Deviation
Autres titres: Déviation sexuelle
Real: José Ramon Larraz
Année: 1971
Origine: Angleterre
Genre: Horreur
Durée: 89mn
Acteurs: Karl Lanchbury, Lisbet Lundquist, Sibyla Grey, Malcom Terris, Shelagh Wilcocks, Geoffrey Wincott, Frederick Schrecker, Hillary Gotter, Andrew Grant, Debbi Garland, Hugh Fraser, Lucienne Camille, Terence Lenis...
Résumé: Paul et sa jeune maitresse Olivia ont un accident de voiture alors qu'il roulent à travers la campagne anglaise. Une silhouette les a percuté. Ils sont recueillis par Julian et sa soeur Rebecca qui habitent un maison perdue dans les bois. Leurs hôtes leur proposent de rester pour la nuit. Paul, méfiant, découvre par hasard les étranges activités auxquelles se livrent Julian et Rebecca, unis par une relation aussi étrange qu'incestueuse. Il est surpris, fait prisonnier puis humilié avant d'être violé et froidement abattu. Taxidermiste, Julian cache le cadavre dans une pièce secrète afin de pouvoir travailler sa peau. Rebecca s'intéresse quant à elle à Olivia qu'elle va lentement initier aux drogues et à la débauche lors d'orgies organisées dans ce qu'elle appellent le refuge. Désormais dépendante des produits que lui injecte Rebecca, Olivia est régulièrement violée par Julian, ce que sa soeur a beaucoup de mal à supporter. Lorsque la malheureuse découvre l'horreur que dissimule la maison, il sera trop tard...
Injustement méconnu en France, l'espagnol José Ramon Larraz dut dans les années 70 s'exiler en Angleterre afin de mener à bien une carrière qui dans son pays natal était alors impensable. C'est là qu'il tourna ses premiers films le plus souvent avec des fonds danois ou suédois considérés aujourd'hui par bon nombre d'amateurs comme de véritables petits bijoux d'un cinéma d'exploitation qui n'a rien à envier à la future vague de l'euro-sleaze dont ils pourraient être les précurseurs. Larraz avait ouvert le bal en 1970 avec le sordide et particulièrement malsain Whirlpool / L'enfer de l'érotisme qui déjà portait toutes les stigmates de ses futures oeuvres, un mélange souvent suffocant de sexe, de violence et de morbidité. Son second film, Deviation, plus connu en France sous le prometteur titre de Déviation sexuelle, suit les traces de son illustrissime mais malheureusement difficilement visible aujourd'hui prédécesseur puisqu'il reprend ces thèmes en y ajoutant cette fois une dose d'occultisme sur fond de drug-parties.
Si Deviation pourrait aisément être le frère jumeau de Whirlpool, il y a pourtant une grosse différence entre les deux films, l'absence de violence graphique. Ni viol ni torture et autres sévices, Larraz préfère cette fois s'attacher à créer une atmosphère étrange, presque irréelle, mais toujours aussi oppressante, inquiétante, agrémentée d'un soupçon de psychédélisme fort bien venu. Le point qui les unit est la présence de personnages dépravés, incestueux, psychologiquement dérangés, atteint d'un profond trauma. Ce n'est plus ici un fils et sa mère adoptive coupables de relations contre-natures comme dans Whirlpool qui piègent de malheureuses victimes mais un frère et une soeur, Julian et Rebecca, qu'on devine là encore incestueux. Le décor est le même, une sinistre maison perdue dans la campagne anglaise battue par le vent. Julian est taxidermiste mais cette passion ne s'applique pas seulement aux animaux puisqu'il aime s'occuper également de
peau humaine. Rebecca vit dans son ombre, froide et noire silhouette vampirique qui semble avoir emprunté son style à Morticia Adams. Leur vieille tante paralytique médium vit recluse dans sa chambre entourée de chats et d'objets lugubres tels ces horribles poupons (référence à Whirlpool?) lorsqu'elle n'est pas simplement menottée à son lit. Une nuit d'orage, Paul et sa jeune maitresse Olivia ont un accident après avoir percuté un corps. Ils sont recueillis par l'étrange couple qui leur propose l'hospitalité. Très vite Paul découvre les étranges activités de leurs hôtes. Julian en compagnie d'un groupe de hippies le séquestrent, le violent et le tuent. Son cadavre est caché dans un atelier secret afin que Julian puisse travailler sa peau tandis que Olivia devient la cible de Rebecca qui va l'initier aux drogues tout en la débauchant, maladivement jalouse à la pensée que son frère puisse coucher avec elle.
