Alba pagana
Autres titres: Delitto a Oxford / May morning / Os sadicos
Real: Ugo Liberatore
Année: 1970
Origine: Italie / Angleterre
Genre: Drame
Durée: 99mn
Acteurs: Jane Birkin, Alessio Orano, John Steiner, Rossella Falk, Micaela Pignatelli, Edda Di Benedetto, Ian Sinclair, Bianca Maria Corbella, Carlo Spadoni, John Gayford, Susan Jones, Ben Etoria...
Résumé: Valerio est italien. Il a été admis à Oxford et tout son avenir repose sur la réussite de ses examens. Arrogant, il a un peu de mal à se faire accepter par l'élite anglaise. S'il sort avec Amanda, Valerio n'est pas insensible aux charmes de Flora, la fiancée de Roderick, un de ses compagnons universitaires. Un jour, Flora l'embrasse et l'étreint. Valerio avoue à Roderick son infidélité afin de préserver leur amitié. A partir cet instant, leur relation va de plus en plus devenir tendue. Roderick rejette son amitié et exige une punition publique que refuse Valerio. La guerre entre les deux garçons va prendre de plus en plus d'ampleur. Valerio est rejeté par tous ses camarades puis apprend son renvoi. Le jeune italien jure de se venger le soir de la grande célébration qui a lieu le 1er mai...
Le scénariste-metteur en scène Ugo LIberatore est surtout connu pour avoir été un des pères fondateurs de ce qu'on a appelé le courant des films exotico-érotiques, un sous genre de l'érotisme à l'italienne né à la fin des années 60 avec notamment Il sesso degli angeli et Bora Bora, deux oeuvres assez représentatives du mouvement. Si la courte carrière de réalisateur de Liberatore s'est essentiellement focalisée sur ce type de films, il fit cependant une incartade dans le drame social en 1970 en tournant le méconnu Alba pagana également connu sous le titre Delitto à Oxford devenu au fil du temps un film assez
difficilement visionnable.
Valerio Montelli est italien. Il fait partie des étudiants qui ont eu le privilège d'avoir été accepté dans la prestigieuse université d'Oxford. De caractère plutôt rebelle, Valerio crée la polémique tant au sein des professeurs qu'auprès de ses camarades qui cultivent envers lui un certain racisme. Dans la très rigide et traditionaliste Angleterre l'Italie est en effet considérée comme un pays décadent souvent irrespectueux ouvert sur toutes les libertés. Alors que Valerio soupçonne son tuteur, Sir Finley, d'être homosexuel, la fille de ce dernier, Flora, lui fait des avances et l'embrasse. Leurs ébats sont interrompus par l'arrivée de la
mère de la jeune fille que Valerio ne laisse pas indifférente. Il se trouve que Laura est la petite amie de Roderick, un des amis de Valerio. Se sentant coupable, Valerio avoue à Roderick son aventure avec Flora. A partir de cet instant la relation des deux étudiants va de plus en plus se dégrader. La tension monte mettant l'avenir de Valerio en danger puisqu'un tel comportement ne peut être toléré à Oxford. Un jour, au mess, Roderick laisse exploser sa colère et défie Valerio dans la plus pure tradition anglaise. Le jeune italien refuse, un geste considéré comme la pire des lâchetés. Dés lors, Valerio est mis à l'écart et rejeté de toute l'université. Il ne tarde pas à apprendre qu'il est renvoyé d'Oxford. Il devra quitter l'université
dés le lendemain de la grande fête du 1er mai, une coutume ancestrale dont on ne connait pas les origines. Avant son départ, Valerio a décidé de se venger. Il a mis au point un plan machiavélique afin d'humilier non seulement Roderick mais également Flora, son père et sa mère, et prouver ainsi la dépravation des moeurs qui se cache derrière le prestigieux vernis des apparences. S'il promet que la nuit sera longue, son plan va malheureusement se retourner contre lui.
Tourné dans les prestigieux décors de la tout aussi prestigieuse Oxford, le film de Liberatore tente à sa manière de dévoiler l'autre face d'une des plus célèbres universités et
par la même d'un pays ultra conservateur, très à cheval sur la morale et les principes. Quoi de mieux que de prendre Oxford, symbole de toute une élite, comme exemple pour illustrer le sujet. Film italien transposé sur les terres de la Perfide Albion, Alba pagana ou plutôt Delitto a Oxford, son titre le plus couramment utilisé, oppose dans un premier temps deux cultures, celle incarnée par Valerio, étudiant rebelle, anti conformiste, libéré et celle que représente Roderick, modèle type d'une Angleterre bourgeoise hyper conservatrice qui préserve contre vents et marées ses traditions séculaires. Valerio n'est qu'un trouble-fête, impulsif, insolent, sans éducation, qui n'en fait qu'à sa tête, faisant fi des lois et des sacro-saintes règles.
