Una magnum special per Tony Saitta
Autres titres: Blazing magnum / Spécial magnum / Magnum special / Strange shadows in an empty room
Real: Alberto De Martino
Année: 1976
Origine: Italie / Canada
Genre: Polizesco
Durée: 96mn
Acteurs: Stuart Whitman, John Saxon, Martin Landau, Tisa Farrow, Carole Laure, Jean LeClerc, Gayle Hunnicutt, Jean Marchand, Anthony Forrest, André Saint-Laurent, Peter Mc Neill, Julie Wildman, James Tapp, Jérome Tiberghien, Terence G. Ross...
Résumé: Louise, la jeune soeur de l'inspecteur Saitta, meurt subitement après que son médecin traitant lui ait fait une piqure. Saitta se charge de l'enquête qui le mène à très vite soupçonner le docteur même si celui nie férocement l'avoir tué. Malgré son inculpation, les meurtres s'amoncellent et le nombre de suspects croit. Tous avaient une bonne raison de tuer Louise qui n'était pas la jeune et innocente étudiante qu'elle donnait l'impression d'être...
Souvent surnommé le plus américain des réalisateurs italiens, Alberto De Martino n'a peut être jamais autant mérité cette appellation de toute sa carrière que lorsqu'il tourna en 1976 Una magnum special per Tony Saitta, un polar musclé ébouriffant qui aujourd'hui n'a rien perdu de sa rage.
Louise, la soeur de l'Inspecteur Tony Saitta, est en apparence une étudiante sans problème. Après une mauvaise blague jouée à son médecin traitant, elle meurt subitement après qu'il lui ait fait une piqure. L'enquête révèle qu'elle a été empoisonnée. Les premières investigations mènent à l'inculpation du docteur qui ne semblait pas insensible aux charmes
de la jeune fille. Au fil de l'enquête rondement menée par Saitta les cadavres s'empilent et les suspects se multiplient. Il apparait alors que Louise était très loin d'être une soeur modèle. Débauchée, droguée, elle était semble t-il impliquée dans un meurtre qui pourrait être la clé du mystère.
Si De Martino avait quelques années auparavant transféré le film noir à l'américaine sur le sol italien avec Rome comme Chicago, c'est le polizesco, un genre typiquement italien, qu'il transpose ici sur le sol canadien en lui insufflant une bonne dose de thriller et une pincée très légère de giallo le tout dans une ambiance 100% américaine, l'intrigue reposant quant à
elle sur la base classique du whodunit. Autant dire que le mélange est explosif.
Le film débute comme un polar à l'italienne, une spectaculaire poursuite en voitures à travers les rues de Montréal et son lot de cascades étonnantes menées de main de maitre par un inspecteur incorruptible, impassible, l'inspecteur Saitta, qui pourrait être un calque américain de Maurizio Merli un brin plus expressif mais tout aussi expéditif et peu orthodoxe dans ses méthodes. On tire, on dégomme, on ne réfléchit pas, ce qui est important ce ne sont pas les moyens mais le résultat. Après cette ouverture sur les chapeaux de roue, Spécial magnum
s'oriente alors vers le giallo lorsqu'une jeune étudiante apparemment respectable meurt subitement empoisonnée lors d'une petite réunion d'élèves. Il est impossible de ne pas songer à l'intéressant A tutte le auto della polizia ou même le médiocre Morte sospetta di una minorenne tout deux sortis l'année précédente. L'étudiante en question, la propre soeur de Saitta, va assez rapidement s'avérer ne pas être l'oie blanche qu'elle paraissait être mais une jeune fille double face droguée débauchée aux mains couvertes de sang qui a emporté avec elle un terrible secret que quelqu'un semble avoir peur qu'on découvre. C'est ainsi que les meurtres à l'arme blanche s'amoncellent, sadiques, De Martino se laissant aller à
quelques débordements gore jouissifs et une pointe de cruauté typiquement italienne. Du giallo on retrouve également son lot de personnages ambigus, équivoques, méprisables, un zeste de perversion et de morbidité et un éventail de suspects tous plus coupables les uns que les autres. C'est alors que De Martino délaisse l'aspect giallo pour un simple whodunit où chacun joue à la perfection son rôle, un thriller efficace arrosé de l'habituel nuage d'homophobie (l'amusant mais impressionnant affrontement entre Saitta et les travestis, un milieu que connaissait bien le frère de Louise, lui même homosexuel, une des clés de l'énigme) jusqu'au final détonnant et spectaculaire qui clôt le film comme il avait commencé,
de manière tonitruante.
Un tel mélange aurait pu ne pas fonctionner, devenir vite indigeste ou partir tout azimut mais c'était sans compter le professionnalisme du metteur en scène. De Martino signe un film étonnant, décapant, parfaitement rythmé, au suspens soigneusement entretenu, qui ne laisse que peu de repos au spectateur embarqué dans cette histoire peu originale mais diablement prenante. Certes le scénario est truffé d'incohérences et d'invraisemblances, tout est plus ou moins téléphoné, vu et revu, et l'amateur n'aura guère de mal à dénouer le noeud de l'intrigue malgré les nombreux retournements de situations et fausses pistes que Alberto De Martino sèment avec une certaine habileté tout au long du métrage. Mais on reste
magnanime tant la mise en scène est excellente, le rythme ininterrompu, les scènes d'action superbement réussies et les cascades conduites de main de maitre par un Rémy Julienne en pleine forme.
Quant à l'affiche elle est tout aussi alléchante puisqu'on y retrouve une jolie brochette d'acteurs internationale avec en tête les sourcils toujours aussi broussailleux de Stuart Whitman dans le rôle titre, le flegmatique et ambigu Martin Landau tout juste sorti de la base lunaire de la série Cosmos 1999, John Saxon dont le personnage, inutile, est ici relégué à une simple participation, TIsa Farrow dans la peau d'une jeune professeur de piano aveugle en détresse, l'élégante Gayle Hunnicutt et le canadien Jean Leclerc. Quant à Carole Laure
dont on appréciera la nudité elle interprète une étudiante mi-ombre mi-lumière, mélange sulfureux d'innocence et de perversion qui donne au film un coté malsain tout en lui offrant ses quelques séquences morbides.
Tout improbable soit il, Una magnum special per Tony Saitta, agrémenté d'une retentissante partition musicale aux sonorités très américaines signée Armando Trovajoli, est un spectacle hautement réjouissant, un film tourné à cent à l'heure par un cinéaste impliqué qui réalise ici peut être pas son meilleur film même s'il fait très certainement partie du tiercé de tête mais quoiqu'il en soit son meilleur polar fortement conseillé à tous les amateurs d'oeuvres Bis musclées et viriles.