Nella misura in cui...
Autres titres:
Real: Piero Vivarelli
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 92mn
Acteurs: Duilio Del Prete, Elide Melli, Alessandro Vivarelli, Ottavio Alessi, Elias Murillo, Angela La Vorgna, Bruno Rosa, Teresa Rossi Passante, Filippo De Gara...
Résumé: Piero est marié à Beryl, une femme de couleur. Son mariage bat de l'aile, son métier accapare tout son temps, la politique pour laquelle il se bat le déçoit. Il décide de fuir une Italie des années de plomb pour l'exotisme de la Colombie en compagnie de Donatella, la fiancée de son fils, dont il est amoureux. Leur relation va connaitre des hauts et des bas malgré la magie des lieux et les paradis artificiels...
Avec Il dio serpente / La possédée du vice Piero Vivarelli fut avec Ugo Liberatore un des pères du courant exotico érotique, une des sous branches du cinéma érotique italien. Deux ans après Bora Bora de Liberatore, film qui ouvrit ce filon tropical, Vivarelli triompha avec Il dio serpente qui faillit battre en nombre d'entrées Zabriskie point de Antonioni, deux oeuvres qui avaient pour point commun la contre culture.
Coécrit avec Alessio Ottavi Il dio serpente n'avait d'autre but que de mettre en images la fascination du metteur en scène, pur occidental, pour un monde situé aux antipodes de
notre civilisation moderne, un monde où la sexualité, totalement libérée, n'est plus un tabou, n'est plus vue ou vécue avec culpabilité. Elle n'est que la plus haute expression de la spiritualité, la religion représentée par Djamballa, le dieu serpent. C'est à travers un couple en pleine crise conjugale, Paola une jeune femme d'à peine vingt ans et son mari industriel quinquagénaire que Vivarelli soumet sa vision au spectateur qu'il amène au coeur d'un univers entre érotisme et magie, rythmé par les rites et danses vaudou que le réalisateur filme comme un pur mondo movie. Le lien entre notre modernité et les traditions locales se fait par l'intermédiaire de Stella interprétée par la jamaïcaine Beryl Cunningham, la propre
épouse de Vivarelli, que le premier fiancé de Paola venu la rejoindre après la mort de son mari séduira.
Résumer Il dio serpente est nécessaire pour mieux comprendre Nella misura in cui qui en constitue une sorte de séquelle, de suite logique, même si le film fut tourné neuf ans plus tard. Il utilise non seulement un copier-coller de la bande originale du premier film notamment le thème de Djamballa mais il en reprend également la relation triolique à la différence près que cette fois c'est un homme marié, un amoureux des femmes, qui s'évade sous les tropiques avec Donatella la fiancée de son fils afin de fuir une Italie bien sombre,
l'époque des années de plomb. Autre point commun aux deux films la cérémonie vaudou toujours aussi réaliste à laquelle assiste, en transe, Donatella, similaire sous quasiment tous les angles à celle à laquelle prenait part Nadia Cassini. Et comme lors du final de son célèbre prédécesseur le protagoniste principal demande à sa fiancée de se donner sous ses yeux au domestique noir qui n'est autre que le substitut du personnage de Evaristo Marquez dans Il dio serpente.
Mais plus qu'une simple suite Nella misura in cui est surtout et avant tout une
autobiographie, celle de son réalisateur. Vivarelli se met en effet en scène et raconte tout simplement sa vie en y intégrant ses opinions politiques d'homme de gauche. Ce n'est donc pas un hasard si son personnage central porte son nom. Il y raconte son parcours sans pratiquement rien changer. Il demanda même à son fils Alessandro d'y tenir son propre rôle tout comme son scénariste attitré Ottavio Alessi apparait à plusieurs reprises dans le film. On y aperçoit aussi très brièvement Beryl Cunninham (interprétée par un sosie) tout en fourrures et coupe afro. La seule chose qu'il s'est permis de transformer ce sont les lieux. Il partit autrefois en Tunisie, c'est par contre en Colombie que se déroule l'action du film qui
s'avère cependant moins excitant que Il dio serpente malgré la magnificence des paysages colombins.
Que Nella misura in cui soit un film très personnel n'est pas son principal défaut. Son erreur majeure comme le reconnut Vivarelli est le choix des acteurs notamment celui de Duilio Del Prete, grand comédien de théâtre qui avait auparavant travaillé pour entre autres Cervi, Visconti et Risi. Sa récitation typique des comédiens venus des planches sonne souvent assez faux comme sa technique n'est peut être pas la plus adaptée à ce type de cinéma
alors que l'inexpérience de sa partenaire, Elide Melli, jeune actrice débutante dont c'était le premier rôle. sert le film. Cette différence de jeu nuit d'autant plus à l'ensemble que Nella misura in cui, assez inégal, est particulièrement bavard. Il n'est donc pas surprenant que les meilleurs passages restent les scènes de plage et la cérémonie vaudou. Ajoutons à ce déséquilibre l'incapacité du réalisateur à créer une véritable ambiance. Il n'y a ni réelle magie ni vraie montée dramatique. Nella misura un cui est une page de vie de son auteur aussi lisse qu'un reflet dans un miroir.
Difficile dans ces conditions de s'intéresser aux amours tourmentés de ce couple immoral.
Car le coeur du scénario est bel et bien l'histoire d'amour interdite entre une jeune fille de 17 ans et un quinquagénaire marié qui finiront tout deux par se perdre. Au bout du compte c'est elle qui se révélera la plus mature. Vivarelli avoue avoir voulu faire sciemment un film à scandale afin de choquer le public, il reconnait que ce fut une erreur. La pellicule tombe vite à plat à l'instar du discours politique trop superficiel pour faire mouche dans lequel Vivarelli expose de façon caricaturale ses idées d'homme de gauche viré communiste. Ne subsiste que trois points pour retenir l'attention du spectateur: la cérémonie et les éléments vaudous, l'exotisme des lieux et les scènes de nu y compris frontal tant de Elide Melli que de Duilio
Del Prete, version blond, qui nous offre une vision de son sexe en demi érection sous le soleil colombin (une audace qu'il avait déjà osé pour Una spirale di nebbia). sans oublier de mentionner le nu effronté d'un jeune indigène tout juste sorti de l'adolescence. On retiendra également les jolies musiques de Augusto Martelli très inspirées par Il dio serpente.
Distribué quelques années après la fin de l'ère du filon exotico-érotique, Nella misura in cui fut un échec retentissant lors de sa sortie. la maison de distribution fit également faillite. Ce sera un des derniers films de Vivarelli qui ne reviendra derrière la caméra que pour deux
pellicules sans grand intérêt, totalement oubliées aujourd'hui Provocazione et l'exotique La rumbera. En ce sens le final du film était un rien prémonitoire. après s'être rendu compte que le sexe libre, paradisiaque *, était une utopie, les deux amants se quittent en prenant séparément un taxi dans une Rome pluvieuse. Tout le symbole d'une part de la fin d'une époque, les années 70, où utopie rimait avec magie, d'autre part de la fin d'une carrière, celle de Vivarelli.
Nella misura in cui, titre tiré d'une expression alors à la mode dans le monde politique, est simplement une douce curiosité aujourd'hui rarissime difficilement visible car inédite, une oeuvre ratée mais dépaysante, un petit dépliant touristique empreint de rites locaux et de nus fulgurants, même si l'érotisme est somme toute discret, qu'on visionnera à la suite de Il dio serpente. Les deux extrêmes d'une carrière aux senteurs de sexe océan!