Nerolio
Autres titres:
Real: Aurelio Grimaldi
Année: 1996
Origine: Italie
Genre: Dramatique
Durée: 77mn
Acteurs: Marco Cavicchioli, Lucia Sardo, Vincenzo Crivello, Piera Degli Esposti, Franco Mirabella, Mauro Lenares, Salvatore Lazzaro, Antonietta Carbonetti, Saro Miano, Maurizio Nicolosi...
Résumé: Un famux poète réalisateur observe dans les rues de Syracuse les adolescents et jeunes hommes avant de se rendre de nuit sur une plage afin d'en rencontrer certains. Habitués à vendre leurs charmes pour un peu d'argent, certains viennent à lui. Il leur demande de se mettre nu afin d'admirer leur corps. De retour à Rome, il force un étudiant à coucher avec lui après avoir découvert qu'il le menait en bateau. Puis il rencontre Marco, un garçon qu'il invite à manger avant de lui faire des avances. Le jeune homme lui demande de l'argent avant de se retourner contre lui...
Scénariste, écrivain Aurelio Grimaldi réalisa son premier film en 1992, La discesa di Acla a Floristella, une oeuvre douloureuse qui dénonçait le travail des enfants dans les mines de souffre de Sicile au début du siècle et les actes pédophiles dont ils étaient souvent victimes avant de mettre en scène un de ses propres romans, Le buttane, ou la vie de jeunes prostituées et prostitués siciliens dans lequel on retrouvait certains des acteurs de l'inoubliable Mery per sempre, un autre de ses essais adapté pour l'écran de manière
brutale par Marco Risi. Nerolio est son troisième film fortement inspiré de la vie de Pier Paolo Pasolini ou plus exactement de son ultime oeuvre littéraire éditée à titre posthume, Petrolio.
Il est clair qu'à travers son parcours cinématographique, Grimaldi s'est toujours fortement inspiré du Maitre dont l'ombre imprègne chacun de ses films qui retrace le plus souvent la vie d'une jeunesse italienne à la dérive. On y retrouve cette même fascination pour cette
adolescence, les jeunes hommes, issus de la rue, des sous classes sociales, cette fascination pour leur beauté à la fois mi ange-mi démons, l'attrait fortement sexuel et par conséquence l'homosexualité. Grimaldi est en ce sens un des rares metteurs en scène italiens hormis Pasolini à traiter de l'homosexualité, un sujet quasiment absent du cinéma transalpin. Après la force, la puissance émotionnelle de Acla et des Buttane on était en droit d'attendre beaucoup de Nerolio qui malheureusement risque de beaucoup décevoir.
Composé de trois récits, Nerolio suit les errances d'un célèbre écrivain réalisateur, un poète qui se rend en Sicile, à Syracuse afin d'y observer de jeunes siciliens. Il marche au hasard
dans les rues miséreuses puis se pose près d'une plage, de nuit. Quelques adolescents viennent à sa rencontre, habitués à vendre leurs charmes contre un peu d'argent. Il leur demande de se déshabiller pour mieux apprécier leur corps, s'en délecter. Le lendemain il repart pour Rome et reçoit chez lui Valerio, un étudiant qui souhaite écrire une thèse sur lui. C'est en fait un moyen déguisé pour que le poète l'aide à éditer son propre roman. Ayant découvert le pot aux roses, l'homme l'oblige à coucher avec lui s'il veut obtenir son aide. Quelques temps plus tard, le célèbre réalisateur rencontre de nuit Marco, un beau jeune homme qu'il invite à diner avant de lui faire des avances. Le garçon lui demande alors de
l'argent avant de le rouer de coups et de l'écraser en lui roulant dessus avec sa propre voiture dans un terrain vague.
