F est un salaud
Autres titres: F is a bastard / De Fögi isch en souhund
Real: Marcel Gisler
Année: 1998
Origine: Suisse
Genre: Drame
Durée: 91mn
Acteurs: Vincent Bréchet, Frédéric Andrau, Urs Peter Halter, Jean-Pierre Von Dach, Ulrich Bodamer, Jaqueline Brutsche, Sebastian Krähenbul, Jessica Fruh...
Résumé: Beni a 18 ans. Issu d'un milieu fort modeste, il rêve de quitter cette vie morose. Lorsqu'il tombr éperdumment amoureux de Fogi, un chanteur de rock trentenaire, Sa vie prend une nouvelle tournure. Totalement dévoué à son amour, Beni est prêt à tout pour lui. Ce qu'il ignore c'est que Fogi est au bord de la déchéance autant physique que morale. Il va entrainer Beni dans son enfer...
C'est de Suisse que nous arrive ce film tourné en 1998 mais qui prend racine au coeur des années 70 puisque nous suivons les tribulations de Beni, un jeune garçon qui tombe éperdumment fou amoureux de Fogi, un chanteur de rock approchant la trentaine. Cet amour-passion menera Beni à l'auto-destruction car il ignore que Fogi est au bord de la déchéance tant physique que morale.
Si le film de n'est pas très original dans son sujet, il l'est pourtant sous d'autres aspects. On est tout d'abord loin des clichés gay habituels et de ses minets magazine branchés déambulant dans les hauts milieux homosexuels à la mode. F est un salaud a ce grand avantage de nous montrer de jeunes gays hors de ce cadre pré-fabriqué. On évolue ici dans le milieu rock, on fume des joints, on prend des acides en écoutant Lou Reed et Iggy Pop entre deux bières, les cheveux longs et la barbe naissante, dans des appartements fonctionnels au coeur de la grisaille du Zürich des années 70. Il est donc assez facile pour le spectateur de s'identifier aux deux héros.
Un autre atout du film est de traiter son sujet somme toute banal avec sensibilité et honneteté appuyé par le naturel des deux comédiens principaux.
Beni a 18 ans, il est homosexuel, vit seul avec sa mère dans des conditions pas toujours évidentes. Sa rencontre avec Fogi va bouleverser sa vie. Fogi est son premier vrai grand amour, un garçon à qui il voue une admiration sans limite, à qui il est dévoué corps et âme.
Durant toute la première partie du film, on suit cette relation au quotidien. Beni s'installe chez Fogi, les deux garçons vivent une relation presque idyllique entre deux concerts. Ce que Beni ignore pourtant c'est que Fogi est bord de la déchéance. Il le découvrira au retour de ce dernier parti pour le Liban afin de se ravitailler en drogues.
C'est alors la lente descente aux enfers pour Beni qui refuse de quitter son amant. Leur relation se détériore alors que Fogi sombre de plus en plus dans la dépendance. Incapable de jouer il dissout son groupe, entrainant le suicide de son guitariste, et ne sort plus que pour se procurer ses doses dans les lieux de deal. Beni n'est plus pour lui qu'un objet gênant dans ce quotidien de plus en plus glauque, dans cette quête de l'Impossible où Fogi s'est perdu.
Il reste pourtant pour le jeune garçon cette icône dont l'attitude rebelle lui procure la force de vivre hors du milieu social d'où il est issu. Il est cette liberté qu'il a tant souhaitée. Malgré son rejet, il continue de vivre à travers lui. C'est une forme de vampirisation et tout naturellement la destruction de l'autre entraine la destruction de l'autre. Beni vit désormais à demi-nu, prostré dans un coin de la cuisine comme un animal blessé qui attend un geste d'affection de son maître. Cette attitude donnera à Fogi l'idée de faire de Beni son objet sexuel, son esclave, son chien. Et c'est à un chien que Beni va lentement s'identifier imagé de façon plutôt drôle et onirique lors d'une séquence où le jeune homme rêve qu'il court et joue avec un chien avant de s'allonger nu à ses cotés sur le sol d'automne.
Aucune humiliation ne pourra ternir l'amour que porte Beni pour cet être ignoble. Il accepte tout ce qu'il lui demande jusqu'à se prostituer pour qu'il puisse l'entretenir. Beni n'est plus qu'on corps dont on use et abuse profitant de sa jeunesse.
F est un salaud est un film sur la domination sexuelle, les jeux dominant/dominé avec lesquels on s'enlise lentement et de plus en plus profondément dans la dépravation et l'oubli de soi. Fogi est en effet ce salaud du titre mais il est avant tout un être faible, incapable de se prendre en charge et vivre seul. Il est un rebelle aux pieds d'argile, pitoyable dont la faiblesse l'a conduit à sa propre destruction. Il aime à sa façon Beni si jamais Fogi a un jour aimé quelqu'un. Il est un peu le prolongement de cette jeunesse perdue tant regrettée. « A 30 ans un homme est mort, il n'est plus qu'un corps répugnant. Jamais je ne pourrais sortir avec un cadavre, plutôt mourir » se répète Fogi.
Mais Beni est surtout son épaule, son seul soutient, sa raison de rester en vie du moment qu'il s'occupe de lui. Il profite de sa naiveté et de son dévouement. Il est un monstre d'égoïsme froid, insensible, détestable. Le jour où Beni, las de cette vie, épuisé, désespéré, réalise le nihilisme de sa courte vie et le doux rêve sur lequel était basé cet amour factice, il décide de le quitter. Fogi tentera de le reconquérir et repartir sur de nouvelles bases loin de Zürich. Ce semblant de nouveau bonheur sur une plage au soleil ne sera qu'un leurre pour Fogi qui mourra d'une overdose en tentant d'entrainer Beni avec lui dans l'au dela refusant que son jeune amant puisse être heureux.
F est un salaud est un film désenchanté, désillusionné qui pose la douloureuse question de savoir jusqu'où on peut aller par amour, pour son premier vrai grand amour. Gisler a réalisé un film névrosé aussi sombre que les rues de Zürich, un film sans espoir qui évite pourtant les écueuils de la complaisance.
On saluera la prestation des deux jeunes comédiens, Frédéric Andrau et Vincent Bréchet, qui offrent leur corps sans retenue à la caméra même si Gisler reste pudique même dans les scènes les plus osées. Ce film aux couleurs vintage souligné par les chansons du Velvet underground, de Lou reed et d'Iggy Pop ( I wanna be your dog), où les posters de Ziggy Stardust ornent les murs de décors ternes, n'a malheureusement pas connu à sa sortie le succès mérité malgré le prix du meilleur film suisse 98.