Belve feroci
Autres titres: Les bêtes féroces attaquent / The wild beasts / Wild beasts
Real: Franco Prosperi
Année: 1981
Origine: Italie
Genre: Horreur
Durée: 92mn
Acteurs: John Aldrich, Lorraine De Selle, Ugo Bologna, Susana Lloyd, Monica Nickel, John Stacy, Enzo Pezzu, Stefania Pinna, Simonetta Pinna, Alessandro Freyberger, Frederico Volocia, Tiziana Tanozzini...
Résumé: Après qu'une drogue ait été déversée par mégarde dans les canalisations d'eau d'une grande métropole, les animaux d'un zoo qui en ont absorbé deviennent particulièrement agressifs. Fous furieux, ils parviennent à s'évader du parc. Tigres, éléphants, lions, ours, bovidés... envahissent alors les rues de la ville, les métros, l'aéroport semant terreur et chaos...
Est ce par ironie ou cynisme que Franco Prosperi qui aux cotés de son compère Gualtiero Jacopetti consacra la majeure partie de sa carrière aux mondo movies choisit ces animaux sauvages qui lui sont si chers pour être les principaux héros de son ultime film? C'est en effet avec une évidente fébrilité qu'il lâche dans une ville supposée être Hambourg tout un éventail de bestiaux plus surprenants les uns que les autres: tigres, léopards, lions, éléphants, ours, bovidés, rats... qui s'en donnent ici à coeur joie pour mettre sans dessus dessous la métropole tout en semant la panique chez les humains.
C'est bel et bien l'aventure cinématographique la plus osée et surtout la plus coûteuse de la carrière de Prosperi puisque le film ne coûta pas moins de six millions de dollars. Plusieurs points sont intéressants dans ce film animalier de fiction/action dont son décor, les rues de cette ville de béton plongée dans la nuit qui donne au film un aspect peu rassurant.
Intéressant aussi ce lâcher de bêtes étonnantes dans les rues. C'est d'ailleurs l'atout majeur du film. Il faut avoir vu ces hordes d'animaux sauvages envahir la ville, les métros et même une piste d'aéroport où des éléphants déboulent de façon inattendue sous l'oeil médusé des techniciens qui ne pourront éviter le crash d'un avion.
Et Prosperi n'y va pas avec la dos de la cuiller. Sans avoir recours à de gros effets spéciaux il parvient cependant à créer une certaine atmosphère rien que par la présence de cette faune féroce qu'il ne ménage pas. Il fallait oser tourner de telles scènes avec de véritables animaux sauvages de surcroit dans de telles circonstances puisque aucun trucage ne fut utilisé. De Hambourg à Rome en passant par Johannesbourg ils furent lâchés et dirigés par d'habiles dresseurs qui bien souvent eurent maille à partir avec eux. C'est pour dire que le tournage fut particulièrement éprouvant et surtout dangereux tant pour les acteurs que pour les techniciens, certains membres de l'équipe ayant été légèrement blessés.
Prosperi plonge la ville privée d'électricité dans le chaos, autre atout du film. Point de prologue qui se prolonge interminablement, Prosperi jette le spectateur au coeur de l'action dés les quinze premières minutes. Les bêtes féroces attaquent est un film d'une évidente noirceur et son aspect désespéré rappelle entre autre l'univers des films de zombis de Lucio Fulci d'autant plus qu'il se terminera sur une image ouverte fort pessimiste dans sa terrible signification, un total no happy end qui laisse supposer une catastrophe à échelle mondiale aux effroyables conséquences.
Fort de son expérience du mondo, Prosperi ne semble guère avoir de considération pour l'être humain encore moins de notre société moderne sur laquelle il crache allégrement. L'Homme est ici antipathique, cynique, méprisant. Il est à l'image de ces bêtes sauvages et c'est à lui qu'on doit cet apocalypse. Il n'épargne pas même les enfants tous montrés comme des garnements et de petits monstres. C'est d'ailleurs sur eux que se figera l'ultime image qui laisse la porte ouverte à toutes les éventualités.
Le film n'est guère avare de scènes gore même si Prosperi ne s'attarde pas réellement sur les plans sanglants plutôt réussis. Il les délaisse en effet au profit des visions animales et de quelques maltraitances non simulées (rats brulés vifs, chat attaqué...) qui réjouira tous les amateurs de mondo et de cruautés humaines bien réelles malgré un panneau assurant qu'aucun animal ne fut maltraité! Voilà qui rappelle bien toute l'hypocrisie des mondo dont le film se rapproche sous bien des angles.
Malheureusement malgré toutes ses qualités on déplorera comme trop souvent dans ce type d'oeuvre la mollesse et surtout l'approximation de la mise en scène qui ne suit pas vraiment les ambitions de son scénario, le ridicule de dialogues trop souvent risibles par moment insupportables et la médiocrité de l'interprétation d'une brochette d'acteurs à la limite de l'amateurisme. Mais le plus regrettable est cette photographie particulièrement obscure rendant les scènes d'attaques la plupart nocturnes bien peu visibles, la ville étant de surcroit plongée dans le noir suite à une coupure d'électricité générale. Fort heureusement les éditions numériques sorties ces dernières années permirent de rétablir la lumière et d'y voir enfin plus clair.
On retrouvera avec plaisir Lorraine De Selle dans ce qui fut son ultime rôle au cinéma avant de s'orienter un temps vers le petit écran. Si Lorraine n'a jamais été une grande actrice, son jeu est ici d'une telle rigidité qu'il tue son personnage en quelques minutes. Notons qu'au départ c'était Tisa Farrow qui devait jouer le rôle de Lorraine De Selle mais face aux dangers encourus Tisa se retira du projet. retardant ainsi encore un peu plus la production du film. Aux cotés de Lorraine on retrouve un autre visage connu, celui de Ugo Bologna dans l'imperméable de l'inspecteur qui tout au long du film semble cachetonner, quasi inexistant, et la moustache de Antonio De Leo alias John Aldrich dont ce fut l'unique prestation pour la simple et bonne raison qu'il fut choisi pour le rôle non pas pour ses talents d'acteur mais car il était tout simplement dresseur professionnel, un avantage qui ne l'empêcha pas d'être blessé lors du tournage par un coup de patte de l'ours blanc. Parmi les guest stars on reconnaitra les yeux revolver de Alessandro Freyberger trop vite dévoré par les rats et l'ex-divette de l'érotisme hard italien, la polonaise Monica Nickel, la mère de la petite fille dans le métro. On tentera d'oublier Louisa Lloyd, l'horrible gamine de Lorraine De Selle, insupportable du début à la fin du métrage mais on retiendra tout de même la brève scène inutile où la pré-ado sort du lit les seins à l'air. Exploitation quand nous tient!
Malgré ses gros défauts Les bêtes féroces attaquent est un produit sympathique, une honnête série italienne qui mérite l'attention de l'amateur d'exploitation et de films de bestiaire dont il est un joli cru pour d'une part son approche très mondo, d'autre part parce qu'il marqua la fin de toute une époque, celle d'un certain cinéma de genre italien. En effet plus aucune production de ce type ne vit par la suite le jour. Ce fut également le chant du cygne d'un réalisateur à controverse, père de tout un genre du cinéma d'exploitation retourné ensuite à ses premières amours, l'éthnologie, qui après avoir passé sa vie à montrer les travers de notre société moderne la détruit en retournant la nature contre elle. Quelle ironie en effet!