Frankenstein all'italiana
Autres titres: Plus moche que Frankenstein tu meurs / Frankenstein italian style / Casanova Frankenstein
Real: Armando Crispino
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Comédie horrifique
Durée: 90mn
Acteurs: Aldo Maccione, Jenny Tamburi, Gianrico Tedeschi, Lorenza Guerrieri, Anna Mazzamauro, Ninetto Davoli, Alvaro Vitali, Aldo Valletti, Alessandra Vazzoler,
Résumé: Le baron Frankie Frankenstein s'apprête à épouser Janet, sa fiancée américaine. La cérémonie est interrompue par le fils du baron, la fameuse créature, qui finalement s'écroule en pleine décomposition. Afin de lui redonner vie, il faut à Frankenstein des organes neufs qu'Igor son valet va lui apporter.Le monstre se transforme en un gros bébé à multiples personnalités dont la plus signifiante est une libido démesurée. Voilà qui arrange les assistantes du baron, particulièrement Alice, qui pour faire échouer le mariage, va comploter pour que le monstre couche avec Janet...
Il est difficilement pensable qu'un cinéaste tel que Armando Crispino ait pu terminer sa carrière par une telle bouffonnerie. Auteur d'un intéressant western christique (Johnny le bâtard), d'un giallo morbide (Frissons d'horreur) et d'un thriller plus classique cette fois mais tout aussi réussi (L'etrusco uccide ancora) ainsi que d'un nunsploitation sombre malheureusement méconnu (La badessa di Castro) Crispino s'est la plupart du temps orienté vers un cinéma empreint d'un soupçon de mysticisme. C'est pour dire que son ultime réalisation après dix courtes années de bons et loyaux services fait un peu l'effet d'une
mouche posée sur un mur fraichement repeint.
Le baron Frankenstein, Frankie pour les intimes, revient au château familial en compagnie de sa future Janet. Ils doivent se marier dés leur arrivée. Malheureusement la cérémonie est interrompue par la créature du baron qu'il considère comme son fils. Et la créature est bien malade puisqu'elle se décompose. Frankenstein va devoir trouver d'autres organes pour redonner vie à son fils. Igor son valet bossu est chargé de les lui procurer. Par une nuit d'orage avec l'aide de ses deux assistantes Alice et Maud et d'Igor Frankenstein lance l'expérience qui contre toute attente réussit. La créature vit et n'est jamais qu'un gros bébé
dont Igor sera un temps la nounou. Malheureusement Igor ayant lors du vol d'organes mélangé plusieurs cerveaux la créature a de multiples personnalités dont la dominante est celle d'un obsédé sexuel. Si cette facette satisfait la libido des assistantes du baron elle sert également à Alice qui jalouse de Janet va tout faire pour que le baron découvre son fils dans le lit de sa future épouse. Ainsi elle pourrait réaliser son rêve: devenir Madame Frankenstein. Le plan réussit mais l'issue n'est pas celle qu'espérait Alice. Le baron renie sa créature qu'il chasse du château. Après avoir pensé à un suicide collectif afin que le nom des Frankenstein ne soit pas à jamais déshonoré le baron se ravise. Sa libido étant elle aussi
très forte il a l'idée de castrer la créature pour greffer ses testicules à la place des siennes. Malheureusement la transplantation échoue, les testicules explosent. Père et fils sont châtrés. Voilà qui fait le bonheur d'Igor qui a désormais pour lui seul les trois femmes du château.
Frankenstein all'italiana est en fait la seule réponse italienne au succès international du film de Mel Brooks Frankenstein junior, une tentative réussie de donner vie à une version humoristique du mythe crée par Mary Shelley. Mais à l'humour de Brooks se substitue ici un humour d'une lourdeur titanesque empreint d'une profonde débilité qui donne la fâcheuse
impression que le film a été écrit par une bande de gamins. A l'aube de la sexy comédie qui en était alors à ses premiers balbutiements, nous sommes en 1975, on y retrouve la vulgarité, l'aspect souvent bête et graveleux renforcé par la présence de la future star du genre Alvaro Vitali, le manque absolu de toute finesse. Seul point qui le différencie de ces comédies populaires est l'absence de tout érotisme.
