The destroying angel
Autres titres:
Real: Peter De Rome
Année: 1976
Origine: USA
Genre: X
Durée: 63mn
Acteurs: Timothy Kent, Bill Eld, Philip Darden, Paul Eden, Evan De Braye, Alain Monceau, Thom Aaron, Billy White, Glenn Middleton, Glenn Scott, Gian-Paolo Cotto...
Résumé: Un jeune séminariste homosexuel qui a perdu la foi se voit accordé trois mois afin de pouvoir mieux se connaitre et se trouver. A la sortie d'une boite gay, il rencontre Bud qu'il amène dans sa chambre. C'est à ce moment que son double maléfique lui apparait. Il ne le quittera plus, l'observant, le tentant. Le séminariste va alors se perdre dans le sexe et la drogue, notamment les champignons hallucinogènes. Il multiplie les aventures prenant de plus en plus plaisir à se vautrer dans le vice et la débauche. Sexe et drogue deviennent une addiction qui causeront sa propre destruction...
Alors qu'il tournait de petits films érotiques pour son propre plaisir, Peter de Rome connut un succès inattendu avec l'un de ses courts métrages, Hot pants, qui obtint en 1971 le premier prix du Wet dream film festival d'Amsterdam. Remarqué par le producteur-metteur en scène Jack Deveau, un des pionniers du film pornographique gay, il put tourner son premier long métrage en 1974, le désormais célèbre Adam et Yves, avant d'enchainer deux ans plus tard avec The destroying angel de nouveau produit par Deveau.
Qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, le cinéma pornographique des années 70 sut
parfaitement bien mélanger les genres notamment le fantastique et l'horreur donnant ainsi de véritables petits chef d'oeuvres intemporels dont The destroying angel est un nouvel exemple.
Inspiré d'une nouvelle de Egdar Allan Poe, William Wilson, ce second film de De Rome est une sorte de parcours hallucinatoire et hallucinogène d'un jeune séminariste, Case, en pleine crise existentielle qui s'est vu accordé un congé sabbatique afin de trouver sa véritable identité. Durant ce laps de temps Case va se noyer et se perdre dans un monde de sexe sauvage, brut, se laissant aller à ses fantasmes les plus débridés, d'une part poussé par
son double maléfique, sa face la plus sombre, celle qui représente la tentation, le péché, d'autre part par une surconsommation de champignons hallucinogènes, une variété d'amanite qui donne au film son titre. La première scène du film le résume très bien. Case ramène chez lui un inconnu rencontré dans une boite gay, désireux de connaitre les plaisirs homosexuels. C'est à cet instant qu'il va être confronté à son double, qui le regarde, l'observe, obscène, un champignon dans une main, son sexe dans l'autre, terrible tentateur qui se moque, déconcerte, l'ensemble filmé de manière fortement hérétique, De Rome
n'ayant de cesse de mélanger des images, icônes et autres symboles religieux (calice, crucifix...) aux scènes de sexe dépeignant ainsi l'enfer de l'homosexualité, un monde fait de tentations et de vices, mais également l'enfer que vit ce futur prêtre déchiré entre ses désirs d'homme et ses convictions religieuses. Cette première relation est à l'image d'une première expérience lorsque l'être est partagé entre la peur et l'envie, la peur d'être sali, souillé, l'envie irrésistible de connaitre les plaisirs charnels interdits. Case va cependant se libérer de ses inhibitions, passer outre ce sentiment de culpabilité, oublier la douleur et se donner corps et âme à son partenaire d'une nuit. Il finit par y prendre goût, lui offre son postérieur que
l'homme maltraitera en le fessant, le fouettant avant de le pénétrer. L'excitation gagne enfin Case qui s'auto-fesse.
Une fois seul, le jeune homme s'effondre et s'évade par le biais de l'esprit dans une étrange dark room où il devient le jouet d'une dizaine d'hommes qui, nus, se masturbent autour de lui avant d'uriner à tour de rôle puis éjaculer sur ce corps offert. Sperme et urine se mêlent comme se mélangent cris et souffles de plaisir, les va-et-vient masturbatoires se confondent aux postures d'absolue soumission qui de temps à autre se transforment en gestes christiques. Débauche et hérésie ont le pris le contrôle de l'âme de Case qui ne peut
désormais plus se passer de sexe.
A bout de souffle, épuisé par cette tornade de sexe orgiaque, à demi-inconscient, on le retrouve quelques jours plus tard à une soirée où il se laisse séduire par l'incandescent Grant qu'il ramène chez lui pour s'offrir sans limite au garçon sous l'oeil de son double qui va se joindre à eux. Case perd peu à peu la raison, la folie le gagne dans une explosion de sexe qui finira par faire fuir son double, apeuré par l'audace charnelle dont fait preuve le séminariste.
