Mystère
Autres titres: Dagger eyes
Real: Carlo Vanzina
Année: 1983
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 85mn
Acteurs: Carole Bouquet, Duilio Del Prete, John Steiner, Phil Coccioletti, Gabriele Tinti, Janet Agren, Peter Berling, Marcia Briscoe, Livio Galassi, Lionello Pio Di Savoia, Samuele Goldzager, Gregory Snegoff...
Résumé: Mystère est une prostituée de luxe qui avec son amie Pamela s'offre de richissimes clients. Une nuit alors qu'elles sont au service d'un touriste allemand nommé Reinhardt, Pamela lui vole son briquet en or qu'elle met dans la bourse de Mystère. Quelques heures plus tard, Reinhardt est assassiné par un énigmatique tueur qui devait récupérer l'objet. Il retrouve la trace de Pamela et l'assassine à son tour. Réalisant qu'elle n'a pas le briquet, il part à la recherche de Mystère afin de la tuer et reprendre possession du briquet qui en fait contient les négatifs des photos d'un meurtre commis quelques jours plus tôt à Rome. Mystère échappe de peu à la mort. L'inspecteur Colt va la protéger ignorant que l'assassin n'est autre que son propre chef, membre d'une organisation d'espionnage russe...
Toute première incursion dans le monde du thriller pour les frères Vanzina, les fils du metteur en scène Steno, Mystère est en fait un dérivé des gialli d'antan et du film d'espionnage traditionnel tel qu'on l'imaginait dans les années 80 dont l'intrigue prend racine dans la haute société corrompue d'une Rome essentiellement nocturne.
Mystère est une ravissante prostituée de luxe qui avec son amie Pamela satisfait les désirs de notables souvent vicieux. Une nuit alors que toutes deux sont aux services d'un riche client allemand nommé Reinhardt, Pamela ne peut s'empêcher de lui voler son briquet en or avant
de quitter sa chambre. Elle est loin de se douter que l'objet dissimulait les négatifs des photos d'un meurtre commis la veille. Peu de temps après, Renhardt est tué par un énigmatique assassin à l'aide d'une canne poignard juste après lui avoir révélé que l'une des prostituées lui avait dérobé le briquet. Quelques heures plus tard c'est au tour de Pamela d'être tuée par le mystérieux meurtrier ignorant que la jeune femme avait en fait glissé le précieux objet dans le sac à main de Mystère. Peu de temps après, elle est victime d'une tentative de meurtre. Sauvé in extremis par l'inspecteur Colt, Mystère trouve refuge chez
lui. Ayant réussi à remettre les pièces du puzzle en place, la jeune femme révèle à l'inspecteur les raisons de son agression et de la mort de Pamela. Tout deux ignorent malheureusement que l'assassin n'est autre que Levi, le propre chef de Colt, membre d'une importante organisation d'espionnage russe. Levi tente de tuer Colt qui parvient cependant à l'électrocuter grâce à l'aide de Mystère. Désormais c'est contre un impitoyable espion russe, Ivanov, et son acolyte que Colt et la jeune femme vont devoir faire face. Après plusieurs tentatives d'assassinats, Colt propose un marché à Ivanov. Il lui rendra les négatifs compromettants contre une jolie somme d'argent. Si Colt a pour idée de s'enfuir avec l'argent sans même partager avec Mystère ni remettre les négatifs à Ivanov, ce dernier n'a pas
l'intention de le laisser en vie une fois l'échange effectué. Qui sortira vainqueur de ce jeu périlleux?
C'est après avoir vu Diva de Beneix que Vanzina imagina Mystère. Il écrivit donc un film qui se voulait surréaliste tout en conservant un coté bande dessinée, très fumetti, qui privilégierait l'image à l'histoire elle même. Mystère ne trahit pas cette volonté même si elle nuit un peu trop à la crédibilité de l'ensemble d'autant plus que les frères Vanzina semblent par instant ne pas trop savoir vers quelle direction orienter le film d'où un certain déséquilibre
scénaristique. La première partie est de loin la plus intéressante, la plus attachante également, visuellement fascinante. Si elle rappelle les gialli notamment ceux d'Argento avec notamment ce tueur qui arpente la nuit armé d'une canne épée avec laquelle il transperce le corps de ses victimes, sa pointe de vice (il essuie la lame sur la petite culotte de la malheureuse Pamela) et l'univers de la prostitution de luxe romaine et de la corruption dans lequel elle se déroule, c'est avant tout son esthétisme glacial très années 80 qu'on retiendra et l'aspect surréaliste du personnage de Mystère. Ravissante, presque trop belle pour être réelle, elle est une créature nocturne fantasque, classieuse, qui semble être
insaisissable, indomptable, moulée dans des tenues parfaitement extravagantes, allant de chambres en appartements luxueux. Mystère évolue dans le film comme au beau milieu d'un spot publicitaire pour parfum dont cette première partie en possède la beauté. L'élégance de Carole Bouquet, son raffinement mais également sa froideur que Vanzina met particulièrement en valeur aident beaucoup à donner à Mystère une dimension irréelle, celle d'une héroïne de bande dessinée pour adultes. En ce sens, le nom d'un personnage n'a jamais aussi bien collé à son interprète. Mystère reste un mystère, un surnom que même la jeune femme ne peut expliquer, un être de la nuit respecté et adulé qui évolue dans le luxe
mais qui redevient femme le temps de quelques instants au creux de son appartement hi-tech.
