Haltéroflic
Autres titres:
Real: Philippe Vallois
Année: 1983
Origine: France
Genre: Policier / Drame / Fantastique
Durée: 85mn
Acteurs: Serge Avedikian, Ilias Sikinos, Héloïse Mignot, Ged Marlon, Daniel Tonachella, Marie Alcaraz, Pablo Cerezo, Bruno Cerezo, Aloual, Pepi Gomez, Alain Maneval, Philippe Jones, Jean-Pierre Barrault, Christian Rouquie, Gaby Lambert, Marie-Claire Catelain...
Résumé: Un étudiant de couleur a été assassiné. Guy, un jeune policier faible et introverti, dirige l'enquête. Ses investigations le conduisent à un gymnase privé où s'entraine un athlète d'origine grecque, Loukas. Il devient vite son principal suspect. Afin de prouver sa culpabilité, il va le côtoyer chaque jour, s'introduire dans sa vie pour mieux l'observer. Petit à petit, une étrange relation sadomasochiste nait entre eux. Obsédé par Loukas, Guy devient sa chose, totalement soumis. La véritable personnalité de Guy va alors apparaitre au grand jour au moment où il parvient à résoudre son enquête...
Auteur de deux incontournables titres du cinéma gay français considérés à ce jour comme les pionniers du film homosexuel tricolore, Johan et Nous étions un seul homme, Philippe Vallois, ardent défenseur de l'homosexualité et du droit d'aimer, signe en 1983 un étrange film qui tente de mêler histoire policière et parcours initiatique dans le milieu du culturisme, le tout baignant dans un doux climat d'homosexualité latente. Voilà qui est intéressant d'autant plus que Philippe Vallois nous avait habitué à des oeuvres souvent belles mais avant tout crues.
Tourné comme une comédie, Haltéroflic risque cependant de décevoir si ce n'est de fortement ennuyer un spectateur qui malgré les efforts visuels du cinéaste ne peut s'empêcher de sombrer dans une douce léthargie. Les intentions étaient pourtant bel et bien là.
Guy, un jeune flic faible et influençable flanqué d'une mère-copine, doit enquêter sur la disparition de Désiré, un étudiant en sport noir militant révolutionnaire à ses heures. Ses investigations le conduisent à une vieille église transformée en gymnase privé où s'entraine intensément un étrange culturiste grec, Loukas, dont l'objectif est d'être prochainement élu
Monsieur Jupiter. Suspect numéro 1 dans cette affaire de meurtre, Guy doit s'introduire dans la vie de Loukas, l'observer. De plus en plus fasciné, obsédé par cet homme rustre, le jeune flic va entamer une relation plus qu'ambigüe avec lui. Loukas va devenir son mentor et commencer sur lui un travail psychologique intense à la limite du sadomasochisme, une véritable initiation physique et mentale qui va faire lentement surgir le moi profond du jeune homme et déboucher sur la résolution de l'enquête. La victime est en fait morte après avoir avalée des pilules imprégnées de mort-aux-rats que le culturiste grec lui aurait fait absorber. Après que les amis de l'étudiant ait tué Loukas afin de venger sa mort, Guy va devenir Loukas
en endossant sa personnalité comme absorbé par l'esprit de celui qui fut son maitre.
Dans le ciel du cinéma français de ce début d'années 80 Haltéroflic pourrait facilement passer pour un OVNI tant il est bizarre, inhabituel. Le canevas policier est très mince, pas très crédible mais il est semble t-il plus une excuse qu'une réelle intrigue afin d'amener le public vers d'autres genres plus complexes notamment vers une réflexion sur la recherche d'identité, les relations parfois troubles et troublantes entre deux hommes, cette complicité/dualité virile qui mène à la découverte de soi même et peut déboucher sur des découvertes inattendues. S'y greffe également le thème du vampirisme, aboutissement
logique du parcours initiatique de Guy. Haltéroflic est bel et bien l'histoire de l'initiation d'un jeune homme prisonnier de ses faiblesses, ses peurs, qu'il va tenter de libérer à travers l'enseignement de cet athlète violent, un psychopathe potentiel dont il va petit à petit absorber la personnalité. L'antipathie devient sympathie qui se transforme en amitié pour muer finalement en quelque chose de plus ambigu.
L'étude est malheureusement gâchée par une mise en scène hasardeuse, guère contrôlée. On sent Vallois mal à l'aise avec son sujet qu'il fait partir tout azimut pour finir sur le ton de la comédie qui désamorce le sérieux de l'ensemble. Le film devient une sorte d'assemblage de
saynètes mal orchestrées, maladroites, incohérentes, jusqu'au final étonnant, glauque, bien qu'obscur, qui flirte avec le fantastique (la projection au Paradis). Aussi déroutant qu'il puisse être Haltéroflic ennuie gentiment et seule la relation entre Guy et Lukas retient l'attention. Il ne s'agit cependant pas d'homosexualité à proprement parlé mais beaucoup plus d'une atmosphère d'homo-érotisme continue que Vallois entretient d'un bout à l'autre du métrage. Le metteur en scène insiste sur les empoignades viriles et autres séances sportives musclés, sur les tenues équivoques qui renvoient toutes à une certaines images de l'homosexualité machiste: short échancrés très courts moule sexe, slips, chaussettes
blanches et tennis, débardeurs, corps en sueur, massages virils, culte du corps, poses évocatrices sans pourtant nous offrir une seule scène de nu, de quoi frustrer ici le spectateur. mais c'est avant tout une relation basée sur le sadomasochisme que Vallois décrit ici, un rapport de force dominant/dominé. Totalement sous l'emprise du culturiste, Guy se laisse asservir docilement par Loukas, acceptant toutes les humiliations, tous les coups, toutes les plaies, la douleur, en totale soumission. Leurs corps à corps, leurs luttes, sont souvent surprenantes, brouillant les limites entre le jeu, l'enseignement et la pure violence.
Parallèlement Vallois tente de traiter de manière assez grossière du travestisme par le biais
de François, le collègue de Guy, qui pour les besoins de son enquête dans les rues de Pigalle devient sans mal Ginette, une prostituée, un artifice auquel il prend de plus en plus goût au fil de ses infiltrations. Entre les sentiments réfrénés, invertis, de Guy et une forme de coming-out non officiel du coté de son adjoint, Vallois semble brouiller les pistes, explosant les normes, comme il mélange joyeusement les genres au fil du métrage, un micmac fantaisiste qui s'il ne prend malheureusement pas vraiment, est foncièrement original. Vallois s'est peut être un peu trop égaré à trop vouloir bien faire, à vouloir se démarquer d'un cinéma français trop traditionaliste. Même raté, l'essai tout brouillon soit il est en tout cas méritoire.
Hormis son enthousiasmant homo-érotisme teinté de sadomasochisme, on retiendra de Haltéroflic son Paris du début des années 80, l'apparition de certains noms qui jouent leur propre rôle tels Alain Maneval, Philippe Manoeuvre et le groupe rock Ici Paris. On saluera également l'interprétation de Serge Avédikian, fragile beauté découverte dans Nous étions un seul homme, qui incarne le jeune flic. A ses cotés on reconnaitra Ged Marlon pour sa première apparition au grand écran et Ilias Sikinos, l'imposant Loukas, qu'on avait pu voir auparavant dans deux films de Norbert Terry Les phallophiles (il y incarnait le pâtre lors de l'inoubliable scène de la grange) et Rien que par derrière.