Tony l'altra faccia della Torino violenta
Autres titres: Tony: another double game / The other side of violent Turin
Real: Carlo Ausino
Année: 1980
Origine: Italie
Genre: Polizesco / Noir
Durée: 89mn
Acteurs: Emanuele Cannarsa, Giuseppe Alotta, Paul Theicheid, Cinzia Arcuri, Elsa, Nicole Flori, Rino Maggio, Tony Campa, Lorenzo Gobello, Jimmy Ghione, Armando Rossi, Benedetto Mocellin, Nicola Saponaro, Mario Pesare, Lino Vitale...
Résumé: Tony est un marginal, désillusionné, un paumé qui entretient une relation houleuse avec son père. Il essaie de survivre en s'associant avec quelques petits voyous et autres clochards, ses amis, en commettant de menus larcins tout en faisant les marchés. Un jour, l'un d'eux, Ugo, décide de passer à la vitesse supérieure. Il kidnappe le fils d'un riche industriel. Tony est témoin de l'enlèvement. Il refuse de collaborer avec la police qu'il déteste mais sait qu'il est aussi devenu un témoin gênant pour ses copains. Le vieil inspecteur Gregori va lui mener la vie dure tandis que Santini, un flic au coeur tendre, va quant à lui l'épauler...
C'est au milieu des années 70 que le polar à l'italienne grâce à des réalisateurs tels que Umberto Lenzi, Enzo Castellari et Sergio Martino connut son âge d'or avant d'assez vite péricliter tentant tant bien que mal de survivre jusqu'au début des années 80. Si Rome, Naples et Milan furent les principales villes prises pour cible par le genre Turin et même Gênes suivirent assez tardivement sans jamais parvenir à égaler en force et action les récits trépidants situés dans les plus grandes villes d'Italie. Tony l'altra faccia della Torino violenta ne fait pas exception, le film souffrant des trois principaux maux qui peuvent ruiner une oeuvre: l'évidente incapacité du metteur en scène, une distribution soporifique et inexistante et enfin une réalisation qui n'est plus guère en adéquation avec son temps, le polizesco était alors en phase de lent déclin.
Carlo Ausino avait déjà osé trois ans auparavant un insipide et fort mollasson Torino violenta / Le justicier défie la ville de bien piètre mémoire puisque le justicier du titre, un commissaire interprété par un George Hilton inexistant, défiait plus le spectateur de rester éveillé que la ville elle même. Toujours aussi amorphe, Ausino récidive en 1980 de façon encore plus médiocre avec Tony l'altra faccia della Torino violenta qui n'est en rien une suite au premier film même s'il en réutilise certaines scènes qu'il recycle. Le héros de ce second polizesco turinois n'est plus un flic mais un citoyen désillusionné, Tony, un laissé pour compte qui tente de survivre comme il peut en faisant les marchés ou en s'associant pour quelques misérables coups avec des clochards. Sa vie sentimentale se résume à des nuits passées avec des prostituées, plus particulièrement une qui s'est entichée de lui. Tony est un jour témoin de l'enlèvement d'un enfant par un de ses collègues, un caïd minable nommé Ugo. Devenu gênant, Tony sait que sa vie est désormais en danger mais il ne souhaite pas coopérer avec la police. Voilà qui ne plait guère à l'inspecteur Gregori bien décidé à faire de sa vie un enfer malgré la présence de Santini, un flic qui ressent pour Tony une réelle compassion.
