Aborto criminal
Autres titres: Criminal abortion
Real: Ignacio F. Iquino
Année: 1973
Origine: Espagne
Genre: Drame
Durée: 75mn
Acteurs: Simon Andreu, Emma Cohen, Silvia Solar, Maximo Verde, David Rocha, Jackie Lombard, Patricia Reed, Maria Reniu, Manuel Zarzo, Carmen De Lirio, José Luis Pellicina, Francisco Piquer, Josefina Guell, Carlos Otera, Julian Navarro...
Résumé: A Barcelone, plusieurs femmes ont recours à l'avortement clandestin. Parmi elles Anna, une jeune fille tombée enceinte d'un homme marié. Incapable de surmonter l'épreuve elle se suicide. Sa mort met la police sur la trace d'un réseau d'avortement clandestin. D'autres jeunes femmes vont également se faire avorter. Parmi elles Menchu, une fille de bonne famille qui a choisi une vie marginale, Rosa, une femme mariée tombée enceinte de son amant et Lola, une prostituée qui finalement refusera de perdre son bébé. L'inspecteur Roland mène l'enquête bien décidé à mettre la main sur cette organisation...
Aborto criminal est avant tout réputé en Espagne pour être le film le plus mauvais jamais tourné durant la décennie, le plus ridicule également. Chose surprenante lorsqu'on visionne cette bande qui s'ouvre sur un carton d'avertissement qui informe le spectateur que le film est classé d'intérêt général. Voilà de quoi espérer une pellicule informative sur un sujet difficile: l'avortement clandestin. Pour mieux comprendre ces différents sons de cloche, il faut tenter de disséquer cette étrange petite série réalisée en 1973 par le prolifique scénariste-metteur en scène-producteur et photographe Ignacio Farrés Iquino, nom incontournable du cinéma
ibérique durant près de quarante ans, auteur d'une série de western paëlla (5 rafales pour Ringo), de bon nombre de comédies érotiques et surtout des Tueurs de Madrid, un classique du polar qui jadis révolutionna le genre tant il était innovateur.
Iquino a voulu traiter d'un sujet difficile et surtout tabou, l'avortement, plus spécialement l'avortement clandestin, à une époque où celui était strictement interdit et devait passer par des réseaux secrets souvent composées de femmes, de mégères qui le pratiquaient de manière barbare. En ce début de décennie l'Italie avait déjà abordé ce thème notamment avec Qu'avez vous fait à Solange, un giallo d'autant plus sombre et glauque qu'il touchait
l'adolescence. Avec Aborto criminal Iquino a voulu donner une vision plus informative, faire un film social dont on imagine l'impact dans l'Espagne franquiste d'alors. L'idée était très intéressante, particulièrement audacieuse. On pouvait donc espérer beaucoup d'un tel projet en sachant que le cinéma espagnol d'alors n'a jamais eu peur de bouleverser l'ordre en dépassant certaines limites que même l'Italie ne s'était pas encore permise de franchir. Le résultat est loin, très loin d'atteindre ce qu'on pouvait en attendre. On pourrait même dire qu'il n'atteint absolument rien.
Ignacio F. Iquino signe un film brouillon, qui part tout azimut, souvent ridicule, par moment
incompréhensible puisqu'il s'embrouille dans des histoires parallèles. Aborto criminal s'ouvre sur une voiture qui tombe d'une falaise, un accident semble t-il provoqué par une bande de voyous vêtus à la Orange mécanique. Pourquoi un tel accoutrement pourra se demander le spectateur? Tout simplement car c'était à la mode déclara l'acteur David Rocha, un des délinquants. C'est en tout cas un moyen de nous présenter la jolie Menchu, une bourgeoise qui a choisi une vie de marginale et semble avoir eu jadis une relation avec l'inspecteur Roland chargé de l'enquête sur ces avortements illégaux. Cette introduction prometteuse n'était qu'un leurre puisque dorénavant Aborto criminal va prendre sa vitesse
de croisière, ronronnant et ronflant. Iquino présente alors ses différentes protagonistes toutes souhaitant avorter en secret., Une fille de bonne famille malencontreusement tombée enceinte, une jeune femme mariée qui attend un enfant de son amant tout en entretenant une relation lesbienne et une putain qui a caché son état à son souteneur. Lorsque la femme mariée se suicide incapable de surmonter la perte de son enfant l'enquête peut commencer car l'inspecteur flaire un réseau secret. Il va remonter la filière du moins on le suppose puisque Iquino préfère se perdre dans des sous intrigues passionnelles bavardes, mornes ponctuées de scènes involontairement drôles.
Aucun des personnages n'est correctement défini pas même ces malheureuses femmes qui sont simplement là pour que le film existe. Difficile d'éprouver le moindre frisson, de ressentir une quelconque compassion ou tout autre sentiment encore moins d'être bouleversé par ces pratiques monstrueuses d'autant plus que la mise en scène est quasi inexistante, du niveau d'un banal téléfilm. A se demander ce que Iquino a réellement voulu faire. Exit tout le coté informatif, social, adieu scènes traumatiques et force narrative. Place à un ennui incommensurable et c'est plus souvent sur sa montre que le spectateur aura les yeux rivés que sur son écran, las qu'il ne se passe rien. Aborto criminal devient vite non
seulement ennuyant mais aussi risible par sa légèreté et son manque de sérieux.
Surnagent ça et là quelques séquences qui font effet notamment le suicide de Anna, qui, inconsolable, hantée par les images de son avortement gravées dans son subconscient, incapable de supporter ce vide qui habite désormais son ventre, se défenestre. A retenir également une scène d'avortement assez effroyable même si suggérée, les mégères armées d'un crochet triturant sans ménagement l'entrejambe d'une malheureusement pour lui arracher son foetus au son symbolique d'un marteau-piqueur (!) et une scène hallucinatoire d'acid party orgiaque où on retrouve les voyous du début qui finalement nous
rappelle qu'on est plus dans un pur film d'exploitation que dans un film à tendance didactique.
L'interprétation est à l'image de la pellicule elle même malgré quelques noms récurrents du cinéma ibérique. Simon Andreu en souteneur n'est jamais très crédible mais très drôle lorsque, déchainé, il vient chercher sa catin en pleine séance d'avortement. . Silvia Solar, amante lesbienne, n'a que bien peu de scènes, Maximo Valverde dans l'imperméable de l'inspecteur est aussi fade qu'un quelconque Cordier juge et flic. Seule la regrettée Emma Cohen (Anna) et la charmante Maria Reniu (Menchu) apportent un peu de crédibilité à leur
personnage. Quant à l'androgyne sex-symbol David Rocha il ne fait malheureusement qu'apparaitre trop brièvement.
Rythmée par une bande originale hideuse qui alterne passages jazzy et morceaux inspirés de La passion de St Mathieu de Bach joués à l'orgue, Aborto criminal est un film raté, une lourde déception autant pour tout ceux qui en espéraient une suite d'images choc et d'avortements cliniques monstrueux bien glauques, en somme un film d'exploitation malsain et voyeur tel qu'on les aime, que pour ceux qui en auraient attendu une oeuvre plus informative et délicate. En résumé Aborto criminal est un film sur l'avortement... avorté.