Quella carogna dell'ispettore Sterling
Autres titres: Ce salaud d'inspecteur Sterling
Real: Emilio Miraglia
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Polar
Durée: 95mn
Acteurs: Henry Silva, Beba Loncar, Keenan Wynn, Carlo Palmucci, Pier Paolo Capponi, Luciano Rossi, Larry Dolgin, Bob Molden...
Résumé: L'inspecteur Sterling est un ancien policier dont le fils a été tué par une bande de malfrats. Il est renvoyé de la police après avoir été accusé du meurtre d'un témoin. Il tente alors de remonter jusqu'aux auteurs de ce coup monté et ainsi vengé la mort de son petit garçon...
Essentiellement connu pour ses deux gialli l'excellent La dame rouge tua sept fois et La crypte du fou, Emilio Miraglia a également réalisé au début de sa carrière deux intéressants petits polars entre 1967 et 1968, Assassination / La peur aux tripes et Quella carogna dell'ispettore Sterling plus connu quant à lui sous le titre Ce salaud d'inspecteur Sterling qui aujourd'hui encore est considéré en Italie comme un des ancêtres du polizesco tel qu'on le connaitra dés le milieu des années 70. On y retrouve en effet une partie des éléments de base qui feront le genre notamment le personnage principal, l'Inspecteur Sterling, un policier
qui après avoir été accusé du meurtre d'un témoin dans une affaire de crime va sans pitié ni état d'âme mener sa propre enquête. Il fera lui même justice afin de retrouver les vrais coupables et surtout venger la mort de son jeune fils tué par un des malfrats lors d'une fusillade. Sterling est en quelque sorte le père des futurs inspecteurs qu'incarneront notamment Maurizio Merli et autres Luc Merenda même si Miraglia mélange ici un peu les codes faisant du film un curieux mais O combien attachant produit bâtard qui par instant se rapproche pas mal du film noir et du film d'auto-justice dont Charles Bronson et Clint Eastwood se feront les figures de proue, un aspect fortement renforcé par le lieu de l'action
lui même, San Francisco. Autour de cet axe vengeur tourbillonnent quelques autres ingrédients du polar à l'italienne tels le flic corrompu et coupable, le dégout de l'insigne et la main mise du haut ministère sur les enquêtes que mènent les inspecteurs. Et si le titre résume bien à lui seul les méthodes drastiques de Sterling qu'explique sa soif de vengeance à laquelle se mêle la douleur, le film de Miraglia s'avère très vite efficace, fort plaisant à suivre d'autant plus que le cinéaste donne à ce policier meurtri une dimension humaine qu'on ne retrouvera pas forcément dans les futurs polizeschi.
Annonciateur d'une ère glorieuse, Ce salaud d'inspecteur Sterling s'il ne s'enorgueillit pas
d'un scénario très original brille cependant par moult autres aspects notamment par sa mise en scène alerte, sans réel temps mort malgré quelques baisses de régime, que de nombreux flash-back viennent pimenter. Une bonne partie du film est ainsi construit, d'un incessant va-et vient entre passé et présent afin de mieux aider le spectateur à résoudre l'énigme, à savoir qui est donc le traitre. Certes, les suspects ne sont guère nombreux et cela facilite donc sa résolution d'autant plus si on connait les rouages du genre. Le policier aux deux visages est en effet un des éléments récurrents du polizesco. Tourné à San Francisco, Miraglia profite au mieux du cadre de la ville, de sa baie et de ses décors hivernaux qui
donnent à l'ensemble un certains cachet sublimés par une photographie travaillée.
