Tutto l'amore che c'è
Autres titres:
Real: Sergio Rubini
Année: 1999
Origine: Italie
Genre: Comédie dramatique
Durée: 90mn
Acteurs: Damiano Russo, Michele Venitucci, Francesco Cannito, Pierluigi Ferrandini, Antonio Lanera, Marcello Introna, Antonio Tuzza, Francesco Lamacchia, Celeste Pisenti, Vittoria Puccini, Alessandra Roveda, Teresa Saponangelo, Sergio Rubini, Margherita Buy, Gérard Depardieu, Sascia Ugenti...
Résumé: Les années 70 dans une petite bourgade trop ordinaire de la région des Pouilles. Carlo, 17 ans, adolescent timide et observateur, fait partie d'un groupe de rock monté par ses amis plus âgés que lui. Le village ne vit que pour la pièce de théâtre annuelle que prépare le père de Carlo. L'arrivée de trois jeunes milanaises riches et émancipées va bouleverser la monotonie de la vie de cette bande de jeunes qui en tombe vite amoureux. Un drame se dessine pourtant à l'horizon qui changera à jamais la vie de Carlo et certains de ses amis...
Cinquième long métrage du comédien-metteur en scène Sergio Rubini, Tutto l'amore che c'è s'inscrit dans le courant d'un nouveau cinéma italien né au début des années 90 qui subrepticement remplaça les comédies adolescentes douce-amères des années 70, une décennie à laquelle certains auteurs tentèrent même de redonner vie en situant leurs films au coeur même de cette époque magique comme ce fut le cas par exemple pour Radiofreccia auquel Tutto l'amore che c'è se rapproche sous certains aspects.
L'histoire se situe dans une petite ville des Pouilles dans la région de Bari au milieu des années 70. La vie s'y écoule monotone, ordinaire. La fermeture de l'usine semble être la seule préoccupation des villageois. Seule la préparation de la pièce de théâtre annuelle semble injecter un peu d'adrénaline au bourg. Adolescent introverti, timide et encore vierge, Carlo, 17 ans, trouve un peu de réconfort auprès de son amie d'enfance mais surtout auprès de sa bande d'amis plus âgés que lui. Il est aux claviers d'un groupe de rock que quatre d'entre eux ont formé. Ambitieux, fans de King Crimson et de Genesis, ils rêvent un jour d'être célèbres malgré l'amateurisme de Carlo qui a du mal à supporter les obsessions de son père pour la pièce de théâtre qu'il répète avec rigueur. Entre eux les désaccords fusent. Un jour trois superbes milanaises émancipées, filles d'un riche ingénieur de passage, débarquent en ville. Toute la bande en tombe amoureux. Malgré leurs différences sociales, elles vont faire chavirer leur coeur et apporter un peu de piment à leur morne existence. Même s'il a une petite amie nommée Maura, Nicola tombe amoureux de l'une d'entre elles, Gaia, avec qui il va la tromper. Carlo s'éprend de la plus jeune, Lena, avec qui il aimerait perdre sa virginité. Lorsque Maura découvre l'infidélité de Nicola, elle décide de se venger en sortant avec un jeune motard afin de le rendre jaloux. Le jour des festivités approche. Carlo doit se produire sur scène avec son groupe mais il s'aperçoit au dernier moment qu'on l'a remplacé par un autre musicien plus talentueux sans rien lui dire. Alors qu'ils jouent Maura est victime d'un accident de moto auquel elle ne survivra pas. Plus rien ne sera désormais comme avant pour Carlo et ses amis. Le jour de la représentation de la fameuse pièce de théâtre, l'adolescent refuse de monter sur scène. Il le fera finalement par amour pour Lena qui lui promet de se donner à lui s'il change d'avis. Ce sera l'occasion pour l'adolescent de pouvoir enfin s'exprimer et trouver une liberté tant désirée.
Sergio Rubini connait son sujet. Avec tact et savoir-faire il dresse d'une part un portrait de la jeunesse italienne provinciale de ce milieu de décennie noyée dans la monotonie d'une vie routinière plongée dans l'immobilisme, à travers une bande de jeunes coincés dans une bourgade du sud de l'Italie qui ne semble vivre que pour le spectacle annuel, seule période de l'année où les gens semblent vivre. La seule ambition de ces jeunes est d'être un jour célèbres grâce au groupe de rock qu'ils ont formé, une façon de s'évader et rêver, de se donner un but. Lentement mais sûrement Rubini nous les fait découvrir, leur donne une certaine dimension personnelle au fil des épreuves qu'ils traversent mais également de la pièce de théâtre mise en scène par le père de l'un deux, Carlo dit Carletto, un adolescent timide et réfléchi, puceau mais très observateur. D'une certaine façon c'est à travers son regard qu'on va suivre l'évolution de chacun, que le film se déroule et s'axe. Avec méticulosité et surtout nostalgie, le cinéaste tente de recréer l'atmosphère de ces années bénies tout en utilisant du mieux que possible cette région qu'il connait très bien puisqu'il en est originaire. Délicatesse, légèreté, mélancolie sont ainsi au rendez-vous sur fond de jolis décors naturels.
