Un sussurro nel buio
Autres titres: Un murmure dans la nuit / A whisper in the dark
Real: Marcello Aliprandi
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Fantastique
Durée: 112mn
Acteurs: John Phillip Law, Nathalie Delon, Olga Bisera, Alessandro Poggi, Joseph Cotten, Lucretia Love, Zora Welcova, Susanna Melandri, Adriana Russ, Simona Patittucci...
Résumé: Le jeune Martino s'est inventé un ami imaginaire, Luca, avec qui il vit au quotidien. La vie de la famille semble tourner autour cet être invisible qui obsède Martino. Sa mère, Camilla, s'inquiète de plus en plus de la santé mentale de son fils tandis que son père pense que ce n'est qu'un simple jeu. D'étranges phénomènes produisent alors au domaine familial. Parler en mal de Luca déclenche en effet systématiquement un événement dramatique qui pourtant trouve toujours une explication rationnelle. Instable, névrosée, ces faits ont une incidence négative sur la mère de Martino qui devient de plus en plus fragile psychologiquement. De surcroit son couple traverse une grave crise conjugale. Elle persuade alors son mari de faire venir un psychiatre afin qu'il étudie le cas de son fils. Il ne tarde pas à découvrir que Luca était le nom de l'enfant que Camilla a perdu lors de sa grossesse. Coïncidence ou non, il s'avère que le domaine est bel et bien sous l'emprise d'une entité malfaisante...
Ancien assistant de Lucchino Visconti, Marcello Aliprandi n'aura guère laissé de trace en tant que réalisateur puisque sa carrière se résume à une série de téléfilms, un étrange petit film d'anticipation aujourd'hui bien difficilement visible, La ragazza di latta, et une inoubliable et très ensoleillée ode au naturisme sur fond de drame amoureux, Senza buccia, avec Ilona Staller, Lilli Carati et l'étourdissant Maurizio Interlandi, trop tôt disparu. Un sussurro nel buio restera son film le plus abouti mais également le plus intéressant, une intrigante incursion dans l'univers fantastique qui n'est pas sans rappeler Don't look now de Nicholas Roeg et Le tour d'écrou.
Aliprandi aborde à sa façon le thème de l'enfance perturbée à travers le personnage d'un jeune garçon, Martino, qui s'est crée un ami imaginaire, Luca, avec lequel il vit au quotidien. Si son père pense que Luca n'est que le fruit de l'imagination de son fils, un simple amusement d'enfant, sa mère, Camilla, psychologiquement fragilisée par la perte du bébé qu'elle attendait et la crise conjugale que son couple traverse, s'inquiète de la santé mentale de Martino. La question de savoir si Luca existe réellement se pose réellement lorsque des faits étranges se produisent dans l'immense propriété des parents où vivent également
leurs deux petites filles, leur tante, leur gouvernante et les domestiques. Il s'avère qu'à chaque fois que le nom de Luca est évoqué en mal d'inquiétants évènements se déroulent aux risques et périls de la famille de Martino. Persuadé que son fils a de graves problèmes, Camilla persuade son époux de faire venir au domaine un psychologue qui trouvera la mort le jour où il réussit à convaincre le garçonnet de quitter ces lieux pour mieux pouvoir étudier son cas. Pour Camilla, il n'y a désormais plus aucun doute. Luca existe bel et bien. La
maison serait hantée par son esprit malfaisant qui lentement aurait pris possession de Martino. Il s'agirait de l'esprit d'un enfant dont la seule quête serait le désir d'être aimé et accepté au sein d'une famille unie par l'amour. Face au danger qu'il représente, Camilla décide une nuit de le chasser du domaine.