Sans grande inventivité Crispino se contente donc d'aligner le plus grand nombre de gags possible en un minimum de temps dans une ambiance survoltée, hystérique où chacun gesticule comme un diable dans un bénitier. Faire de l'humour, faire rire est un art qui n'est
pas à la portée de tous et visiblement pas de Crispino à des années lumière de son registre habituel. Cette parodie de parodie, grossière, affligeante dans son humour pétaradant qui au fil des minutes devient de plus en plus indigeste pourra certes plaire à ceux qui trouvent plaisir dans l'incongruité ventrale. La créature pète, rote, recrache sa nourriture au visage de sa "nounou", joue au bébé capricieux. Voilà qui est d'autant plus déplorable que d'une telle farce horrifique dirigée par un cinéaste aussi capable que Crispino, menée de surcroit par une distribution fort honorable on était en droit de s'attendre à mieux, beaucoup mieux. Les gags s'étirent comme certaines scènes qui n'en finissent plus (notamment celle du déjeuner
qui semble interminable et donne l'impression d'être totalement improvisée). Les dialogues tant italiens que français sont d'une crétinerie lénifiante et donnent là encore l'impression de partir de temps à autre en sucette comme si les acteurs inventaient leurs répliques au milieu d'un insupportable tohu-bohu. C'est dire que cette cour de récréation pour grands enfants qu'est Plus moche que Frankenstein tu meurs risque rapidement d'en crisper plus d'un voire d'avoir raison des plus résistants.
Le constat est d'autant plus consternant que le film n'est pas exempt de quelques idées intéressantes bénéficiant même de quelques rares bonnes séquences. Imaginer une
filiation père-fils entre le baron et la créature en était une comme faire du monstre un être à l'appétit sexuel démesuré, source potentielle d'érotisme grivois fort bienvenu. Intéressant également les manigances de chacun afin d'évincer Janet et se rapprocher du baron. Malheureusement tout reste à l'état d'ébauche, de brouillon ou ne dépasse guère le stade du suggéré à l'image de l'érotisme qui se résume à un plan de la poitrine nue de Janet et la prostituée fellinienne gargantuesque (Allessandra Vazzoler) qui dépucèle le monstre. Pour le reste on se contentera de hors champs qui feront vagabonder l'esprit du spectateur. On aurait pu aussi apprécier le final très en adéquation avec un cinéma de genre italien toujours
aussi enclin à l'exagération avec sa transplantation de testicules et l'explosion des appareils génitaux réduits au son de l'éclatement symbolique de ballons gonflables, quelques nappes de fumigène et un liquide rouge en ébullition dans un tube à essai géant.
Au crédit du film une très jolie reconstitution studio de l'attirail gothique et notamment du château superbement mis en valeur par une magnifique photographie, l'utilisation judicieuse de quelques décors naturels comme le célèbre parc aux monstres de Bomarzo, quelques plans surréalistes ou poétiques (la danse qui clôt le film) et une affiche qui regroupe les toujours ravissantes Jenny Tamburi et Lorenza Guerrieri, le vétéran Gianrico Tedeschi qui
incarne le baron, la grande curiosité du film le singulier Aldo Valletti qui restera à jamais le Président, un des quatre bourreaux de Salo, ici dans un tout petit rôle durant lequel il nous montre tout de même ses fesses malingres et le pasolinien Ninetto Davoli dans la peau d'Igor le valet bossu que la créature finira pour débosseler (une des bonnes idées du film). Electrique, branché dirait-on sur 100000 volts Ninetto en fait des tonnes, tombe vite dans la surenchère irritante jusqu'à presque voler la vedette au baron et son fils. Seul bémol à ce casting le choix d'Aldo Maccione dans le costume du monstre. Tout juste sorti de la 7ème compagnie, jugeant que la France ne le payait pas à sa juste valeur, Maccione retourne en
Italie et décroche le rôle. S'il n'avait pas encore inventé son personnage d'Aldo la classe et sa célèbre démarche, dissimulé sous un faux crâne en plastique et maquillé de blanc il fait tout de même du Aldo, égal à lui même. Si Alvaro VItali également présent au générique dans la défroque du prêtre saoul et bigleux a su construire un personnage basé sur sa monstruosité physique sympathiquement idiot jusqu'à faire de lui une sorte de star populaire, Maccione n'a jamais dépassé le simple stade de la caricature répétitive du simple macho de plage sans talent aucun.
D'une puérilité souvent consternante, Plus moche que Frankenstein tu meurs est un piètre spectacle difficilement digérable, un pastiche horrifique qui malgré une esthétique agréable et ses quelques bonnes idées va crescendo dans la crétinerie. A réserver aux plus endurcis ou à voir comme une simple curiosité. Il est en tout cas regrettable que la carrière de la trempe de Armando Crispino se soit terminée sur ce faux pas.