La patata bollente
Autres titres: Hot potato
Real: Steno
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Comédie
Durée: 100mn
Acteurs: Renato Pozzetto, Massimo Ranieri, Edwige Fenech, Mario Scarpetta, Clara Colosimo, Adriana Russo, Sergio Ciulli, Luca Sportelli, Umberto Raho, Sergio Ciulli, Nazzareno Natale, Margherita Giacomelli, Dario Ghirardi, Loris Bazzocchi, Enzo Rossi, Emilio Leoni, Giorgio Vigna, Nazzerano Natale, Alberto Squillante...
Résumé: Communiste pur et dur, anti fasciste et syndicaliste reconnu, Bernardo surnommé Gandi à l'usine où il travaille voit sa vie bouleversée le soir où il sauve la vie de Claudio, un jeune garçon attaqué par une bande de loubards fascistes. Il l'héberge pour la nuit afin de le soigner et découvre qu'il est homosexuel. Contre toute attente les deux hommes se lient d'amitié jusqu'au jour où les choses se compliquent.Leur complicité est découverte. Maria la fiancée de Bernardo comme ses collègues de travail le soupçonnent d'être gay. Bernardo décide de se battre sans pour autant abandonner ses convictions politiques mais revoit sa position sur l'homophobie...
Avec quelques 80 titres à son actif Steno (Stefano Vanzina) fait partie des réalisateurs scénaristes italiens les plus prolifiques des années 60, 70 et 80, un touche à tout qui s'est notamment fait remarquer dans la comédie populaire. Avec La patata bollente qu'il signe en 1979 Steno fut l'un des très rares metteurs en scène qui osa traiter de l'homosexualité masculine de manière ouverte dans une Italie où le sujet a toujours été tabou, uniquement montrée sous l'angle du burlesque, de la moquerie voire du grotesque quand elle n'est pas associée tout simplement à une tare. L'homosexuel est donc définitivement une folle, un
travesti ou un simple clown rassemblant clichés et stéréotypes parmi les plus grossiers. le plus souvent isolé au coeur d'une comédie où il n'est là que pour amuser la galerie. Avec La patata bollente Steno osa casser les codes en offrant un film certes populaire mais qui donne enfin une image de l'homosexualité bien plus réelle et surtout sérieuse sous le couvert du rire.
Bernardo Mambelli surnommé Il Gandi, est un ex-boxeur aujourd'hui ouvrier dans une usine de peinture à Milan. Il est surtout connu pour être un communiste et anti fasciste convaincu, syndicaliste et porte parole de son usine, respecté par ses collègues. Sa petite amie, la jolie
Maria, travaille à la cantine de l'usine. Un soir alors qu'il rentre chez lui Il Gandi est témoin d'une agression. Une bande de fascistes rosse de coups un jeune homme, Claudio. Impossible pour Gandi de ne rien faire. Il parvient sans mal à la mettre en fuite et ramène Claudio chez lui soigner ses blessures. Suite à un coup de téléphone inattendu du copain de Claudio Gandi comprend que ce dernier est homosexuel. Claudio le lui confirme et avoue qu'il est en pleine rupture. Pour Gandi qui jusqu'alors pensait que les homos n'étaient tous que des invertis la vie prendre un tournant inattendu. Il se prend d'amitié pour Claudio, découvre un homme comme n'importe quel autre homme avec ses joies et ses peines, son
univers. Leur lien va se resserrer après que Claudio ait voulu se suicider en constatant les ennuis qu'il apporte à son sauveur. Touché Gandi lui propose d'habiter chez lui. Il va devoir être très prudent pour que personne ne se doute qu'il héberge un homosexuel et inventer mille stratagèmes pour que Maria ne s'aperçoive de rien. Malheureusement le jour où Claudio reprend son travail à la librairie gay qu'il gère avec un ami la boutique est mise à sac par les loubards qui l'avaient agressé. Gandi est démasqué. Tout le monde imagine qu'il est devenu gay. Dés le lendemain des insultes sont inscrites sur les murs de son usine. Maria découvre son secret. Décidé à faire front Gandi entend bien prouver que cette relation n'est ni
une maladie ni une perversion, qu'il est toujours le même homme, prêt à défendre la cause homosexuelle tout en continuant sa lutte ouvrière en partant notamment en Russie pour participer à une conférence sur les dangers de la décadence de la bourgeoisie. A son retour à Milan las du comportement de ses compatriotes il fait un discours sur l'homophobie qu'il clôt par un tango "mucho caliente" avec Claudio lors de la fête de l'Unité. Radié du parti par ses collègues pour cause de "maladie" Gandi s'en prend à Claudio qui préfère fuir. Mais c'est dans le bonheur que se terminera l'aventure pour Gandi puisqu'il épousera enfin Maria quelques mois plus tard. Le jour de ses noces Gandi en guise ce discours lit aux invités une
émouvante lettre de Claudio parti à Amsterdam. Le couple le rejoint dans le restaurant qu'il a ouvert avec son mari dans la capitale hollandaise.