Un sussurro nel buio n'est absolument pas un film d'horreur. C'est avant tout un film d'atmosphère, un film de fantôme dans lequel on navigue sans cesse entre une évidente réalité et le surnaturel qui semble bien décidé à vouloir prendre le pas sur toute forme de
logique, toute cohérence. Chaque évènement dont la famille de Martino est témoin ou victime parait issu de phénomènes paranormaux dont l'enfant serait à l'origine mais à chaque fois, on peut cependant trouver une explication rationnelle. Une silhouette glisse dans l'ombre, Martino se manifeste ou tout simplement l'origine de ces incidents ou même de ces morts trouve racine dans une réalité apparemment bien concrète. Aliprandi s'amuse ainsi à balader son spectateur dans un univers étrange où la frontière entre le rationnel et l'inexplicable se confond, suscitant sa curiosité et l'intérêt qu'il porte à l'histoire. Un sussurro nel buio y puise une partie de sa force qu'il doit également à cette atmosphère de mystère
que le metteur en scène instaure dés le début du film d'une part à travers une multitude de scènes parfois envoutantes, souvent inquiétantes, par instant quasi oniriques, d'autre part par le jeu des acteurs notamment le jeune Alessandro Poggi, un de ces enfants-cauchemars comme le cinéma fantastique les aime tant, et Nathalie Delon, femme fragile et névrosée qui peu à peu perd pied. Certes Aliprandi n'a rien inventé. Il use et abuse des grosses ficelles du fantastique, ne fait qu'en reprendre les éléments les plus récurrents: déplacements d'objets, présence invisible, cris terrifiants, orages, morts violentes, regards menaçants... tout en y intégrant avec soin quelques séquences purement superbes : le
carnaval des enfants, l'icône païenne qu'on brule sur le fleuve, le ballon rouge qui doucement flotte vers la mère endormie, la scène du baiser fantôme sans oublier le sombre rêve qui clôt le film, celui où Nathalie Delon, transformée en chaperon noir égarée dans la neige et le brouillard, tente de faire chasser définitivement l'esprit malfaisant de Luca du domaine.
Plus qu'un film fantastique, Un sussurro nel buio est un drame familial mâtiné de quelques touches d'horreur, celui que vit une famille au bord de la rupture que la première partie du film nous fait découvrir. Martino, un pré-adolescent renfermé, souffre de cette situation, celle d'une mère devenue frigide suite à la perte de son bébé mort-né étrangement prénommé
Luca, psychologiquement fragile, désespérée de ne plus pouvoir satisfaire un mari qui de son coté entretient une relation cachée avec la tante de Martino, également convoité par une gouvernante ambigüe. L'enfant est le témoin muet de leur éloignement de plus en plus prononcé au fil des jours. Il n'a qu'un désir: voir renaitre l'amour entre ses parents. Si Luca, l'ami imaginaire, représente l'univers dans lequel Martino s'est réfugié il existe cependant bel et bien, s'emparant progressivement de l'esprit de l'enfant. Luca n'est pourtant pas une entité malfaisante. Il n'est qu'un être en quête d'amour et de sérénité qui ne demande qu'à
être aimé, chéri, par deux parents profondément amoureux et un frère qui serait aussi un ami. La perte de cet équilibre le fait devenir une menace, sournoise, terrible. En ce sens, le film de Aliprandi est une très belle histoire d'amour tout en nuances sublimée par une magnifique partition musicale à la fois douce, romantique et angoissante signée Pino Donaggio, très surement la plus belle qu'il ait composé durant sa carrière mais aussi une des plus belles qu'ait connu le cinéma de genre italien.
Bénéficiant d'une mise en scène discrète, Un sussurro nel buio doit également beaucoup à
ses très jolis décors intérieurs baroques, ceux de l'immense villa Condulmer située près de Venise, et ses superbes extérieurs, étonnamment mis en valeur par une très jolie photographie due à Claudio Cirillo. On regrettera que Venise, ville mystère par excellence, n'ait été utilisée que pour une trop courte promenade en gondole et un passage sur le Pont des soupirs qui rappellera là encore le film de Roeg tout comme la fort romantique scène d'amour devant la cheminée. Exceptés quelques longueurs qui par moment cassent le rythme, on regrettera peut être le final, un brin décevant, trop simple, trop facile, dénué d'intérêt pourraient dire certains.
Outre Nathalie Delon alors en pleine période italienne (La quatrième rencontre, I gabbiani volano basso, Gli ultimi angeli), le jeune Alessandro Poggi (Tentacules, Un flic explosif), on retrouvera John Philip Law qui semble avoir du mal à donner au père une certaine dimension, trop fade, la charnelle Olga Bisera, Lucretia Love, excentrique à souhait mais horripilante faute à un doublage italien exécrable et Joseph Cotten qui assure le minimum syndical dans le rôle du psychiatre amateur de vodka glacée. Insupportables sont par contre les deux petites seurs de Martino (Susanna Melandri et Simona Patittucci).
Malgré la beauté de la photographie, l'intelligence du propos et le soin avec lequel Aliprandi jongle avec les divers éléments fantastiques, Un sussurro nel buio manque cependant d'une certaine profondeur. Voilà surement pourquoi certains trouveront le film ennuyeux, un peu trop superficiel, et auront du mal à entrer dans cette histoire singulière. Quelques soient ses faiblesses, Un sussurro nel buio mérite largement d'être visionnée. Il demeure une très belle ghost-story vénitienne, un film de fantômes tout en nuances qui devrait ravir les amateurs d'oeuvres atmosphériques qui prennent pour source l'enfance perturbée.