Eban and Charley

Autres titres:
Réal: James Bolton
Année: 2000
Origine: USA
Genre: Drame
Durée: 86mn
Acteurs: Giovanni Andrade, Brent Fellows, Ellie Nicholson, Drew Zeller, Pam Munter, Ron Upton, Nolan Chart...
Résumé: Eban a 15ans. Adolescent solitaire, il vit avec son père, homme autoritaire et rétrograde, depuis la mort de sa mère. Un jour, il rencontre Iban de quatorze ans son ainé. Iban a jadis été condamné pour pédophilie pour avoir vouloir vivre une romance avec un jeune garçon. Grâce au silence de son père, il a échappé à la justice. Une amitié va lentement naitre entre eux et se transformer en un puissant amour. Leur relation sera découverte malgré leurs précautions. Si Iban doit y mettre un terme pour éviter la justice, Charley décide de fuguer après que son père ait voulu l'envoyer chez un psychiatre pour soigner cette homosexualité qu'il considère comme une maladie...
James Bolton traite ici d'un sujet difficile, la différence d'âge en amour, d'autant plus difficile qu'il met en scène deux garçons. Le moins qu'on puisse dire à la vision du film c'est qu'il n'a pas choisi la facilité puisque Iban, 29 ans, a déjà derrière lui un passé coupable puisqu'il fut jugé pour relations interdites quelques années plus tôt suite à une aventure amoureuse qu'il a connu avec un adolescent. L'histoire semble se répéter puisque cette fois Iban tombe sous le charme de Charley, un adolescent qui depuis la mort de sa mère vit sous l'autorité paternelle.
C'est dans la grisaille hivernale d'une petite ville côtière de l'Oregon balayée par le vent glacial que Iban va rencontrer Charley au détour d'un magasin de musique. Lentement cette relation d'abord amicale va prendre une tournure différente. L'amitié fait place à l'amour puis à la passion. Ils vont vivre une relation intense, une aventure amoureuse qui doit absolument rester secrète pour leur bien à tous deux. Si elle venait à s'éventer, les risques encourus par Iban serait énormes au vu de son passé et des positions du père de Charley, homme sévère et obtus, qui n'accepte pas l'homosexualité de son fils.
Un sujet aussi délicat méritait une mise en scène tout en finesse, sobre, loin de toute complaisance et voyeurisme malsain. Bolton y parvient et signe un film intense, quasi intimiste, plein de sensibilité, de tendresse et d'amour. Iban et Charley prêche par sa pudeur. On songe par instant à Bergman dans son ambiance et son approche intimiste.
Bolton fait naître l'émotion d'un regard, d'un sourire, d'un geste ou d'une situation, d'une intimité, cette intimité sur laquelle repose le film. Tout est empreint d'innocence et de gaucherie y compris lors des scènes d'amour, d'une tendresse infinie. D'un coté il y a candeur et le naturel de Charley, à la fois maladroit et téméraire comme on peut l'être à 15 ans lors de sa première fois, à la fois terrifié et fébrile de perdre son innocence. De l'autre coté, il y a la maturité, la douceur, l'attention et l'amour d'Iban. Deux garçons que quinze années séparent mais qui sont semblables chacun à leur façon. Charley est un marginal, un musicien solitaire, souffrant de l'absence de sa mère et prisonnier de l'autorité de son père. Iban est un solitaire forcé, condamné à vivre comme un paria. Leurs blessures les rapprochent.
Bolton n'use d'aucun artifice. Il se contente de mettre en scène avec un naturel désarmant l'amour, un amour pur et puissant. Point de musique ici si ce n'est une ballade à la guitare que distille une radio alors que Charley s'endort blotti contre Iban.
Tout n'est que silence. Les silences entre Iban et Charley où même sans parler on se comprend, le silence quasi solennel de cette ville maritime et pluvieuse. Ce sont les silences de l'amour et du coeur qui se mêlent aux silences de l'interdit, de la souffrance et du désespoir. Cet amour impossible est condamné d'avance par la société et sa morale. De cette passion fait la douleur et le déchirement. Iban revit une situation qu'il ne connaît que trop pour avoir échappé à la prison grâce au silence de son père. Charley n'imagine plus sa vie sans Iban. Leur secret découvert, Iban, lâché par son père et accaparé par la culpabilité dont il lui vrille l'esprit, devra renoncer à son amour pour éviter la prison. Quant au père de Charley, l'homosexualité de son fils est une tare inacceptable qu'un psychiatre doit soigner. Une gifle de trop et c'est le point de non retour. Charley s'enfuit pour retrouver Iban à la gare et vivre avec lui, défiant ainsi une société arriérée qui condamne l'amour et la différence.
Feutré, tout en fragilité, Iban and Charley est un drame d'une rare puissance sentimentale, une magnifique histoire d'amour bravant les interdits. Il suscitera révolte et colère face à tant d'incompréhension et d'étroitesse d'esprit de la part d'une société étouffée par sa morale et ses tabous. Laissez les vivre, laissez s'aimer aimerait on crier. pourrait être l'accroche de ce film qui se résume en une phrase, une réflexion de Charley: "Quand on sera vieux, personne ne verra notre différence d'âge. Avoir 29 et 15 ans on crie au scandale et jette en prison, avoir 50 et 70 ans, tout devient normal." Le dernier atout et non des moindres de Iban et Charley est l'interprétation tout en justesse et émotion de ses deux interprètes, Brent Fellows et le jeune Giovanni Andrade qui interprète Charley dont c'est ici le premier rôle à l'écran. On l'a revu depuis sous le nom de Gio Black Peter chez Bruce LaBruce pour Otto or up with the dead people, un porn gay horrifique.
Eban and Charley est un film d'une criante sincérité qui avec une pudeur extrême a su traiter une histoire peu évidente pour la transformer en une superbe et émouvante histoire d'amour contemporaine.