Los claros motivos del deseo
Autres titres:
Real: Miguel Picazo
Année: 1977
Origine: Espagne
Genre: Drame
Durée: 91mn
Acteurs: Juan Carlo Naya, Cristina Ramon, Emilio Siegrist, Patricia Adriani, Maria Luisa Ponte, Julia Gutierrez Caba, Pilar Bardem, Yolanda Farr, Clara Suner, José Luis Alexandre, Isabel Maria Perez...
Résumé: Andrea , une adolescente, aime observer les garçons de son âge plus particulièrement Javi et sa petite amie, envieuse. L'adolescente a un secret. Elle est en effet amoureuse de Javi, un garçon peu fréquentable, qu'elle espionne régulièrement de sa fenêtre. Javi devient une sorte d'obsession. Elle ne cesse de lui téléphoner, le suit, l'épie, prête à tout pour perdre sa virginité avec lui. Furieux Javi lui fait comprendre qu'elle ne l'intéresse pas même si au fond de lui elle suscite un étrange désir. Commence alors entre eux un jeu aux limites du sadomasochisme où chacun se complait à faire du mal à l'autre. Malgré ses refus, Andrea le poursuit, prenant un plaisir malsain à se faire souffrir comme Javi prend plaisir à l'humilier. Andrea ignore encore que son frère, homosexuel, est lui aussi amoureux de Javi...
Miguel Picazo restera surtout l'homme d'un seul film, l'excellent La tia Tula qui à sa sortie en 1964 fit grand bruit dans son pays d'origine, l'Espagne. Devenu depuis un classique du cinéma ibérique le film mettait en scène tante Tula, une femme sexuellement refoulée, excessivement pieuse, qui à la mort de sa soeur va s'occuper de ses deux enfants et de son beau-frère Ramiro. Si elle se comporte comme une mère et comme une épouse envers Ramiro elle refuse cependant tout engagement sexuel, toute forme d'amour et d'affection venant d'un homme, mais elle méprise étonnamment toutes les femmes qui approchent son
beau-frère. De plus en plus frustré Ramiro tentera de la violer. La tia Tula n'est jamais qu'un portrait sans concession de l'Espagne franquiste des années 60, une peinture de la répression sexuelle et de l'obscurantisme notamment dans les petites villes.
Après un très long passage à vide où il travailla essentiellement pour la télévision Picazo revient au grand écran en 1977 avec Los claros motivos del deseo (Les vraies motivations du désir en français), une oeuvre sulfureuse qui emprunte le même chemin que son célèbre prédécesseur en explorant non plus la sexualité adulte mais adolescente.
Andrea est une adolescente d'une quinzaine d'années qui adore la guitare. La jeune fille
devient une femme et de nouveaux désirs envahissent son corps. Avec ses amies elle aime épier les jeunes couples à la piscine plus spécialement celui que forme Javi, un nouveau venu, et sa copine, qui s'enlacent et s'embrassent comme on s'embrasse à cet âge. Andrea va très vite faire une fixation sur Javi, un adolescent un peu rude qui feint ne pas s'intéresser à elle. Javi est également le meilleur ami de son frère Valentin dont elle ignore l'homosexualité. Au fil des jours Andrea passe de plus en plus de temps à épier le garçon par sa fenêtre, le suivre, l'appeler au téléphone. Furieux Javi la rudoie et lui fait comprendre qu'il ne se passera rien même si Andrea ne le laisse pas indifférent. Entre eux s'installe
alors une sorte de jeu pervers, sadomasochiste, dans lequel chacun trouve un plaisir malsain à faire du mal à l'autre. C'est alors que Valentin avoue ses sentiments à Javi avant d'essayer de l'embrasser. Il réagit très mal à l homosexualité de son copain et le roue de coups. Le garçon décide alors d'accepter les avances de Andrea. Il lui vole sa virginité dans les toilettes d'un train pour Barcelone. Ce n'était qu'une humiliation de plus. Après l'avoir défloré Javi l'abandonne sur un quai en se moquant d'elle. Blessée, désespérée, Andrea sombre dans une sorte de folie. Elle fait une tentative de suicide. Totalement nue elle monte sur le toit de la chambre de javi et s'apprête à se jeter dans le vide.
De La tia Aula on retrouve ici la même ambiance, celle des petites provinces espagnoles sur lesquelles plane encore l'ombre de l'oppression. On y retrouve également ces désirs réfrénés à la différence près que cette fois ce sont ceux d'adolescents fraichement sortis de l'enfance qui doucement découvrent les premiers frissons de leur sexualité, les premières envies, les désirs tout frais d'homme et de femme encore fragiles, encore incertains. Alors qu'en Italie la teensploitation battait son plein en ce milieu de décennie avec toute une série d'oeuvres à l'érotisme morbide plus sulfureuses et scandaleuses les unes que les autres, l'impensable mais sublimissime La maladolescenza, le plus audacieux jamais tourné en
guise d'éblouissante apothéose, l'Espagne allait elle aussi s'intéresser à l'éveil de la sexualité adolescente, sous un angle peut être quelque peu différent mais aussi maladif ou voyeur.