Outre le personnage, cette première partie fourmillent d'excellentes idées dont certaines sont ouvertement des clins d'oeil aux gialli d'hier voire à un certain cinéma noir comme cette fantastique poursuite de nuit sur les toits de Rome. Pourchassée par le tueur qu'elle a une première fois vaincu en le désarmant à l'aide d'un lasso (voilà qui appuie une fois de plus le héroïne de coté bande dessinée), Mystère est pourchassée par l'Ombre et n'a pour seule et unique alternative que de se cacher sur une verrière. Tandis que la silhouette de l'assassin se dessine sur les draps qui sèchent la verrière s'éclaire dévoilant ainsi sa cachette. Alors
qu'elle allait être projetée dans le vide, l'inspecteur la sauvera juste à temps pendant que l'assassin disparait dans la nuit. Agrémentée de quelques morts originales (le client allemand finira poignardé la tête plongée dans une télévision), les quarante cinq première minutes du film sont de toute beauté. C'est donc un peu déçu qu'on aborde la deuxième partie plus classique et surtout beaucoup plus farfelue, moins inspirée.
On bascule en effet dans le pur film d'espionnage avec ses rebondissements téléphonés, ses situations vues et revues faites de course-poursuites, de tentatives d'assassinats à répétition, de chantages, de trahisons et de marchés sournois. Mystère fait place à l'action et
délaisse, perd tout ce qui faisait jusqu'alors sa force, son aspect irréel, cette classe foudroyante au détriment d'un simple polar qui de temps à autre prend des faux airs de (bon) téléfilm avec en cerise sur le gâteau l'indispensable amourette entre Mystère et le bon flic. On ne s'ennuie certes pas mais le film a perdu de sa magie jusqu'au final franchement décevant filmé à Hong Kong digne cette fois d'un mauvais épisode d'une quelconque série. Cette conclusion n'était pas au départ celle que les frères désiraient. Ils l'avaient en effet imaginé cynique, beaucoup plus sèche mais le producteur, un napolitain de la vieille école, refusa et imposa cette fin stupide où les bons sentiments triomphent.
Si elle ne réussit pas à égaler la première partie, cette seconde moitié possède fort heureusement ses moments forts et recèle quelques idées là encore savoureuses comme l'utilisation du cadavre de l'assassin, maquillé et travesti selon l'occasion, pour à plusieurs reprises tromper l'adversaire.
Malheureusement à force de mélanger les genres sans vraiment savoir lequel choisir, Mystère accumule les incohérences et laisse plusieurs questions sans réponse. Ainsi n'en saurons t-on jamais vraiment plus sur cette organisation russe, ses agissements, ses objectifs, ce qui est ici ennuyeux puisque toute la deuxième partie du film reposait
essentiellement sur ce point précis. On pourra également reprocher aux frères Vanzina de n'avoir pas exploité le potentiel de certains personnages comme celui qu'interprète Gabriele Tinti, un élégant maquereau nommé Vizone en raison des manteaux en vison qu'il aime porter, un second rôle qui ne sert finalement à rien dans l'histoire à l'instar de celui que joue Livio Galassi, le frère de Pamela, qui se greffe soudainement sur le scénario avant de disparaitre aussi vite, le temps d'une scène de suspens entièrement gratuite et surtout bien inutile.
Certains regretteront le manque flagrant d'érotisme, un élément qui paraissait pourtant
indispensable à un tel sujet. Certes Mystère brille par l'absence de nudité. Pas l'ombre d'un sein encore moins d'un fessier, tout est suggéré ou savamment caché jusqu'à créer parfois un sentiment de frustration chez le spectateur. Si à l'origine Mystère devait être un peu plus pétillant, il faut savoir que Carole Bouquet, terrorisée de devoir jouer des scènes de sexe, refusa toute séquence de nu. La scène où elle fait l'amour à l'inspecteur fut un calvaire se souvient Vanzina qui dut faire sortir la majorité de l'équipe du plateau afin de pouvoir la tourner correctement. Alors compagne du producteur Pierre Rassam, très connu en Italie, Carole avait une grande influence sur les metteurs en scène. Plus curieux est cette
connotation gay que certains pourront voir à travers non seulement la scène du sauna mais aussi par le biais de l'inspecteur interprété par l'américain Phil Coccioletti, bellâtre aux faux airs de Leonard Mann, que Vanzina filme le plus souvent torse nu ou déshabille dés qu'il le peut jusqu'au corps à corps final en peignoir, une occasion unique pour les réalisateurs de filmer le slip blanc de Coccioletti dés que les pans du peignoir s'entrouvrent! Peut être est ce là un moyen détourné pour combler ce que Carole, trop prude, refusa de faire.
Aux cotés de Phil Coccioletti et d'une Carole Bouquet à l'interminable chevelure de geai qui était encore à l'époque une magnifique femme et jouissait du succès international de James
Bond, on retrouve avec plaisir Gabriele Tinti dans la peau (de vison) d'un maquereau de luxe, Duilio Del Prete, ami personnel de Carlo Vanzina, dans celle de Levi, john Steiner, excellent comme d'accoutumée, en espion russe implacable flanqué de son inséparable acolyte joué par Lionello Pio Di Savoia. Quant à Janet Agren, tout simplement superbe, elle disparait malheureusement trop vite transpercée par la lame du tueur.
S'il passe à coté de son sujet à force de ne pas avoir su choisir sa direction, Mystère n'en demeure pas moins un très bon thriller fortement estampillé années 80, un agréable divertissement qui saura séduire les esthètes et satisfaire les amateurs d'action et de suspens. S'il jouit d'une jolie réputation en Italie, le film est malheureusement méconnu en France où il a quasiment disparu. Voilà une excellente raison de le redécouvrir et l'apprécier à sa juste valeur.