Loin du coté graveleux, parfois lourd de beaucoup de comédies, en évitant les clichés Steno offre une pellicule plutôt courageuse d'autant plus qu'il ne situe pas son intrigue dans un milieu bourgeois mais dans le monde ouvrier, le prolétariat où l'homosexualité est encore plus mal acceptée que dans les hautes classes sociales. En fait Steno sous forme de farce légère signe un film tant social que politique très représentatif de l'Italie d'alors, une manière intelligente de traiter de sujets particulièrement délicats à une époque où communisme
rimait avec homophobie, où les minorités avaient énormément de mal à se faire reconnaitre ou même entendre. Avec La patata bollente le célèbre réalisateur tente avec lucidité et subtilité de mettre en avant l'intolérance sidérante de la Gauche mais aussi le vide d'un certain cinéma pseudo intellectuel qui détourne hypocritement le problème afin de rester dans un politiquement correct consternant. Ce que refuse visiblement Steno qui plonge ouvertement dans le politiquement incorrect par le biais de ses deux protagonistes, un qui lit Staline, l'autre Oscar Wilde.
Pour illustrer son propos Steno a recours au schéma traditionnel de la comédie populaire
soit un enchainement de situations toutes plus cocasses les unes que les autres, de quiproquos, de saynètes d'une simplicité désarmante qui évitent de sombrer dans la vulgarité, le racoleur ou la lourdeur. Cette simplicité est un des atouts de cette Patate bouillante, le metteur en scène ayant pris soin de rendre crédible cette histoire qui finalement pourrait arriver à n'importe qui, venir troubler le quotidien de tout être lambda. On est donc loin du contexte souvent improbable et farfelu de bien des comédies. La patata bollente est une sorte de tranche de vie de deux hommes totalement opposés qui vont chacun découvrir l'univers de l'autre, faire tomber les préjugés, les étiquettes, sur fond de lutte des classes,
d'homophobie, d'acceptation de la différence dans une société catholique, bigote et politisée où règne un machisme extrême.
Viennent appuyés la crédibilité de l'ensemble une mise en scène alerte, des dialogues souvent intelligents et surtout une interprétation aussi juste que sincère qui évite fort heureusement les écueils du genre. En tête de distribution le grand Renato Pozzetto ici en grande forme, mesuré, toujours très drôle, parfois touchant dans ce qui reste très certainement son meilleur film. Mais le prix de l'excellence revient ici à Massimo Ranieri, acteur méconnu qui a tourné pour Bolognini notamment, qui endosse ici le rôle délicat de
Claudio le jeune gay. Délicat car il ne fallait pas tomber dans le stéréotype, le cliché. Ranieri y parvient avec aisance et naturel, donnant vie à un personnage attachant, positif, tout à fait "normal" qui forme avec Pozzetto un tandem tout à fait vraisemblable et surtout humain. Incarner Claudio fut d'autant plus dur pour l'acteur qu'à cette époque une rumeur courait dans la presse italienne sur sa présumée homosexualité. Ajoutons à ce duo la présence de Edwige Fenech, version cheveux courts, dans la peau de Maria, qui ravira ses admirateurs à qui elle leur offre ses seins mais surtout un strip-tease en fin de bande afin de prouver à son fiancé qu'une femme est plus attractive qu'un homme. Une idée qui se défend mais que ne
partagent surement pas une partie du public de cette Patata bollente qui propose cependant à Edwige un personnage plus consistant que ceux qu'elle a pu jouer auparavant. Les seconds rôles sont tout aussi impayables, une palme d'honneur pour le couple Clara Colosimo - Luca Sportelli, les concierges de l'immeuble où vit Gandi, toujours prêts à médire, espionner et interpréter les choses à leur façon.
Avec courage et professionnalisme Steno signe avec La patata bollente une oeuvre bien en avance sur son temps, une pellicule qui aujourd'hui n'a pas pris une ride tant elle est toujours autant d'actualité, un film drôle, par instant hilarant, par moment touchant, une
oeuvre sincère sur la tolérance et la différence qui derrière son aspect comique se situe cependant à des années lumière de ce que l'Italie produisait alors dans le genre. La patata bollente jouit encore aujourd'hui d'une très forte popularité en Italie tant et si bien qu'il est souvent projeté lors de manifestations homosexuelles et que la chanson Tango libero et ses paroles incisives, chantée par Tamara, pseudonyme du leader du groupe Squallor à l'origine de la bande originale, est devenue le symbole du mouvement LGBT et l'hymne nationale de la gay pride de Bologne en 2008.