Il incarne une certaine société européenne post-soixante-huitarde en pleine (r)évolution qui essaie d'imposer sa vision des choses et du monde à un pays prisonnier du carcan des valeurs morales, une bourgeoisie fière de ses traditions qui derrière le vernis de l'apparence cache cependant bien des tares. Ces différences ne pouvaient qu'engendrer l'antipathie puis la haine entre lui et l'élégant et si flegmatique Roderick qui érigera une forme de résistance contre celui qui désormais est l'ennemi de toute une institution. Dans un second temps, le film met également en exergue l'hypocrisie qui règne entre les professeurs et les étudiants dans ce milieu universitaire très fermé tout en craquelant le vernis derrière lequel
se dissimule cette bourgeoisie pleine de vices bien plus perverse et dangereuse que l'ennemi contre lequel elle se bat. Outre l'hypocrisie et le racisme latent dont les sujets de Sa Majesté font preuve, chacun cache ses tares qu'il n'aimerait guère voir éclater au grand jour. Si tous les futurs diplômés d'Oxford, étudiants modèle issus des plus hautes familles, se vautrent dans dans l'alcool, la drogue et le sexe transformant la fête du 1er mai en une véritable orgie, le tuteur de Valerio a quant à lui des tendances pour le travestissement, une perruque de femme soigneusement cachée dans son cabinet privé. Son épouse, sexagénaire frustrée et délaissée, a une attirance non seulement pour Valerio mais pour
d'autres élèves, leur fille sous son image de jeune étudiante sage n'est qu'une délurée qui se jette sur Valerio pour ensuite mieux le piétiner et retourner vers Roderick. Elle est si débauchée qu'elle prendra plaisir à se faire violer par trois garçons lors de la fête, un plan minutieux imaginé par Valerio qui juste auparavant a tout mis en oeuvre pour qu'elle surprenne sa mère à demi nue dans sa chambre en compagnie d'étudiants ivres... et c'est en étouffant l'affaire qu'on évitera le scandale, rien ne peut venir ébranler un tel édifice d'autant plus si l'élément perturbateur est neutralisé et bien ironiquement détruit dans les règles de l'art, en l'occurrence ici un vieux rite sportif estudiantin entraperçu en début de film qui prendra donc tout son sens lors du dramatique final.
Delitto a Oxford est certes un film sombre mais il possède toutes les stigmates du cinéma de Liberatore plus spécialement la lenteur de sa mise en scène. Les amateurs de films nerveux, menés tambour battant, seront lourdement déçus puisqu'il ne se passe pratiquement rien durant quasiment une bonne heure. C'est plus un film d'atmosphère fortement représentatif de toute une époque, un film "so british" qui vaut essentiellement non pas pour son intrigue des plus conventionnelle et peu surprenante mais pour la beauté de ses décors naturels, le campus universitaire d'Oxford et la magnificence de l'université elle même, superbement mise en valeur par une très jolie photographie, et le jeu parfait
d'acteurs judicieusement choisis. C'est ainsi qu'on pourra tomber sous le charme du divin Alessio Orano, dandy rebelle au regard de glace, hypnotique, toujours très à l'aise dans les rôles de hippie chic, sex symbol de toute une époque qui sera le seul grand amour d'Ornella Muti jusqu'à leur divorce à la fin des années 70. Face à lui, un tout jeune John Steiner, le plus anglais des acteurs italiens, imperturbable, inflexible, digne représentant des anciennes valeurs. Leur confrontation vaut à elle seule le visionnage de ce film au générique duquel on retrouve également Jane Birkin, radieuse, qui nous offre quelques nus très soft et donne au film une légère ambiance érotique. Mentionnons aussi la prestation de Rossella
Falk, bourgeoise frustrée qui donnera libre cours à ses pulsions lors du final, un des moments les plus réussis du film qui en justifie à lui seul la découverte, la fameuse fête de mai, rapidement transformée en bacchanales, durant laquelle Valerio orchestrera sa vengeance. Ultime atout de Delitto a Oxford son extraordinaire partition musicale aux sonorités si seventies signée Alan Blakley et Leonard Hawkes, un véritable régal auditif pour tous les amoureux de cette époque bénie et de rock beatnick où se marient si bien cheveux longs, rouflaquettes, foulards en soie et chemises en satin multicolores, un énorme joint coincé dans les cordes de sa guitare.
Delitto a Oxford, sans être un grand film, mérite cependant toute l'attention de l'amateur d'oeuvres non seulement rares mais surtout marquées du sceau d'une époque flamboyante à jamais révolue, un petit moment d'histoire fort sympathique dont le sujet n'a pas finalement si mal vieilli car toujours aussi d'actualité. Certaines choses sont immuables.