Strogoff
Autres titres: Michel Strogoff / Der Kurier des zaren
Real: Eriprando Visconti
Année: 1971
Origine: Italie / Suisse / France
Genre: Aventures
Durée: 112mn
Acteurs: John Phillip Law, Delia Boccardo, Mimsy Farmer, Claudio Gora, Hiram Keller, Gianni Di Benedetto, Enzo Fiermonte, Jean Dudan, Christian Marin, Donato Castallaneta, Bianca Doria, Elisabeth Bergner, Kurt Meisel...
Résumé: La Sibérie est coupée en deux depuis l'attaque des troupes du chef tartare Feofar Khan. Irkoutsk, dernier bastion de l'autorité russe, est désormais isolé. Le Tsar sait pertinemment que si Irkoutsk tombait ce serait la fin de l'empire russe qui serait alors sous le total contrôle des tartares. Un renégat, le capitaine Ivan Ogareff, banni de Russie, s'est allié à Feofar Khan et rêve de rentrer dans Irkoutsk afin de tromper le Grand Duc, frère du Tsar, et de le renverser. Afin d'éviter cela, le Tsar y envoie son meilleur officier, Michel Strogoff, afin qu'il délivre à son frère un message l'avertissant de la ruse d'Ogareff. Sous une fausse identité, Strogoff va traverser la Sibérie et devoir affronter bien des épreuves, traqué par le redoutable Ogareff...
Michel Strogoff, le superbe roman de Jules Verne, restera sans nul doute l'une de ses oeuvres les plus lues à travers le monde et l'une des plus adaptées au cinéma tant en Amérique, en France qu'en Italie, celle entre autres avec Curd Jurgens, peut être la plus connues de toutes. La version de Eriprando Visconti qu'il réalisa en 1971 est quant à elle très certainement la moins populaire et la plus méconnue. Quasiment devenu invisible aujourd'hui et ce à échelle mondiale tant au cinéma qu'à la télévision italienne où il ne bénéficia que de très rares diffusions, la plupart nocturnes et fort tardives, Strogoff reste peut être l'adaptation la plus anecdotique et surtout la plus oubliable.
Lors de sa sortie, Visconti affirmait qu'il avait voulu actualiser quelque peu le roman de Jules Verne pour en livrer une nouvelle vision, celle d'une histoire qui se veut un hommage à l'adolescence, un voyage à travers la vie durant lequel l'individu apprend, découvre la relativité et la justesse de ses actes. Cette nouvelle version lue à travers les yeux d'un adolescent risque donc de surprendre dans un premier temps puis de décevoir. En voulant donner un nouveau jour au roman, Visconti en a tout simplement oublié qu'avant tout Michel Strogoff était un superbe récit d'aventures palpitantes, parfois violentes. Exit ici tout ce qui faisait la force du roman, n'en subsiste qu'une ombre. Faute d'une part à une narration d'une linéarité surprenante qui détruit dés les premières minutes tout l'esprit aventureux de l'histoire.
Eriprando Visconti semble simplement survoler le roman pour n'en garder que les grandes lignes qui défilent à une vitesse supersonique à l'écran. Voilà qui donne un coté frustrant à l'ensemble et surtout bien peu intéressant d'autant plus que les personnages ne sont plus ici que de simples silhouettes, bien peu définies et trop dépourvues de psychologie. Il est donc bien difficile de se passionner pour les péripéties que va connaitre Michel Strogoff, le courrier du Tsar dont la mission secrète est de ramener contre vents et marées et surtout contre l'acharnement d'Ivan Ogareff un message officiel au Grand Duc, le frère du Tsar.
Le personnage de Strogoff lui même semble inexistant. Il est loin du héros du roman, fort et courageux, l'homme robuste qui affrontera toutes les difficultés, les terribles épreuves et les horreurs de son voyage à travers la glaciale Russie. Il n'est ici qu'un jeune officier filiforme proche justement de cet adolescent que Visconti à imaginer entrain de lire le roman. Michel Strogoff n'est jamais que sa projection et ses aventures sont à l'image de sa jeune personnalité, fades, à l'instar même de son interprète, John Philip Law, imposé par la production pour la notoriété dont il jouissait alors. Tout aussi fade est la malheureuse philanthrope Nadia, compagne de Strogoff, interprétée par une Mimsy Farmer qui n'a jamais été aussi transparente malgré des efforts visibles pour donner à son personnage un tant soit peu d'épaisseur et surtout d'émotion. On pourra en dire autant de Delia Bocardo / Sangarre
la bohémienne censée incarner l'esprit rebelle du peuple et la perfidie tout simplement insipide et trop douce. Elle n'a malheureusement ni la force de caractère ni la détermination de son personnage de révolutionnaire. Quant à Hiram Keller qui revêt l'habit du redoutable Ogareff la seule chose qui transpire de l'écran c'est son habituelle beauté mais si à travers lui Visconti tentait d'insuffler au film une ombre socio-politique, s'il représentait le vent d'anarchie qui régnait alors en Russie, les minorités ethniques, métissage entre russes et tartares, la tentative est vaine puisque Hiram est loin d'avoir la rage, la détermination, la cruauté qui habite Ogareff. On a également connu Feofar Khan, chef tartare joué par le glabre Kurt Meisel, bien plus impitoyable et sauvage.
En ce qui concerne les personnages secondaires tels les deux journalistes, ils sont ici relégués à de simples faire-valoir offrant à Strogoff un soupçon d'humour inutile. Coproduction oblige, on sera juste intrigué par la présence de Christian Marin dans le rôle de Blount, qui lors de trop brefs séquences, démontre sa capacité d'être autre chose qu'un acteur comique trop souvent cantonné à tout un cinéma populaire franchouillard.
Si on ajoute l'absence de férocité, de ce souffle épique indispensable à ce type d'oeuvre si on excepte les dix dernières minutes lors de la grande bataille où vont s'affronter russes et tartares, Strogoff devient vite un spectacle inodore et bien inoffensif. Les scènes de bataille entre russes et tartares perdent instantanément de leur splendeur tandis que les séquences de tortures, notamment celle où Ogareff brûlent les yeux de Strogoff au fer rouge, une des
plus mémorables dans les précédentes et même futures versions, elles ne dépassent guère cette fois le niveau d'une simple série Bis. Tant le suspens que l'émotion font gravement défaut, ruinant par la même les liens qui lient les principaux protagonistes plus précisément ceux unissant Strogoff et sa mère, ceux naissant entre Strogoff et Nadia et l'amour entre Ogareff et Sangarre nourris de la même hargne. Privé de cette charge émotive et de toute dimension guerrière, Strogoff est un film beaucoup trop plat pour être captivant. Cela demeure le film le plus faible et dispensable de la carrière de Eriprando Visconti, son oeuvre la moins personnelle également. En l'état, Strogoff n'est qu'une bien inoffensive distraction tournée dans les jolis paysages enneigés de Bulgarie qui bénéficie outre d'une étonnante affiche internationale d'une jolie photographie signée Kuweiller et d'une partition musicale de Usuelli. En voulant faire de Michel Strogoff une approche adolescente, une initiation à la vie, Visconti en a tout simplement fait un film doucereux pour... enfants.
On lui préférera et de loin la version tournée par Jean-Jacques Decourt en 1975 pour la télévision, sept épisodes inoubliables qui tinrent en haleine des milliers de téléspectateurs, solidement interprétée par le robuste Raimund Harmstorf, Valerio Popesco, Lorenza Guerrieri et Rada Rassimov, la soeur de Ivan.