Cuatro lunas
Autres titres: 4 lunes / Four moons
Real: Sergio Tovar Velarde
Année: 2014
Origine: Mexique
Genre: Drame
Durée: 109mn
Acteurs: Antonio Velazquez, Alejandro de la Madrid, Cesar Ramos, Gustavo Egelhaaf, Alonso Echanove, Alejandro Belamonte, Gabriel Santoyo, Sebastian Rivera, Hugo Catalan, Jorge Luis Moreno, Alberto Estrella, Monica Dionne, Marta Aura, Astrid Hara...
Résumé: Un enfant d'une douzaine d'années découvre son attirance pour les garçons à travers son cousin. Deux amis d'enfance hétérosexuels réalisent qu’ils sont irrésistiblement attirés l’un par l’autre. Leur amitié d'hier se transforme en un amour passionnel mais l'un d'entre eux n'assume pas son homosexualité aux yeux de son entourage. Un couple bien installé dans la vie, après dix années de vie commune, voit sa relation voler en éclats lorsque l'un deux, las de la routine, rencontre un autre homme dont il s'éprend. Un sexagénaire marié rencontre un jeune et très attirant prostitué dans un sauna. Fasciné, il entend vivre avec lui la part d'homosexualité qui sommeille en lui depuis trop longtemps...
Plus on explore la richesse du cinéma gay en provenance d'Amérique centrale et d'Amérique et du sud, comme son équivalent espagnol et portugais, plus on en découvre non seulement l'audace mais surtout la force et la sincérité. D'Argentine, du Chili, du Brésil notamment mais aussi du Mexique nous sont parvenus au fil du temps de véritables petits chefs d'oeuvres dont fait indiscutablement partie Cuatro lunas réalisé en 2014 par le mexicain Sergio Tovar Velarde, jeune cinéaste spécialisé dans le court métrage remarqué en 2007 avec Aurora Boreal, une tragédie adolescente sur le suicide.
Ces quatre lunes sont en fait quatre histoires, celles de quatre couples qui chacune illustre à sa manière une des nombreuses faces de l'homosexualité masculine. Hugo et Andres sont ensemble depuis maintenant dix ans. Bien installé leur couple, exemple même de la réussite, semble inaltérable aux yeux de leurs amis. Pourtant Hugo est las de la vie que lui offre Andres qu'il juge aujourd'hui trop féminin. Leur intimité en souffre. Hugo désireux de vivre quelque de chose de sexuellement plus puissant, plus viril, s'éloigne inexorablement d'Andres. Il fait la connaissance de Sebastian, un garçon masculin chaud comme la braise, adepte des back rooms dont il tombe amoureux. Désespéré à l'idée de perdre Hugo Andres
lui propose de reconstruire ce qui au fil du temps s'est brisé afin de ressouder leur couple. Hugo accepte mais incapable de choisir entre son amant et Sebastian, leur relation va violemment voler en éclats mais le grand perdant n'est peut être pas celui qu'on croit.
Leo et Fito, deux étudiants hétérosexuels en apparence, sont amis d'enfance. Après s'être perdus de vue quelques années, ils se retrouvent par hasard. Dés leurs retrouvailles quelque chose de très fort nait entre eux. Leur amitié se transforme en une nuit en amour. Si Fito accepte son homosexualité, Fito refuse de s'afficher en public, effrayé par la réaction des gens. Ce refus de se montrer, cette volonté de toujours vivre caché va lentement épuisé Fito
qui finit par faire son coming-out. Leo s'y refuse malgré l'amour qu'il porte à Fito. La mort dans l'âme Fito met fin à leur relation au grand désespoir de Leo qui devra faire un choix capital: accepter son homosexualité et la vivre au grand jour ou perdre à jamais Hugo dont il est éperdument amoureux.
Joaquim est sexagénaire, marié, père de famille, poète reconnu à qui la ville s'apprête à rendre hommage. Il aime en secret errer dans les sauna gay. Il y fait la connaissance d'un jeune prostitué, Gilberto, qui de suite le fascine. Dans un premier temps Gilberto se refuse à lui mais à force d'insister il cède mais l'oblige à lui verser une grosse somme d'argent. Le
vieil homme découvre des plaisirs qu'il ne soupçonnait pas et doit à chaque fois payer de plus en plus cher pour revoir ce garçon qui lui tourne la tête. Au fil du temps les deux hommes se découvrent, commencent à s'apprécier. Gilberto, hétérosexuel à la base, se prostitue pour parvenir à quitter définitivement la ville avec sa femme et son fils. Joaquim lui apporte sa sagesse et sa vision de la vie à travers ses poèmes. Une relation trouble inter générationnelle se dessine entre eux.
Mau à 12 ans. Il découvre son attirance pour les garçons à travers son cousin Oliver légèrement plus âgé. Il l'attire chez lui en lui proposant de jouer aux jeux vidéo jusqu'au jour
où il lui demande timidement de lui montrer son sexe circonsis. En échange il lui montrera le sien. Oliver accepte comme il accepte qu'il le masturbe. En réalisant ce qui se passe, son cousin finit par s'enfuir. Toute l'école sera au courant. Mau sera passé à tabac par son Oliver et ses amis. Il devra expliquer les raisons humiliantes de cette bagarre. Catholique, intransigeant, son père ne pourra accepter que son fils soit gay. Seule sa mère restera à ses cotés jusqu'à ce qu'elle parvienne à faire voir les choses différemment à son mari.
