pas longtemps de partager Szabolcs avec Aron qu'il considère comme un "plouc". Il préfère le quitter. Malgré l'amour qu'il porte à Szabolcs Aron réalise ce qu'est devenue sa vie. Il décide lui aussi de le quitter. Il le rend responsable de sa soudaine homosexualité. Szabolcs le supplie de rester. Ils font tendrement l'amour. Malgré le lien puissant qui les unit Aron met un terme définitif à cette relation en commettant l'irréparable.
Pour son premier film Adam Csaszi a choisi de jouer sur deux bords en mettant en parallèle la difficulté d'être gay dans le milieu sportif, ici le football, et celle de vivre son homosexualité
dans un coin perdu de Hongrie où l'homosexualité est encore très mal acceptée. Il est donc clair qu'être un jeune footballeur gay hongrois amoureux d'un de ses camarades n'est pas chose facile. Les vingt premières minutes de La contrée des orages se situe dans le milieu du foot que Szalbocs est forcé de hanter afin de faire plaisir à son père, un ex-footballeur qui voit l'avenir de son fils dans ce sport. Le garçon est homosexuel mais ne s'assume pas, un secret qu'il garde bien pour lui dans cet univers machiste qui n'est pas le sien. A chaque entrainement il subit les humiliations, les insultes et les punitions de l'entraineur mais trouve un certain réconfort auprès de Bernard, un ami gay lui aussi qui se cache aisément derrière
l'atmosphère et les relations homo érotiques plus ou moins conscientes propre au milieu sportif entre accolades, étreintes viriles, douches collectives, vestiaires, séances de masturbations collectives entre collègues devant un film porno. Lorsque par sa faute l'équipe de Szabolcs perd un match il se fâche avec Bernard. Ils en viennent aux mains, une situation qui sert de déclencheur chez le garçon qui prend alors la décision de partir au fin fond de la campagne hongroise, dans la vieille maison de son défunt grand-père qu'il souhaite retaper pour y vivre. Le film change alors radicalement de ton pour s'orienter définitivement vers la quête identitaire sexuelle et son acceptation. C'est ici la partie la plus intéressante et la plus
émouvante de ce premier long métrage.
Sa rencontre avec Aron va changer sa vie mais relle sera également à l'origine d'une tragédie. Auprès de Aron Szabolcs surnommé Szalbi apprend à accepter son homosexualité, à la vivre mais également à l'assumer faisant fi de la rumeur ou du regard des autres y compris celui de son père contre lequel il ose enfin se dresser. La vieille bâtisse devient alors tout un symbole. Elle est comme un havre de paix, un lieu de sécurité, perdue au milieu de nulle part. On y vit comme on veut loin de tout jugement mais dépourvue de toit et de murs solides elle essuie les orages et prend l'eau de toutes parts.
Tout est bien plus compliqué pour Aron, hétérosexuel tombé fou amoureux de ce garçon pour le meilleur et surtout le pire, les insultes, les humiliations, le passage à tabac dans les toilettes de son école d'apprenti (on le brule à la cigarette et lui urine sur le corps), le rejet d'une société fortement patriarcale guidée par la religion qui sous couvert de bienveillance écrase, annihile les brebis égarées. On tue la différence et la différence tue. Il ne semble pas y avoir d'issue.
Par amour pour Szabolcs Aron passe outre ces déboires, désobéit aux règles imposées mais le retour de Bernard que Szalbocs a appelé dans un moment de grande détresse va
ébranler ces liens. S'installe entre les trois garçons un fragile triangle amoureux que Bernard brisera incapable de partager Szalbocs. Plus rien ne sera comme avant. Aron malgré ses sentiments va doucement refouler son amour pour ce garçon qu'il rend responsable de son homosexualité, d'être responsable de ce qu'il est devenu et c'est par l'union d'Eros et Thanatos une fois encore que cette relation trouble se terminera lors d'une conclusion aussi inattendue que dramatique. Ou jusqu'où l'homophobie et l'intolérance peuvent mener.
La douleur de vivre sa différence, la douleur d'aimer, de choisir, la douleur face au regard des autres, cet aventureux coming out of age movie est d'un bout à l'autre empreint de souffrance.
Sous le ciel gris et orageux des magnifiques landes hongroises les héros se cherchent, se trouvent, s'aiment, se perdent, se détruisent comme pour mieux illustrer la difficulté de vivre librement sa sexualité dans ces contrées campagnardes où les esprits sont encore bien trop fermés. Avec tendresse et pudeur Czsasi dresse un portrait plein d'émotion et surtout réaliste de ces jeunes hongrois face à l'homophobie dans lesquels beaucoup se reconnaitront. Land of storms est un film universel, d'un naturel et d'une spontanéité touchante dont un des grands atouts est l'interprétation sans faille d'une solide distribution de jeunes et séduisants acteurs, le sombre Andras Sütö (Szabolcs) en tête dont c'était le premier film aux cotés de
Adam Varga (Aron) et l'allemand Sebastian Urzendowsky (Bernard). S'il n'est pas sexuellement explicite il se dégage cependant tout au long du métrage un homo érotisme constant que ce soit dans ces scènes de masturbation collective devant un écran, les quelques plans de nudité toujours très beaux, plein de pudeur, sensuels à l'instar des scènes d'amour, magnifiques, et tous ces moments de la vie propre à créer le trouble dans un univers essentiellement masculin: regards, étreintes, rapprochement des corps qui attisent un désir irrésistible dans des conditions parfois équivoques (la très jolie scène où Szalbocs profite de l'ébriété de Aron pour enfin passer à l'acte et le masturber surpassant les
craintes de sa réaction, unique scène non simulée même si brève).
Si son final risque de laisser un profond gout d'amertume par sa cruauté Viharsarok / Land of storms, visuellement superbe, n'en est pas moins une oeuvre intimiste atmosphérique, truffée de symboles, belle, tendre et émouvante. Empreinte de poésie, cruelle comme la vie elle mérite amplement l'accueil très positif de la critique hongroise à sa sortie et les diverses récompenses qu'elle a reçu lors de ses diffusions à différents festivals dont celui de Berlin et de Sarajevo.