D'autre part il met en évidence les différences entre le nord du pays représenté par les trois filles, riches, émancipées, libres, à la sexualité débridée et le sud, bien plus pauvre, plus traditionaliste, très en retard tant sur le plan économique que culturel, qu'incarnent Carlo et ses amis. Le choc de ces deux cultures d'un même et unique pays va évidemment créer bien des déséquilibres tant émotionnels, sentimentaux, qu'idéologiques chez ces jeunes qui soudainement découvrent une autre vie que celle dans laquelle ils ont grandi.
Les intentions de Rubini sont louables, intéressantes. Il connait son sujet, possède un certain talent artistique, parvenant à faire de son film une sorte d'aquarelle attachante, sympathique, tout en demi teinte. Il manque cependant à l'ensemble une âme, cette profondeur qui aurait donné au film cette émotion qui lui fait défaut.
Il est regrettable en fait que Rubini n'ait pas plus approfondi son discours social, historique et politique laissé à l'état de brouillon, qu'il ait traité de manière un peu trop superficielle cet esprit rebelle, contestataire et libertaire propre à ces années. Il est loin très loin d'être incisif donc percutant tout comme il ne suffit pas de quelques affiches d'époque, quelques vinyles cultes (King Crimson, Bowie...), de porter pour certains jeans pattes d'éph' et cheveux longs pour recréer les années 70 qui au final pourraient très bien être les années 80 ou 90. Contrairement à Radiofreccia qui traitait de la naissance des radios libres en Italie, un sujet évoqué également ici, l'époque n'est pas assez marquée pour vraiment faire illusion et par conséquent provoquer la nostalgie si attendue. Finalement après un début prometteur placé sous le signe historique Tutto l'amore che c'è se transforme en une comédie juvénile classique avec ce que cela comporte: rituels et stratégies de drague, virées nocturnes, leçons de sexe, déniaisage... Rubini n'a pas vraiment su concilier les deux.
Le final surprendra par contre tant le metteur en scène change radicalement de ton optant soudainement dans la dernière partie du film pour une inattendue montée dramatique, poignante, magnifique, pleine d'émotions, partagée entre le concert en plein air, l'accident tragique de Maura et l'émouvante conclusion de la pièce de théâtre jusqu'à la scène de clôture lors de laquelle il retrouve le temps de quelques splendides scènes l'atmosphère contestataire de l'époque, une fin positive, heureuse qui reflète bien l'esprit d'alors, Carlo et Lena, en parfaits hippies, quittant en stop cette ville, cheveux au vent. La vie pour Carlo peut enfin commencer.
Tutto l'amore che c'è bénéficie d'une très belle interprétation, le jeune et si charmant Damiano Russo en tête, dont le regard triste, désenchanté, la fragilité, l'introspection, l'androgynie, en séduira plus d'un. Premier véritable rôle de Damiano après une apparition dans Io non ho la testa, il reçut pour sa touchante prestation dans le film de Rubini deux globes d'or et le prix du meilleur jeune espoir. Promu nouvelle idole du cinéma italien des années 2000, la carrière de Damiano s'arrêta tragiquement en septembre 2011. Damiano décédera à tout juste 28 ans des suites d'un accident de moto. Une raison s'il en fallait une de découvrir cette comédie aigre-douce où on retrouvera également un tout jeune Michele Venitucci qui nous offre quelques nus autour de comédiens locaux inconnus mais tous parfaitement justes.
La partie féminine revient à Vittoria Puccini, désinhibée, impudique notamment lors d'un insolent nu frontal, Celeste Pisenti, Alessandra Roveda et Antonia Saponagelo.
Plus étonnant est l'apparition furtive de Gérard Depardieu en paysan crasseux et vociférant, propriétaire de la grange où le groupe de Carlo répète, bibendum aussi inutile que ridicule dont le scénario aurait pu se passer puisqu'il ne lui apporte absolument rien si ce n'est de gâcher les rares scènes où il apparait.
Sergio Rubini, excellent, s'offre le rôle du père de Carlo et metteur en scène de la pièce de théâtre.
Rythmé par une bande son composée notamment de morceaux du King Crimson, Santana auxquels se joignent les musiques originales signées Michele Fazio Tutto l'amore che c'è à défaut d'être une profonde réflexion socio-politique sur la vie et la jeunesse provinciale de l'Italie des années 70 est une jolie comédie adolescente, fraiche, par moment exubérante, teintée d'une agréable once de nostalgie, interprétée par de jeunes comédiens à l'image de leur rôle, ponctuée par quelques séquences drôles et émouvantes (l'initiation au sexe de Carlo par ses amis). Rubini a tout simplement mis en scène ses souvenirs. Si cette auto biographie n'est pas une totale réussite, elle n'en demeure pas moins une oeuvre belle et divertissante, une douce mélancolie menée par Damiano dont il est impossible de ne pas tomber amoureux.