Aimer et être aimé c'est ce que tout homme tant hétérosexuel que homosexuel espère un jour dans sa vie même s'il est aussi difficile et compliqué d'aimer et d'être aimé, encore plus
peut être si on est gay. Velarde a réussi le tour de force de mettre en scène quatre histoires qui dépeignent parfaitement bien cette difficulté tout en décrivant diverses manières parmi les formes les plus courantes, les moins marginales, de vivre son homosexualité. Chacun pourra donc se retrouver, se reconnaitre, s'identifier à l'un des protagonistes tant les situations décrites sont monnaie courante chez l'homosexuel d'aujourd'hui. La peur de la vivre au grand jour terrorisé à l'idée des réactions de la famille, des amis, du regard des autres dans la rue, l'amitié qui se transforme en amour, la première approche et la crainte d'un monde encore inconnu, le trouble, l'homosexualité latente qui peut se réveiller à tout
âge, les relations intergénérationnelles et la peur de vieillir, la prostitution facile par contrainte plus que par choix, la découverte de l'homosexualité, des premiers désirs, chez l'adolescent pré-pubère, les questions qu'elle fait naitre en lui, l'incompréhension et surtout l'homophobie, la violence qu'elle engendre à l'école, au sein de la famille. Mais la vivre librement, l'accepter totalement, être heureux en couple ne met cependant pas à l'abri d'une grave crise conjugale qui en remet en cause les bases dont la fidélité jusqu'à son explosion.
Velarde fait se chevaucher ses quatre histoires qui se mêlent, s'entremêlent mais restent pourtant entièrement indépendantes l'une de l'autre tout en se complétant cependant. Cette
construction est une des grandes forces du film qui joue ainsi sur toute une palette d'émotions, de sentiments, reflet de ce qu'est l'amour tant dans son bonheur que dans son malheur. ces phases par lesquelles tout homme, plutôt tout être humain puisque l'hétérosexuel connait lui aussi ses mêmes étapes, passe lorsqu'il aime. Le cinéaste a réalisé un film sur l'homosexualité mais il s'adresse tout autant aux hétéros. On pourrait qualifier 4 lunes de film gay "hétérosexué" tant il parlera avec une aisance sidérante à un très vaste public pour ne pas dire à tout le monde.
4 lunes est une pellicule d'une sincérité touchante, d'une justesse étonnante aussi bien
dans la façon d'aborder les thèmes que dans le jeu des acteurs d'un naturel fascinant. Velarde touche son spectateur en plein coeur, lui donne une leçon de vie et d'espoir qui bien souvent lui tirera les larmes des yeux mais le fera également rire et sourire, lui apportera peut être des réponses du moins lui montrera la voie à suivre dans ses choix, ses dilemmes, ses désirs. Quelque soit son orientation sexuelle, quelque soit l'âge, aimer, vivre à deux demeure un défi, une lutte permanente. L'amour est une incroyable palette d'antagonismes avec lesquels Velarde joue à travers ses lunes avec une sensibilité à fleur de peau. Tout en nuance et sensualité cette attachante pellicule en deviendrait presque
épidermique. Emouvante, poignante, douce et cruelle, elle est également pleine d'humour comme certaines situations peuvent le devenir dans une relation. La maladresse, l'embarras, la gêne, la timidité teintée de peur sont ici magnifiquement dépeintes.
Même si 4 lunes reste pudique, suggère plus qu'il ne montre sexuellement parlant, il nous offre quelques très belles scènes de nu sans complaisance ni voyeurisme. La nudité fait partie de la relation. Velarde la montre avec charme et tendresse parfois humour comme lors de l'initiation au sexe anal des deux étudiants, une séquence d'anthologie certes osée mais si drôle, si naturelle, si décomplexée qu'elle en devient presque attendrissante. Les scènes
au sauna sont tout particulièrement enivrantes et très chaudes comme celle de la back room. Elles rappelleront aux amateurs l'ambiance si caractéristique qui règne en ces endroits de drague incandescente. Le charme, la beauté non pas préfabriquée, artificielle mais simplement naturelle des comédiens à l'image même de leur jeu d'une justesse remarquable est un atout de plus, en tête Antonio Velazquez, Alejandro de la Madrid, Cesar Ramos et Gustavo Egelhaaf, pour la plupart tous venus de la télévision. S'ajoutent à cette distribution de premier ordre la beauté brut de décoffrage des virils Hugo Catalan, sauvage et ténébreux, notamment remarqué dans le très bon Clandestinos, Velociraptor et le foudroyant
Tout le bonheur du monde, et Alejandro Belafonte qui nous enflammera lors d'explicites scènes de sauna ultra sexy. On saluera également la difficile prestation des petits Gabriel Santoyo dans le rôle de Mau et de son cousin Gabriel Rivera, deux comédiens en herbe parfaitement à l'aise dans des compositions peu évidentes.
Devenu au fil des mois un véritable film culte du cinéma gay, moult fois récompensé dans de nombreux festivals à travers la planète mais cependant méconnu en France, 4 lunes est le reflet de la vie et de la difficulté d'aimer. Sergio Tovar Velarde signe une oeuvre belle, fraiche, pleine de tendresse, tout en émotion, qui ne laissera personne indifférent. Il offre une bouffée
d'air pur et surtout d'espoir à tout ceux qui souffrent de ne pas aimer ou d'être aimés, apporte également quelques réponses aux questions, aux doutes qu'on peut connaitre, aux épreuves qu'on traverse chaque jour dans une relation à deux. 4 lunes est une oeuvre intelligente même si elle n'évite pas certains clichés et quelques facilités facilement pardonnables face à une telle réussite qui fera verser quelques larmes aux plus sensibles... et aux autres.
De quoi apporter une nouvelle fois la preuve de la force du cinéma gay latino.