Il ne faut malheureusement pas s'attendre à un film particulièrement osé malgré un scénario qui laisse espérer une pellicule exhibitionniste douloureuse, obsessionnelle et surtout sexuelle. Certes le sexe en ces temps difficiles est encore une arme redoutable plus encore pour les enfants et les adolescents, quelque chose d'interdit, de tabou. qu'on retrouve disséminés ça et là au détour de quelques scènes plus ou moins réussies (le test de
virginité que Javi tente sur Andrea en baissant son maillot de bain pour lui mettre brutalement un doigt) mais force est de constater que Picazo échoue à instaurer une véritable atmosphère. On reste dans la simplicité, la banalité routinière très certainement due à des impératifs de production. Plus qu'à un drame poignant, austère, c'est à une comédie tragique à l'espagnole à laquelle on assiste, le metteur en scène donnant souvent l'impression de ne pas vraiment savoir quel chemin emprunter, hésitant entre la dramatique pure et simple et la comédie, une indécision qu'une réalisation sans relief souvent inégale et de longues scènes de dialogue rendent un peu plus dérangeante. Difficile donc dans ces conditions de
véritablement s'intéresser aux tourments d'Andrea, d'éprouver de la compassion pour la malheureuse ou de la haine pour Javi, le mauvais garçon, comme il est difficile de rentrer dans leur jeu sadomasochiste. Tout est trop lisse, trop essuyé, d'autant plus inoffensif que Picazo a bien du mal à instaurer un quelconque climat de perversion, à faire jaillir tout la morbidité de cette relation obsessionnelle triolique très spéciale.
Les personnages sont à l'image du film, dessinés sans grande passion. Quelque soit leur dégradation morale, leurs vices, ils restent fades et guère passionnants. Quant à l'homosexualité de Valentin elle est simplement survolée, plutôt mal utilisée d'autant plus
que Valentin est constamment relégué au second plan. Il aurait été plus judicieux de mieux la développer en approfondissant le mal qu'elle pouvait faire en ces temps, combien elle pouvait détruire une vie. Tout le souffre, toute la tragédie de l'histoire s'en trouvent ainsi dilués lui faisant perdre beaucoup de son intensité, de sa dureté, de son ambiguïté.
Los claros motivos del deseo malgré ses défauts, ses points négatifs, son manque d'âme, n'est cependant pas un mauvais film. Surnagent ça et là de jolies scènes qui sauvent le film de l'ennui comme, outre le test de virginité dans la piscine, sa défloration dans les toilettes
d'un train, les humiliations qu'elle subit de la part de Javi, la révélation de l'homosexualité de Valentin et les réactions qu'elle provoque chez javi et dans sa famille et le final qui à lui seul vaut le visionnage de ce teensploitation ibérique, un des rares moments du film où Picazo a presque réussi à créer un climat de tension, de suspens. Autre atout les quelques plans de nudité adolescente dont Los claros motivos del deseo est émaillé. Même si on est loin, très loin, des excès italiens en la matière, même si Picazo reste sage voire pudique, il nous offre tout de même quelques plans de nu dorsal et frontal ainsi que quelques plans de ces deux jeunes héros en slip blanc sans oublier de mentionner le générique d'ouverture et ses
clichés très intimes du corps humain. De quoi ouvrir l'appétit du spectateur et le pousser à ne pas jouer du bouton "avance rapide".
Du coté des comédiens c'est la toujours en chair Cristina Ramon qui interprète Andrea, un peu trop mature pour incarner une adolescente tout juste réglée. Spécialiste éphémère de la teensploitation à l'espagnole, Cristina était déjà apparue dans Ya soy mujer! (Je suis une femme!), El fin de la inocenca (La fin de l'innocence) et Luto riguroso tous deux signés J. R Larraz. Javi est joué par Emilio Siegrist qu'on reverra par la suite dans Au delà de la terreur
de Tomas Aznar. Quant à Valentin c'est le jeune spécialiste du nu adolescent Juan Carlo Naya qui se glisse dans son slip, Juan qu'on reverra avant qu'il ne devienne un nom incontournable du théâtre espagnol dans quelques salacités telles que Jane mi pequena salvaje et surtout entièrement nu les trois quart du film, plus insolent, plus séduisant que jamais dans cette ode au naturisme qu'est Senza buccia.
Hésitant, inégal, Los claros motivos del deseo n'a pas pu su renouveler l'impact qu'eut vingt ans plus tôt La tia Aula. Abordé sans grand enthousiasme les turpitudes de la sexualité adolescente ne font guère mouche se classant assez loin derrière certaines productions italiennes. Reste une curiosité d'un autre temps à ce jour inédite, une obscurité ibérique qui évite heureusement l'anonymat par quelques coups d'éclat que l'amateur d'exploitation saura apprécier à sa juste valeur.