Ce n'est pas que le scénario soit inintéressant bien au contraire mais il est d'une telle lenteur que très vite il aura raison du plus courageux des spectateurs. S'il ne se passe en effet quasiment rien durant 90 minutes on pourrait mettre cela sur le fait que Ausino ait voulu réaliser plus un film d'ambiance dans la grande tradition du film noir qu'un véritable polar musclé. Malheureusement il semble avoir confondu atmosphère et ennui. Créer une atmosphère demande un certain talent que Ausino, cinéaste marginal qui n'a jamais réussi à se frayer un chemin au soleil, ne possède visiblement pas. Afin d'imager sa détresse il se contente de filmer son principal protagoniste, un paumé marginal, en compagnie d'autres marginaux, le fait se réveiller aux cotés d'une catin en plein milieu de la nuit, désespéré, le balade dans Turin, ville industrielle grise et froide. Les dialogues sont creux et souvent insipides, déclamés de façon monocorde. Et l'ennui de Tony contamine très vite le spectateur tant et si bien qu'il décroche et tombe dans une douce léthargie qu'aucune scène d'action ne
viendra estomper puisque Tony l'altra faccia della Torino violenta en est dépourvu. On en dénombre en fait une seule, le kidnapping de l'enfant dans un parc situé en pleine rue que Ausino a cru bon de devoir filmer au... ralenti! Mais le plus gros défaut du film est son affiche, plus spécialement le translucide Emanuele Cannarsa, un des plus mauvais comédiens que le cinéma de genre ait connu à ce jour. Le brushing défait, la moustache broussailleuse, Cannarsa est une sorte de croisé entre Maurizio Merli, Jeff Blynn, un Charles Bronson (une comparaison qu'ose Ausino, fier de son acteur fétiche) de quartier (de ruelle?), Droopy dont il a les bajoues flasques et Nicolas le jardinier. L'oeil délavé et globuleux, la moue à faire se faner les tournesols en plein été, la voix atone, Cannarsa a toute l'énergie d'un escargot apathique. Monolithique, dénué de tout charisme, il traverse le film comme un pauvre hère aux cotés de partenaires tout aussi peu vigoureux, endormis comme piqués par une mouche tsé-tsé. Outre les têtes récurrentes aux films du réalisateur (Paul Theicheid, Lorenzo Gobello, Cinzia Arcuri... ) on reconnaitra Giuseppe Alotta qui par la suite se tournera vers le hardcore sans pour autant se compromettre dans des scènes pornographiques et une apparition d'un tout jeune Jimmy Ghione.
Incapable de mener à bien son projet, Ausino échoue lamentablement dans cette tentative d'étude sociologique à la Di Leo qui rappelle par quelques aspects un certain polar à la française essentiellement dans sa description de la marginalité pour son réalisme et sa poésie. C'est d'autant plus regrettable que cet intéressant mélange des genres aurait pu donner naissance à une oeuvre sombre et désespérée sur fond de violence urbaine. Tout aussi décevant est le fait que Ausino n'ait pas mieux utilisé Turin qu'il ne valorise jamais, se contentant de filmer des lieux communs d'une extraordinaire banalité.
Que reste t-il donc au crédit du film? La grisaille de la ville, constante d'un bout à l'autre, la musique certes recyclée de Stelvio Cipriani, l'emploi par moments de comédiens amateurs issus de la rue qui appuient le coté réaliste du récit, un final plutôt réussi un brin plus mouvementé qui rehausse le niveau de l'ensemble, quelques scènes éparses dont le touchant tête à tête entre Tony et son père avant sa mort et un humour qu'on devine involontaire comme cette séquence où Santini explique les raisons pour lesquelles l'inspecteur hait les jeunes, voyous ou non, depuis le jour où il surprit son fils dans une manifestation. Il lui administra alors une fessée en lui promettant une seconde mémorable une fois rentrés à la maison!
Proche dans l'esprit de Torino centrale del vizio de Bruno Vari, Tony l'altra faccia della Torino violenta a longtemps été impossible à visionner. Sa providentielle sortie DVD ne résolut pas tout à fait le problème puisque nombre de scènes manquent à l'appel. Le film fut en effet restauré à partir de la seule copie que possède Ausino qui explique que ces plans sont aujourd'hui définitivement perdus. De quoi excuser l'incohérence de certaines séquences notamment celle où Tony est à l'hôpital. Nous voilà rassurés! Ausino n'est pas responsable de ce désastre. Il sera par contre coupable d'une ultime erreur, celle d'avoir commis un quatrième film, d'horreur cette fois, le soporifère et très brouillon La villa delle anime maledette.