Présenté au festival de Locarno en 1996, Nerolio ne fut pourtant jamais distribué en salles en Italie faute à une critique désastreuse et un accueil particulièrement froid du public lors de sa projection. N'est pas Pasolini qui veut et Grimaldi malgré ses efforts à vouloir copier le Maitre ne parvient qu'à donner naissance à un film creux, sans grand intérêt et surtout très inconsistant qui distille un profond ennui d'un bout à l'autre du métrage. Contrairement à Pasolini dont Grimaldi usurpe l'identité, absorbe la personnalité, il ne parvient jamais faute
de talent à créer ni une véritable atmosphère ni un climat social encore moins sexuel. Privé de ce réalisme, Nerolio, film aussi prétentieux que fastidieux, aura très vite raison du plus indulgent des spectateurs. Nerolio se présente comme un hommage raté au grand metteur en scène assassiné en 1974, d'autant plus raté que son personnage central n'est qu'un fantôme, une silhouette creuse dont le seul atout est de plus ou moins ressembler à Pasolini. Soulignons tout de même à cette occasion l'interprétation de Marco Cavicchioli qui malgré une certaine imprégnation ne réussit à aucun moment à rendre son rôle prenant, à lui donner une certaine puissance dramatique ou humaine. Grimaldi tenait pourtant là un
sujet en or, une jolie occasion de mettre en scène une partie de la vie de Pasolini sur grand écran.
Quant au sexe, principal moteur du film qui en fait une des plus importantes choses au monde tant et si bien qu'on devrait l'écrire avec un s majuscule, le substituant ainsi à Dieu, il reste d'une sagesse désolante. On avait connu Grimaldi un peu plus courageux, ce ne sont donc pas les scènes à caractère sexuel qui sortiront le spectateur de sa léthargie ou lui feront passer l'envie irrésistible de faire avance rapide.
Surnagent cependant ça et là quelques jolies séquences d'un homo-érotisme foudroyant
notamment celles qui ouvrent le premier segment. De sa voiture, le poète observe de nuit une bande de jeunes mâles assis sur la plage, Tour à tour certains d'entre eux viennent le voir, entament un semblant discussion avec l'assurance de leur vingt ans, le regard noir assombrissant leur visage d'ange, à la fois dociles et sauvages comme le sont ces garçons des rues qui pour quelques pièces offrent sans peine leur corps. Grimaldi capte leur regard dans le silence de la nuit avant de lentement les déshabiller. Les T-shirt tombent dévoilant des torses lisses, la caméra glisse le long de leur corps, en dessine chaque courbe, s'attarde avec grâce sur leur entre jambe avant que ne s'ouvre leur braguette laissant tomber
leur jean à leurs pieds, découvrant leurs jambes musclées. Immobiles telles de divines sculptures, ils se laissent admirer avec arrogance par le poète qui dévore du regard chaque centimètre du corps de ces jeunes dieux, en détaille avec précision chaque parcelle de peau qu'il aimerait toucher, respirer, épris d'un violent désir qu'il doit réfréner, les sens enflammés, avalant avec peine sa salive, subjugué par l'insolence de la beauté de la jeunesse. L'objectif de la caméra se transforme en véritable microscope, examinant chaque poil de leur être
pour mieux s'arrêter sur ce trésor contenu dans leur petit slip blanc qu'ils ne vont pas tarder à enlever, impudiques, découvrant des fessiers parfaits que le poète voudrait croquer pour mieux savourer cette chair qu'il couchera en quatrains. Le spectateur aura lui aussi bien du mal à résister, troublé par cet érotisme torride sublimé par un noir et blanc artistique, lui aussi hypnotisé par la splendeur de ces garçons du sud qu'il imaginera gouter du bout de ses lèvres en feu. Interprétés pour la plupart par des comédiens non professionnels seul Vincenzo Crivello déjà repéré dans Le buttane connut par la suite une belle carrière télévisée.
Ces quelques notes homo-érotiques aussi puissantes soient elles, seuls moments qu'on
gardera en tête, ne suffisent malheureusement pas à faire de Nerolio un grand film et ne le sauvent certainement pas du profond ennui qu'il distille 80 minutes durant. Au vu de ses oeuvres précédentes on était en droit d'attendre beaucoup mieux de Grimaldi qui signe là un film anonyme, vide, faussement intellectuel, dénué de toute âme. On lui pardonnera néanmoins ce faux pas puisque six ans plus tard il récidivera avec un nouvel hommage à Pasolini cette fois beaucoup plus réussi, Un mondo d'amore.