Plus étonnantes surtout pour cette époque, rappelons que le film fut réalisé en 1968, sont les scènes de violence qui parsèment régulièrement le film et lui apportent cette petite touche si agréable tant recherchée par les amateurs de polars. On retiendra notamment trois scènes plus particulièrement, celle, très sanglante, où un des protagonistes se fait exploser la tête en se tirant une balle et, plus inattendue, celle de la mort du fils de Sterling, Miraglia n'ayant pas eu peur de montrer toute l'horreur de cette séquence qui rappellera à certains le meurtre gratuit et sauvage de la fillette de Assaut, une scène qui annonce à sa façon les futurs
débordements du cinéma italien des années 70. Voilà de quoi réjouir les petits sadiques que nous sommes. Signalons également le supplice dont est victime le pauvre Luciano Rossi, quelques jolis plans de nus certes discrets mais toujours plaisants et une fabuleuse séquence de drug-party dans un night-club au son d'un rock psychédélique endiablé, ses gros plans sur les visages hagards de jeunes hippies en plein trip sur fond d'écran plasmique.
Rythmé par une excellente partition musicale du vétéran Robby Poitevin à qui on doit la musique duSalaire de la haine, Ce salaud d'inspecteur Sterling bénéficie d'une fabuleuse
distribution, un tout jeune Henry Silva en tête. Déjà présent au générique de La peur aux tripes, Silva, future figure emblématique du film policier et d'action, promène sa carcasse et son légendaire air figé avec le talent qu'on lui connait en incarnant cet anti héros, ce flic redevenu civil en quête de justice. Impassible, on pourra lui reprocher de ne pas assez appuyer le coté torturé de ce flic rongé par la haine et le désespoir, de trop intérioriser ses tourments jusqu'à paraitre insensible. Voilà qui pourrait déplaire à ceux qui chercheraient en Sterling un peu d'humanité mais Silva a toujours été plus à l'aise dans les scènes de pure violence et d'action tout comme son obstination, son entêtement impressionnant à atteindre
ses objectifs n'est plus à démontrer. Ses nombreux admirateurs seront quoiqu'il en soit ravis de le retrouver. A ses cotés on saluera la prestation très sobre de Pier Paolo Capponi en journaliste fouineur, éternellement caché dans l'ombre de Sterling, Luciano Rossi lui aussi à ses débuts, l'américain Keenan Wynn, un des glorieux noms du western US, qui ici campe avec force et résignation le chef de la police ainsi que la blonde Beba Loncar, superbe, revêtue de somptueuses parures fortement estampillées fin années 60, dont le rôle tout comme celui de Charlene Polite est purement commercial. Elles n'existent tout simplement pas et leur présence n'est justifiée que par l'obligation d'avoir au générique un nombre
réglementaire d'actrices. Qu'importe! Tout l'intérêt du film est ailleurs.
Bien qu'inégal, souffrant de quelques faiblesses notamment scénaristiques qui laissent ça et là quelques interrogations en suspens, quelques incertitudes et doutes dans l'esprit du spectateur, si certains tergiverseront sur sa morale parfois un peu hypocrite, Ce salaud d'inspecteur Sterling est un honnête spectacle, un proto-polizesco divertissant rondement mené par un Miraglia apparemment inspiré par son sujet. Le film loin d'être une grosse production est avant tout porté par cet amour du cinéma de genre que possédaient en eux la plupart des metteurs en scène d'alors, cette passion qui les animait et leur fit pondre tant de charmantes petites pellicules.
Outre ses qualités, il demeure aujourd'hui important aux yeux de l'amateur pour avoir fait le pont entre deux époques essentielles du cinéma de genre transalpin. Ce troisième film de Miraglia, cinéaste peu prolifique et inégal, mérite donc toute l'attention du spectateur.
Signalons que selon les versions existantes, le métrage diffère. La version italienne exploitée en salles, plus explicative, comporte la scène où le collègue de Sterling se fait exploser la tête mais elle est par contre absente de la copie diffusée sur les chaines télévisées. La version française si elle a gardé le meurtre de l'enfant a quant à elle censuré cet étonnant suicide tout en amputant le film de quelques scènes de dialogue qui aidaient à mieux comprendre les agissements de Sterling.