Case part alors à la mer afin d'apaiser ses sens et tenter de se retrouver. Mais son désir de
sexe est désormais une addiction comme peut l'être la drogue. Son double réapparait, le met en garde contre sa propre (auto) destruction. En manque de sensations brutes, en manque de sexe aussi torride que sauvage, en manque de drogue, Case va cueillir des champignons qu'il propose à un bel inconnu rencontré sur le sable. Tout deux font l'amour, les choses dérivent, overdose de drogue, overdose de sexe, une chaussure usagée puis un énorme manche en plastique et enfin un concombre se substituent au pénis turgescent et pénètrent tous les orifices de Case jusqu'à l'étouffement sous un jet d'insultes. Case est seul sur son lit, terrifié. Un livre pieux lui révèle alors la raison de sa souffrance. Dans sa soif immodérée
de sexe et de drogue, il ne s'est pas aperçu qu'une amanite mortelle s'était glissée parmi les autres champignons. Case agonise sous le regard de son double à travers le miroir de sa chambre. Il tente de le poignarder mais il se tue lui même. Revêtu de sa soutane, il observe sa propre tombe sur laquelle il finit par s'allonger pour y frotter son sexe, se masturber et éjaculer sur son habit de prêtre. Il baise sa propre tombe, définitivement détruit par le sexe.
The destroying angel est un bien agréable et déroutant porno fantastique dans la veine de
Femme ou démon qui illustre la lutte intérieure d'un jeune garçon qui a lentement perdu la foi et se cherche à travers d'une part le monde illusoire de la drogue qui lui donne la force de surmonter ses crises et le courage de vivre une vie d'homme, d'autre part à travers une débauche de sexe de plus en plus monstrueuse. De Rome assimile le sexe à la drogue, l'un comme l'autre peuvent finir par détruire un être à force d'en abuser, un poison qui lentement coule dans les veines, ronge l'esprit et fait perdre toute notion de réalité. Case en a fait l'expérience. Une surconsommation de sexe et de champignons ont eu raison de lui y compris par delà la mort... ou la damnation éternelle. Une fois de plus, les notions de
Paradis et d'Enfer sont mises en avant, toutes deux étant irrémédiablement liées.
La métaphore est intelligente, le film honnêtement construit et correctement mis en scène, les scènes pornographiques jamais vulgaires sont toutes plus excitantes les unes que les autres et font appel à une imagerie virile particulièrement chaude aux limites du fétichisme (la chaussure de marche dont on sentirait presque l'odeur) et du sadomasochisme alors souvent utilisée afin de créer une atmosphère aussi malsaine que dérangeante. Fessées, auto-fessées, fouet, sodomies, fellations goulues filmées de façon parfois surprenantes lorsque De Rome parvient à capter toute l'intensité des mouvements buccaux le long des
verges raidies de désir sont à l'honneur, l'obscénité de l'acte renforcé par les sons amplifiés des râles, des succions et du claquement des sexes. De Rome nous gratifie également d'une des plus excitantes scènes de douche dorée que l'âge d'or du cinéma hardcore gay américain nos ait alors donné, ces sexes énormes arrosant de leur jet le corps soumis du garçon qui lentement se couvre du liquide jaune. Le cinéaste avouait d'ailleurs être très fier de cette scène qu'il aimait beaucoup.
Afin d'appuyer encore plus le coté hérétique du conte, De Rome y glisse quelques touches discrètes noyées dans une mer d'images filmées à cent à l'heure toute une panoplie de
symboles religieux (l'omniprésence du crucifix notamment et des références à la crucifixion, la petite bible posée sur le chevet) jusqu'à la scène finale formidablement sacrilège. On notera également la présence du fameux corbeau de Poe dans la chambre de Case, une peinture représentant l'oiseau et son le célèbre auteur.
D'où vient alors cette étrange impression d'insatisfaction à la vision de The destroying angel? Tout simplement du fait que De Rome n'a pas réellement su instaurer une véritable atmosphère fantastique encore moins de peur. Si les premières apparitions du double de
Case, l'ange maléfique, sont assez saisissantes, elles deviennent par la suite plutôt inoffensives, presque lassantes car trop répétitives malgré l'avalanche de rires démoniaques tonitruants et une musique religieuse pesante qui peuvent mettre mal à l'aise. Aussi aguicheuses et obscènes que soient les postures qu'il prend, son rictus démoniaque, son rire sarcastique et son regard accusateur finissent par ne plus faire effet au même titre que les incessants zooms avant-arrière dont De Rome use et abuse. Toute la dimension de folie dans laquelle plonge inextricablement Case manque sincèrement de force et surtout d'onirisme, cette poésie macabre au parfum de sexe, de perversion qui ont la magie, l'intensité d'oeuvres du même acabit tant hétérosexuelles (le splendide Femme ou démon, l'inquiétant Defiance) et homosexuelles (les films de Deveau notamment Le musée, de Fred Halsted, de Poole, Bidgood voire à un degré moindre certains auteurs français qui par instant frise un certain surréalisme comme pour Equation à un inconnu).
Privé de cette aura, The destroying angel, oeuvre hérétique par excellence, une fois la surprise passée, perd beaucoup de sa démesure même s'il reste un très beau témoignage de ce cinéma X si particulier qui fit toute la splendeur des années 70 de par son intelligence et son inventivité tout en satisfaisant tant les inconditionnels de pur X que de genres plus divers. Malgré cette absence de climax, on ne saurait que trop le conseiller.
Hormis Bill Eld qu'on avait déjà pu voir dans Adam et Yves puis Le musée, aucun des acteurs, au charme plus ou moins incertain à l'exception de Philip Darden, n'était professionnel. Ce fut donc le seul et unique rôle de Timothy Kent, l'interprète de Case et son double, qui n'a malheureusement pas la prestance ni le charisme de Jamie Gillis, littéralement effrayant dans le rôle du Diable de Femme ou démon.