Si Larraz sait merveilleusement bien créer une ambiance, une atmosphère c'est malheureusement au détriment du scénario lui même. Ainsi beaucoup de points resteront sans réponse, particulièrement obscurs, tandis que la cohérence, la logique, le comportement des différents protagonistes, tout comme dans Whirlpool, ne sont pas forcément au rendez-vous. Les questions s'accumulent donc. Qui sont donc ces deux frères et soeurs et quelle type de relation vivent ils exactement? Pourquoi Rebecca s'enfuit elle, prise de panique, à travers la forêt lors de la séquence pré-générique? Qui est cette mystérieuse tante folle et infirme et quel est donc son véritable rôle dans cette histoire? Qui est ce jeune homme que le couple a renversé et pourquoi fuyait il? Pourquoi Julian tient il
barricadée la porte de la chambre et que cache t-elle? Pourquoi Rebecca est elle prise de pulsions meurtrières chaque fois qu'elle voit un couple faire l'amour ou qu'elle même fait l'amour? Quelle est donc sa pathos? Autant d'interrogations qui resteront des énigmes et jouent en défaveur du film puisque tout semble gratuit et qu'au final le spectateur restera sur sa faim lorsque tombera le mot fin. Aucune explication ne lui sera réellement fournie. Larraz semble multiplier les éléments étranges, bizarres, effrayants uniquement pour mettre à l'aise son public et rendre le climat de plus en plus oppressant. Cela fonctionne certes aidé en cela par une angoissante partition musicale signée Stelvio Cipriani mais affaiblit un scénario assez confus qui part tout azimut.
Filmé avec un peu plus de professionnalisme que Whirlpool, Deviation prédomine donc par cette atmosphère crasse, nauséeuse, cette morbidité et cette claustrophobie qui dés les premières images vous saisissent à la gorge. Ce malaise claustrophobe est régulièrement brisé par les orgies sous acides qu'organisent Julian et Rebecca avec leurs amis, une bande de hippies qui se trouvent être aussi leurs complices. Tout aussi fascinantes, elles appuient un peu plus le coté sexuel du film pour mieux le faire baigner dans un psychédélisme de bon aloi, récurrent à toute oeuvre fortement ancrée dans les années 70. Contrairement à Whirlpool les tortures sont ici plus psychologiques que physiques et passent par l'humiliation. Avant d'être froidement abattu par Rebecca lors d'une de ses crises, Paul, déshabillé de force, était contraint de faire l'amour à une des hippies devant tout le groupe. Cette mort non prévue permettra à Julian de mettre en pratique ses talents de taxidermiste afin de retirer le tatouage qui ornait son dos pour en faire une toile d'abat-jour.
Si on peut en effet parler entre autres de déviations sexuelles puisque inceste, partouzes, et gérontophilie sont évoqués, Deviation peut surtout être vu comme une critique féroce de la jeunesse d'alors et plus précisément de la culture hippie. Pour le cinéaste les hippies, les jeunes sont tous des drogués et de dangereux psychotiques voire psychopathes. Larraz applique tout simplement et à sa façon la fameuse équation sexe drogue et rock'n'roll en réalisant un véritable film d'horreur atmosphérique, un effrayant thriller érotique et névrotique parfois cauchemardesque, sinistre, noir où sont mises en évidence une fois encore les déviances les plus perverses lorsqu'il ne s'agit pas tout bonnement de pure folie dans le sens le plus pathologique du terme. Si les relations destructives que l'homme entretient souvent sont responsables de ses actes et des problèmes psychologiques qu'il rencontre, pour Larraz elles ne sont qu'une illustration du monde dans lequel nous vivons si bien traduit à travers les divers protagonistes de ses films.
Comme pour Whirlpool, le film doit beaucoup également à ses interprètes, le jeune et androgyne Karl Lanchbury, l'acteur fétiche de Larraz, qui nous offre à nouveau une inquiétante composition aux cotés de la danoise Lisbet Lundquist, tout aussi lugubre et troublante, hystérique lors de ses crises meurtrières. L'excellente Shelagh Wilcoks campe quant à elle une vieille tante terrifiante.
Oublié des distributeurs, il n'existe malheureusement à ce jour que deux possibilités pour l'amateur de visionner le film, une antique vidéo anglaise et un DVD bootleg de qualité acceptable, Déviation sexuelle tout comme Whirlpool fait définitivement partie de ces petites gemmes aujourd'hui rarissimes de ce cinéma d'exploitation crasse profondément estampillé années 70 qui mettait en exergue avec une surprenante audace toutes les tares et perversions humaines dans une Angleterre qui jamais alors n'aurait osé aller si loin, déjà toute retournée face à certaines productions Hammer pourtant relativement sages. Larraz plantait doucement les jalons d'un cinéma qui allait définitivement porter sa griffe, celle de la pure exploitation avec son lot de nudité, de sexe, de violence et de morbidité, une carrière vouée à la dégénérescence qui après Scream... and die, La muerta incienta et le rape and revenge Luto Rugoroso allait déboucher en 1974 sur son petit chef d'oeuvre Vampyres.
Moins percutant que Whirlpool, Déviation sexuelle saura sans l'ombre d'un doute faire le bonheur de tous ceux qui conjuguent sexe, drogue et dépravation sur fond d'aliénation mentale.